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Mauvais classement

par M. Saadoune

Transparency International a publié son classement pour l'année 2014 et, hélas, l'Algérie reste désespérément mal classée. Elle est 100ème sur un total de 178 pays, elle recule de 6 places par rapport à 2013. Le Maghreb en général n'est pas dans la bonne place du tableau, mais l'Algérie est plus mal classée que la Tunisie (79ème) ou le Maroc qui passe à la 80ème place alors qu'il était 91ème en 2013. Sur les pays de l'UMA, l'Algérie ne fait mieux que face à la Libye, en guerre d'autodestruction (166ème) et de la Mauritanie (124ème).

Certes, et l'ONG l'admet, la mesure de la corruption, activité délictueuse par essence secrète et cachée, n'est pas aisée. Pour établir son «indice de la perception», l'ONG a cependant recours à des avis d'experts travaillant dans des organisations internationales, comme la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement et qui ont de ce fait un accès privilégié à l'information. Y compris celle qui ne se diffuse pas. Ce classement, comme ceux de la Banque mondiale sur le climat des affaires ou ceux des ultralibéraux du Forum économique mondial de Davos, peut être discutable au plan de la méthodologie. Mais chacun apporte un élément qui dresse un portrait de l'économie du pays et des pratiques en vigueur.

Toutes ces organisations ne complotent pas pour dresser une mauvaise image de l'Algérie. Au demeurant, l'actualité ne cesse de nous rappeler que la corruption algérienne n'est pas une invention. En Italie, l'ancien patron de Saipem Contracting Algérie, Tullio Orsi, a confirmé avant-hier, devant le procureur de Milan, les rencontres « particulières» entre Scaroni, patron d'Eni, l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, et « l'homme nécessaire», Farid Bedjaoui. Cette affaire Saipem en Italie n'est pas un complot des magistrats italiens. Ils s'occupent d'une affaire de corruption dont les auteurs sont des Italiens et qui a donné lieu à des rétrocommissions au profit d'Italiens. Les Algériens, dont le très haut placé ancien ministre de l'Energie, sont cités de manière collatérale. Mais suffisamment précise pour montrer que la corruption a atteint le haut.

On connaît des détails alors que pour les affaires Sonatrach 1 et 2 en Algérie, l'information est quasi inexistante. Il faut donc prendre au sérieux ce qu'écrit la presse italienne sur l'affaire Saipem. Il faut prendre aussi au sérieux les classements de Transparency International. Ceux qui ont la patience de fouiller dans ces rapports peuvent remarquer la grande constance du mauvais classement de l'Algérie depuis plus d'une décennie. On peut y avoir la confirmation que l'on n'est pas devant un dysfonctionnement conjoncturel mais devant une situation structurelle. Parlant des économies émergentes à forte croissance, le président de Transparency International José Ugaz a dénoncé une «culture de l'impunité dans laquelle la corruption prospère».

Mais si ces pays émergents s'accommodent de la corruption au nom du dynamisme économique actuel, ils perdent au final car sur «le long terme, il n'y a aucun pays avec une croissance économique solide ayant en même temps un haut niveau de corruption». L'Algérie n'a même pas le dynamisme de ces pays émergents. On sait déjà qu'elle est perdante. On sait aussi que la question est politique.