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Les premiers de la «casse»

par M. Saadoune

«Paramètres d'évaluation à la baisse». C'est en ces termes que la gendarmerie algérienne a apprécié le bilan des pertes humaines sur les routes durant la saison estivale 2014. Il y a comme une volonté louable de positiver un bilan qui reste, malgré les efforts de prévention, très élevé. 377 morts durant la saison estivale 2014, c'est beaucoup. Beaucoup trop.

En nombre de morts durant cet été, le bilan n'est pas loin des précédents même si en termes globaux il y a moins d'accidents et de blessés. Ce bilan macabre est, une fois de plus, un révélateur des comportements des conducteurs. Et de la tendance, devenue presque une culture, à se croire plus malin ou plus fort que les autres. Ou à penser que la route n'est faite que «pour nous» et que les «autres» n'ont qu'à ne pas se trouver sur le chemin. Tous les conducteurs algériens ne sont pas des chauffards mais il existe bien une forme assez répandue de comportements dangereux sur la route qui, à force de se banaliser, est devenue une norme implicite.

Ceux qui viennent de pays où l'on est plus strict sur le respect des règles renoncent souvent à conduire en Algérie. Trop fou ! On lève le pied devant le gendarme et on appuie au premier tournant. Et comme on ne peut pas mettre un gendarme derrière chacun, on connaît le résultat. Certains analystes notent, avec pertinence, que les comportements dangereux sur la route ne sont pas à séparer de la tendance générale à ne pas respecter les lois et à tricher avec. La règle de l'informel qui sévit un peu partout, en politique et en économie, s'affiche aussi sur les routes. Le code de la route n'est pas respecté, ce sont d'autres normes, «informelles», qui s'appliquent quand le gendarme n'est pas présent.

Le bilan de la saison estivale 2014 aurait été pire sans la présence, renforcée en général durant cette période, de la Gendarmerie nationale. Ce bilan dresse un portrait-robot clair des conducteurs dangereux en Algérie. Ils sont à 38% des gens qui font dans l'excès de vitesse. Des sortes «d'anges de la mort» qui ne se rendent même pas compte qu'ils utilisent leurs voitures, non pas comme un moyen de transport, mais comme une arme. Quand ce n'est pas l'excès de vitesse, ce sont les dépassements dangereux (14%), les manœuvres dangereuses (9%) et le non-respect de la distance de sécurité (7%). Certes, dans tous les pays, ce genre de comportements existe. Le problème est dans l'ordre de grandeur et il faut bien admettre que notre pays se trouve dans le mauvais lot des «premiers» de la casse.

Le parc automobile s'est considérablement renouvelé en Algérie et on sait désormais que dans l'écrasante majorité des cas, c'est la faute humaine qui est incriminée. Plus que l'état des véhicules ou des routes. Ces bilans interrogent lourdement sur notre rapport aux lois et aux règles. Cela va au-delà des comportements routiers dangereux. Il y a une exemplarité dans le respect des lois qui fait défaut en Algérie dans de nombreux domaines. Sur la route comme ailleurs.