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Mokri, la révolution et la politique

par M. Saadoune

Comment sortir d'une crise politique lourde encore très efficacement masquée par une redistribution, inégalitaire mais réelle, de la rente ? C'est la question fondamentale qui se pose pour les opposants qui ont parfois tendance à se tirer dessus en? disant strictement la même chose.

Abderrezak Mokri, le chef du MSP, qui a eu le courage de sortir le mouvement de l'orbite du pouvoir -et en dégageant Soltani- vient de l'illustrer en quelques jours. Dans une première séquence, très «coléreuse», il a exprimé son dépit de voir le FFS et Mouloud Hamrouche continuer de croire «naïvement» à une possibilité de réforme «avec le pouvoir».

Le chef du MSP a même cru pouvoir dire que ce sont, au mieux, des personnes et des organisations qui font dans le «caritatif» et ne sont pas «politiques». Mokri, et ce n'est pas tout le temps un défaut, est connu pour sa fougue.

Mais il a oublié un peu, en critiquant le FFS et Mouloud Hamrouche, que le MSP a été depuis toujours dans le giron du pouvoir ; qu'en 1999 l'exclusion de Nahnah de la candidature à la présidentielle s'est terminée par un ralliement honteux sur le «candidat du consensus»...

Et que le mouvement a accepté d'entrer dans une Alliance présidentielle dont l'unique mission a consisté à geler la vie politique et à discréditer «le politique».

Certes, au fil des années, Mokri a eu tendance à exprimer des vues critiques au sein du mouvement, mais il a été totalement discipliné et a assumé. Cela fait très peu de temps que le MSP est dans «l'opposition» pour qu'il se permette de donner des leçons...

Quelques jours après avoir ragé contre le FFS et Hamrouche sur sa page Facebook -Mokri a l'insigne mérite d'avoir une page où l'on peut suivre ses réflexions aussi bien politiques que spirituelles-, il annihile ses propres critiques contre les «caritatifs».

Abordant de front le pense-bête antipolitique -très bien entretenu par les médias- selon lequel les partis «causent» et ne «font rien», Mokri se retrouve devant la vieille question : que faire ? Ou plutôt, que ne faut-il pas faire ?

Il y répond -et on dirait que c'est le FFS qui parle- : on ne cherchera pas le changement par la violence, car cela sert les «forces de l'ombre, de la corruption, de l'oppression et du mal». On ne cherchera pas non plus à faire la révolution, mais si le peuple saute le pas et «renverse la table», on «sera à ses côtés».

Elémentaire? Quand la «révolution du peuple» aura lieu, si elle a lieu, ce ne sera pas seulement Mokri qui ne restera pas les bras croisés.

Mais le message le plus clair est : «Nous ne cherchons pas à faire la révolution». Mokri admet donc de fait qu'elle n'est peut-être pas «souhaitable» et qu'elle est risquée dans un pays fragilisé où la politique a été très fortement discréditée par le comportement béni-oui-oui des partis dont le MSP.

Exit donc la révolution !

Que fait donc Mokri ? Il fait, dit-il, de la politique, il s'exprime, rencontre des militants et des citoyens, œuvre à les éclairer? C'est ce que fait aussi le FFS, c'est ce que fait Hamrouche. Et ils ont même l'avantage sur le MSP d'être sur cette optique depuis plus longtemps...