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LA PELLE, LA PIOCHE ET LE SALAIRE

par M. Abdou BENABBOU

Il est encore une question de salaires. Fort de l'aisance financière que lui procure le dividende pétrolifère, il est certain que le pouvoir va puiser dans les caisses du Trésor pour satisfaire une revendication, a priori légitime, et a priori seulement, du monde du travail. Mais ce monde n'est pas uniforme et comme de coutume, l'irrationalité de la politique salariale de l'Etat va nous offrir une distribution financière généreuse mais tatillonne qui profitera en premier lieu à des secteurs dont l'apport de valeurs ajoutées n'est pas avéré.

Il est indéniable que les salaires actuels ne correspondent pas pour une grande majorité des ménages au coût de la vie. Si la culture de consommation avec ses us et coutumes désaxées a des effets désastreux sur les porte-monnaies de la population et constitue un impondérable imparable, elle ne doit pas voiler un problème autrement plus sérieux, plus large et plus profond qui pervertit toutes les données économiques et sociales de l'ensemble de la société.

Depuis la révolution agraire et la gestion populiste des entreprises, on ne rémunère plus en général un savoir-faire mais un état d'esprit. L'égalitarisme forcené qui a tourné le dos à la nature humaine a détruit l'école et a annihilé la valeur de la sueur et de l'effort pour que la fiche de paie devienne un diplôme pour des rentiers. Les travailleurs n'y sont pour rien dans la lente transformation d'un idéal idéologique démagogique surfait en un égoïsme généralisé libérant une désastreuse économie informelle qui accorde peu de place à la vraie consistance d'un salaire.

Pouvoir et population se retrouvent piégés aujourd'hui au milieu d'une compétition mondiale où les petits calculs d'épicier ont retrouvé leurs lettres de noblesse. On ne construit pas. On rafistole. Tant est que l'on ne sait plus construire et que les Algériens ne finissent pas d'être rafistolés au nom d'une aléatoire paix sociale d'une évidente courte durée.

En attendant, le peu de ceux qui travaillent et produisent réellement de la richesse sont tenaillés par une envie tenace de déposer pelle et pioche par terre.