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Hocine, 88 ans, le 20 août

par K.Selim

Le 20 août est une date chargée. Elle renvoie à deux événements majeurs de l'histoire de la Révolution algé rienne, l'offensive du Nord-Constantinois et le Congrès de la Soummam.

Le message lu par le conseiller du président Bouteflika, à Skikda, lors de la cérémonie de commémoration nationale de l'événement, en présence d'anciens combattants marocains, a surpris par l'appel aux Marocains et aux Algériens à « dépasser les futilités des jours ordinaires ». Il a d'autant plus surpris - agréablement d'ailleurs, n'en déplaise à ceux qui bouffent sans réfléchir du Marocain - qu'entre les deux pays les échanges via les gouvernants et les médias sont totalement dans les futilités des jours ordinaires.

Le choix du 20 août par les combattants de l'indépendance, c'était aussi une date qui renvoie à une histoire commune que le message présidentiel a rappelé : une expression « de solidarité particulièrement avec le peuple marocain frère à l'occasion du 2e anniversaire de l'exil du roi moudjahid Mohammed V? ». Un bon rappel qui n'explique pas cependant pourquoi on n'arrive pas à « sortir des futilités? ». Un manque de vision, probablement, une vision à courte vue, de l'amnésie, la tyrannie du court terme... ? Tout cela sans doute.

Pour sortir des futilités, il n'est pas inutile de rappeler, avec beaucoup de respect, que le 20 août c'est aussi le jour de la naissance de Hocine Aït Ahmed. L'homme a fêté ses 88 ans dans la discrétion. Le nouveau premier secrétaire du FFS a rappelé, lors de la commémoration du 58ème anniversaire du Congrès de la Soummam à Ifri, que ce jour était également le 88ème anniversaire de Hocine Aït Ahmed et qu'il a donné « plus de 70 ans de sa vie pour une Algérie libre et heureuse ». Sans plus. L'événement aurait pu être marqué avec plus d'emphase mais cela ne conviendrait probablement pas à Hocine Aït Ahmed qui est un homme d'une grande pudeur.

L'homme qui n'aime pas - sincèrement et non par coquetterie, on peut en témoigner - le qualificatif « d'historique » aurait trouvé futile une commémoration bruyante. Dans l'entretien qu'il nous a accordé (Le Quotidien d'Oran du 10 novembre 2002), il expliquait pourquoi il rejetait cette appellation : « La guerre de libération n'est en aucune façon réductible à un appareil, à un parti, encore moins à un homme, un complot, ou une coterie, quels que soient par ailleurs les rôles des uns et des autres assumés dans des périodes et des étapes données».

Il ne s'agit pas de la négation du rôle des hommes, lui et nombre de ses compagnons connaissent trop bien la logique de l'effacement orwellien de l'histoire pratiqué par les pouvoirs après l'indépendance, pour aller dans ce sens. Mais il s'agit d'insérer toutes ces actions multiformes des militants du mouvement national dans leur grande trame historique. « Le déclenchement de la lutte armée en Algérie, le 1er novembre 1954, a été, bien sûr, déterminé par la radicalisation des combats patriotiques en Tunisie et au Maroc. Le rêve d'un soulèvement maghrébin généralisé était à nos portes. Mais l'annonce de la lutte armée en Algérie est fondamentalement la résultante de la poussée populaire en travail depuis les répressions coloniales sanglantes de mai 1945 ».

Hocine Aït Ahmed, malgré la propagande pavlovienne permanente subie de la part du personnel du pouvoir et des médias, n'est jamais tombé dans le futile. Sa conviction démocratique et maghrébine est sans faille. L'histoire avance. Et dans ce long parcours d'opposant déterminé, on peut dire sans se tromper que sa seule erreur est sa qualité : il a eu raison trop tôt et avant tout le monde. C'est que depuis le début, il n'était pas dans le futile.

Longue vie au grand frère Hocine.