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UNE REACTION TARDIVE

par K. Selim

Cela fait au moins trois jours que des Libyens opposants à Kadhafi faisaient état sur des chaînes arabes de l'utilisation d'avions militaires algériens pour le transport de mercenaires en Libye. L'accusation, très grave pour l'image du pays, aurait dû susciter une réaction immédiate de la part des autorités algériennes : cela n'a pas été le cas.

 Une source officieuse anonyme a bien démenti par le biais d'un journal, mais la réponse était bien légère s'agissant d'une accusation aussi infamante. Pendant ces trois derniers jours, la thèse a donc circulé sur les TV satellitaires arabes et dans la blogosphère, semant le doute sur l'attitude de l'Algérie.

 Des citoyens algériens, choqués de voir le nom de leur pays associé, même de manière elliptique, aux réactions démentielles d'un fou de pouvoir, ont commencé à s'interroger. Une réaction officielle ne supprime pas nécessairement la rumeur, mais son absence ne peut que la conforter. Le communiqué du ministère des Affaires étrangères, rendu public hier samedi, démentant catégoriquement les «allégations mensongères colportées par certains sites électroniques ainsi que par certaines chaînes de télévision satellitaires, sur une prétendue utilisation d'avions militaires algériens pour transporter des mercenaires en Libye», aurait dû être fait jeudi dans la soirée.

 Car, deux longues journées dans une histoire qui s'accélère, c'est trop long et cela cause beaucoup de dégâts. Il est difficile de comprendre par quels méandres ce communiqué basique de démenti a pu passer avant d'être rendu public. Mais il est clair qu'une communication de type bureaucratique peut être désastreuse dans des contextes de crise.

 Sur le fond, beaucoup de citoyens algériens auraient aimé que l'Algérie s'exprime clairement sur la situation en Libye et ne se drape pas derrière la position doctrinale de la «non-ingérence» réaffirmée dans le communiqué. S'agissant d'évènements qui se déroulent dans notre voisinage immédiat, cette non-ingérence n'a pas beaucoup de sens.

 L'Etat chaotique mis en place par Kadhafi est en voie d'effondrement et les défections qui touchent ses différents corps sécuritaires et diplomatiques en témoignent. Invoquer la «non-ingérence» dans une situation manifeste où un peuple est en rébellion ouverte contre un clan peut être commode et «prudent», cela ne relève pas forcément de la sagesse.

 En réalité, l'Algérie et les autres pays de l'UMA sont les plus fondés à s'exprimer et à agir sans que cela passe pour de l'ingérence. La sécurité nationale des pays de la région peut en effet être menacée par la tentation du tyran libyen de faire basculer le pays dans la guerre civile. Des partis politiques maghrébins ? de Tunisie, du Maroc et d'Algérie ? se sont exprimés avec une certaine hauteur de vues sur la situation en dénonçant les menées criminelles du régime. D'une certaine manière, cette prise de position inaugure peut-être une tendance positive des partis maghrébins à se mêler de leurs propres affaires partout au Maghreb.

 Certes, on ne peut s'attendre à une position aussi franche de la part des Etats maghrébins. Mais ils auraient pu, dans la limite de la langue de bois diplomatique, accomplir le service minimum en mettant en garde le régime de Kadhafi contre l'usage massif de la violence. La « non-ingérence» est, dans ce cas, un mauvais argument. De très nombreux Algériens auraient aimé que leur pays n'hésite pas à dire qu'il est avec le peuple libyen dans sa lutte pour le rétablissement de normes étatiques et éthiques élémentaires, bafouées par plus de quarante ans d'une gouvernance délirante.