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J'en
veux beaucoup aux faux mendiants, ils discréditent la charité ! Raymond Devos
A l'entame de ce mois sacré, le fléau de la mendicité a dépassé tout entendement et ses ramifications semblent sans limites. Il ne faut pas croire que c'est une activité totalement spontanée et désorganisée. Elle obéit à une structuration rodée et hiérarchisée avec des leaders, des kapos et des besogneux avec à la clef, des recettes à faire pâlir les capitaines d'industrie les plus entreprenants : de 8.000 à 10.000 dinars, voire plus, par jour et par mendiant ! Il faut déjà repérer des lieux, savoir se démarquer et apitoyer, quitte parfois à s'appuyer sur des artifices. Quelques-uns peuvent simuler des handicaps ou amplifier une situation pour qu'elle apparaisse plus dure qu'elle ne l'est en réalité, ce qui ne signifie pas qu'elle soit simple. D'autres vont miser sur les larmes ou même faire des petites mises en scène pour retenir l'attention. La mendicité est bien plus structurée qu'elle ne peut apparaître au premier abord. Elle est même parfois exploitée par des réseaux qui vont envoyer des enfants mendier. Mais c'est bien d'une profession ignoble dont on parle, même si bien sûr, il ne faut pas oublier qu'il y a encore des nécessiteux qui s'abstiennent souvent de tendre la main et s'ils s'y résignent, c'est en désespoir de cause. Pourquoi donne-t-on à tel mendiant et pas à un tel autre ? On donne, le rappelait un imminent docteur en sociologie, c'est parce que tel ou tel mendiant nous semble digne de notre don, mais nous sommes touchés de manière différente par une même situation. Par exemple, certains vont être plus généreux avec les plus âgés parce qu'ils estiment qu'ils en ont vraiment besoin alors que les plus jeunes peuvent trouver du travail. A l'inverse, d'autres préfèrent épauler ces derniers pour qu'ils s'en sortent. Les ressorts, souvent inconscients d'ailleurs, varient également d'un individu à l'autre : on donne parfois parce qu'on s'identifie ou au contraire une situation trop proche de la nôtre peut nous repousser. Il n'y a pas une règle bien précise, chacune bricole en fonction de son histoire, ses valeurs, ses émotions. Dans les grandes villes, on est quotidiennement sollicités, on ne peut pas donner à tous, chacun développe ses propres stratégies. Certains, à l'inverse, ne donnent jamais à croire qu'ils seraient indifférents face à cette misère ? Personne n'est totalement indifférent, a ajouté le même professeur de sociologie, à Sciences-po; lorsqu'on détourne le regard ou qu'on fait semblant de ne pas voir, c'est qu'on ressent déjà de la gêne, parfois de l'agacement d'être régulièrement sollicités. D'une manière générale, on observe deux types de comportements vis-à-vis de la mendicité : ceux qui vont donner presque systématiquement à une personne bien précise et ceux qui ne donnent jamais. Différentes raisons peuvent expliquer cela: parce qu'ils sont égoïstes, parce qu'ils n'en ont pas les moyens, parce qu'ils estiment qu'ils contribuent déjà par leurs impôts aux dispositifs déployés. Certains y mettent également un jugement moral : ils ne donnent pas pour ne pas encourager des comportements qu'ils jugent déviants. Ils craignent, par exemple, que leur don serve à acheter de la drogue ou de l'alcool. Mendier, donc, n'est plus une honte ni asservissement pour un grand nombre et tendre la main pour quêter une aide financière serait tout le contraire d'une dégradation sociale. Une curieuse imposition, parfois en monnaies lourdes, est instaurée par des demandeurs d'aide qui sont aujourd'hui convaincus que ce qui appartient aux autres leur appartient à eux aussi. Sans aucune retenue et en enduisant leur insistante sollicitation d'un voile de regret très élaboré, ils sont convaincus qu'ils ne confondent pas racket et mendicité, extorsion et sollicitude. Tout y passe. Quand ce n'est pas un kilo de viande qui est demandé à la porte d'un boucher, c'est un mouton qui est réclamé. Le galvaudage des ordonnances médicales à honorer obstrue, de plus en plus, les rues et la dictature des faux gardiens de parkings ferment la boucle. (*) Rappelons que les faux mendiants sont organisés en bande, transportés et ventilés par des réseaux maffieux; ils agissent comme des employés modèles, structurés et soumis à des obligations professionnelles et même à une obligation de résultat ou de quota à atteindre. Dans ce ramassis, on ne peut, par exemple, ne pas remarquer à Alger et ailleurs, la présence de jeunes femmes avec des nourrissons marmonnant quelques litanies pour faire pitié. Cet étrange attelage «mère-bébé», à croire qu'il a été cloné pour la circonstance, s'essaime sur les voies de circulation. En fait, il n'est pas difficile d'observer que l'enfant porté n'est pas celui de la mendiante, dès lors qu'elle ne manifeste aucune affection particulière à son égard ! Concernant la mendicité des mineurs ou l'exploitation d'enfants et même si on est loin du Maroc où la mendicité infantile, qui, bien que coutume ancestrale, est extrêmement gênante notamment pour le touriste qui se voit sollicité à chaque pas, il y a urgence absolue à intervenir devant ce péril auquel il faut opposer une tolérance zéro pour : 1.sauvegarder ces enfants de la rue, qui sont déjà stigmatisés par une image de déchéance, la leur et celle de leur exploiteur, avant d'avoir un peu de prise sur leur propre vie. 2.demander, ensuite, des comptes aux parents indignes, voire les déchoir de leur tutelle Mais sinon la loi existe ! Il s'agit bien évidemment de l'ordonnance N° 69-51 du 17 juin 1969 portant l'interdiction de la mendicité et du vagabondage qui stipule dans son article 1er : «La mendicité et le vagabondage sont interdits sous quelque forme que ce soit, sur toute l'étendue du territoire», et dans son article 2 que : «toute infraction est passible d'emprisonnement de 2 mois à 2 ans et en cas de récidive, la peine pourra être portée à 5 ans». De plus, même si la loi algérienne criminalise la mendicité, le législateur ne doit pas être en reste concernant l'ampleur du phénomène et doit plancher rapidement sur « l'exploitation de la mendicité et son organisation en réseaux» et combler ainsi le vide juridique en la matière. A ces mendiants locaux, s'ajoutent, également, des migrants étrangers qui s'adonnent «à la manche», dans les tramways, métro, cafés et tous les espaces publics ! Notre pays, « l'appel d'air » aidant, est de nouveau assailli par des grappes d'Africains, majoritairement Nigériens qui ont élu domicile dans les rues. A croire que le mouvement migratoire, même s'il a connu des reflux en 2014 et 2015 à l'occasion d'opérations de retour enclenchées conjointement par l'Algérie et le Niger, et aussi en 2021, reste malgré tout en croissance continue et s'installe dans la durée dans le pays ! Les Algériens, de manière générale, ont éprouvé beaucoup de compassion envers ces étrangers qu'ils aident au mieux, non sans s'interroger, disons-le, sur l'étrange facilité avec laquelle ils ont atterri dans la capitale et les principales concentrations urbaines du pays. La multiplication des dispositifs de contrôle n'a pas, à l'évidence, réussi à juguler leur flux. Certains croient savoir que les migrants en provenance du Niger ne sont pas des réfugiés de guerre ou des sinistrés de la sécheresse mais plutôt des mendiants professionnels qui se livrent à cette activité depuis toujours dans leur pays, à partir de la ville d'Arlit. L'Algérie est, à l'évidence, leur nouveau terrain de chasse depuis qu'ils ont appris de la part de certains d'entre eux, revenus « fortune faite » au pays, que les Algériens sont généreux. Ils viennent en masse avec femmes et enfants. La grande majorité d'entre ces migrants n'a ni diplôme, ni formation encore moins un métier la rendant éligible au séjour régulier dans notre pays. Un certain nombre de ces migrants clandestins continue, pourtant, à séjourner dans le pays. Beaucoup travaillent clandestinement et constituent une force non négligeable dont profitent, essentiellement, les entrepreneurs privés, sans scrupules. Le gouvernement, pour le moment, continue de tolérer cette migration clandestine, entrecoupée d'opérations ponctuelles, d'arrestations et de reconduites aux frontières, signe manifeste qu'il n'est pas disposé à la régulariser. Les pouvoirs publics sont, nous dit-on, pour « un règlement global » de l'émigration clandestine à travers, notamment, le développement des économies subsahariennes et le renforcement de la stabilité interne des pays concernés. Si l'on ne met pas le curseur sur la mendicité, notamment celle prise comme métier, avec ses raquetteurs et ses besogneux, pourrait-on parler, décemment, de : 1. politique nouvelle de la ville ? 2. d'investissement touristique ou globalement de développement économique ou encore social ? 3. d'amélioration du cadre de vie en Algérie Aux pouvoirs publics de donner les réponses! (*) Mendicité et racket (Abdou Benabbou) |
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