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Mais que c'est
long! Trop long le feuilleton de cette crise algérienne. Un tunnel sans fin.
Disons-le une fois pour toutes afin d'être corrects avec les mots : presque une
improvisation théâtrale sans cesse recommencée.
Plus de secrets ni de regrets, encore moins de retour en arrière à l'heure qu'il est, car la réalité est là. Implacable. Lassante. Triste. Complexe. Rassurante caricature pour une nomenklatura gérontocratique aigrie, vantarde, assise sur ses montagnes de mensonges. Sûre de sa normalité, de ses privilèges et de ses prébendes aussi. Qui peut pardi gober les propos les plus invraisemblables d'un certain Amara Benyounès affirmant crânement il y a quelques mois à qui voudrait bien l'entendre, et ceci bien entendu pour justifier l'injustifiable, que Bouteflika gouvernait par son cerveau et non plus par ses pieds? C'est-à-dire, à la manière d'un Roosevelt (1882-1945) ressuscité qui aurait mis en œuvre, rappelons-le bien, son fameux «New Deal» alors qu'il était sur un fauteuil roulant. Et que le cerveau de ce dernier, Bouteflika s'entend, est plus fort que tous les cerveaux des Algériens réunis! Fadaise qui ne l'a cependant pas épargné d'être éjecté comme un malpropre du gouvernement de A. Sellal. Une méthode pas très fair-play à l'encontre de l'un des nouveaux affidés du système de la part d'un gouvernement qui donne l'impression de tout contrôler, tout organiser, tout planifier et tout ordonner, bien qu'il ne sache plus faire le tri entre le futile et l'utile, l'utile et l'essentiel, l'essentiel et l'urgent! Maintenant une autre angoisse à nulle autre pareille se profile à l'horizon, obsédante celle-là, le prix du baril du pétrole est à moins de 40 dollars! Une chute vertigineuse des cours au niveau mondial qui augurerait peut-être, qu'à Dieu ne plaise, le pire dans les deux ou trois ans à venir. Que faire alors s'il arrive par exemple à moins de 20 dollars? Comment y procéder? Où allons-nous donner de la tête? A nos voisins qui sont, eux aussi, dans le merdier ou à l'Occident, la dernière carte dans les choix difficiles? Cruel sera notre destin, à nous les Algériens, si nous n'y pensons pas dès à présent avec toute la rigueur possible. D'autant qu'au moment où la fourmi était au charbon, la cigale, plutôt nos cigales, je voudrais dire nos élites dirigeantes chantaient dans les prairies... On imagine spontanément la suite : L'Algérie fort probablement endettée à la mi-2017, une spirale inflationniste sans précédent en perspective, dégringolade du pouvoir d'achat, prêts auprès du F.M.I, plans d'ajustement structurel, austérité à fond la caisse, éclatement définitif de ce qui reste de la classe moyenne, chômage massif, pics de tensions sociales qui s'ajouteraient aux cortèges des troubles actuels, risque d'embrasement généralisé et que sais-je encore. En tout cas, les Algériens n'ont pas oublié de sitôt la période cruciale des vaches maigres du début 1990 et le cauchemar des bateaux de blé envoyés par les émirs du Golfe moyennant le silence complice des autorités de notre pays sur l'activisme islamiste. A vrai dire, depuis l'histoire de ce quatrième mandat, les calamités n'ont cessé de tomber comme des massues sur nos têtes. On ressent même un vide intérieur dans le noyau dur du système, une lente érosion qui progresse inexorablement sur le restant de la société. C'est comme s'il y a une rupture quelque part dans sa façon de calculer, de concevoir le monde et se projeter dans l'avenir. Ventripotent, il lâche des miettes à droite et à gauche, tantôt pour faire taire les islamistes (l'université d'été organisée dernièrement par Madani Mezrag dans une forêt à Mostaganem), tantôt pour se donner bonne contenance auprès de quelques élites pseudo-laïques (les dernières lois concernant les droits des femmes, le harcèlement, etc), et parfois, lorsqu'il se sent vraiment en péril, il les renvoie dos à dos flattant cette fois-là la jeunesse, rien que pour préserver ses propres intérêts. C'est un système moribond qui vit au jour le jour, tentant de se hisser sur un manège immobile. Sa technique, désormais désuète, c'est de ne rien montrer, tout laisser deviner, par ellipses et par rumeurs interposées. Mais cette fois-ci, il semble que les clans au pouvoir ne sont pas tous branchés à la même onde de radio et les tares se révèlent au grand jour sur les pages facebook et les grandes manchettes de journaux. Le mur du secret érigé en clôture s'effondre. Le dernier limogeage par Bouteflika des hauts cadres de la sécurité, trop relayé sur les réseaux sociaux, serait-il synonyme de sa réelle emprise sur les rouages de l'Etat? Un coup de maître qui laisse les observateurs les plus avisés sur leur faim. Quel est le message que celui-ci voudrait glisser par-là à l'opinion publique? Et puis gouverne-t-il réellement l'Algérie? Ou partage-t-il, d'une manière qui le défavorise vu sa maladie, le pouvoir avec son frère et le patron de la D.R.S? Beaucoup de questions d'un côté, peu de réponses d'un autre, quoique l'internet ait mis à nu, ces derniers temps, les pires dysfonctionnements du pouvoir en place. On peut en donner un autre exemple. Vivement vilipendée au départ par la vox populi pour ses soi-disant origines juives avant d'être nommée ministre de l'Education nationale, Mme Noria Benghebrit est poussée, malgré elle, par le biais de cette «rumeur-là» de facebook à rendre le tablier. Tout le monde a cru à la nouvelle de sa démission jusqu'à ce que la concernée elle-même l'ait formellement démentie sur Internet. La communication officielle a, comme d'habitude et une fois encore, du plomb dans l'aile. Mais ce qui est à relever dans cette atroce campagne du dénigrement est l'énigmatique « pourquoi» de cet acharnement pathétique sur un ministre d'un secteur donné quand les autres, moins compétents et plus corrompus, en sont épargnés? Après la proposition-alternative d'utilisation des C.D par tous les élèves lésés l'année passée par le rythme des grèves à répétition ayant eu lieu dans le secteur éducatif, une idée du reste fort critiquée par les uns et les autres sinon par la majorité, la ministre s'est penchée dernièrement sur le volet de l'enseignement de la «Darija» à l'école, un vieux projet déterré des revendications de l'époque de l'avant-garde communiste à la tête de laquelle se trouvait le poète Kateb Yacine (1929-1989). Ce qui est perçu par les conservateurs comme une injonction directe du courant francophone ayant pour unique dessein la destruction du legs de la langue arabe classique en Algérie. Malgré un C.V pour le moins que l'on puisse dire costaud, une expérience non négligeable dans l'éducation et une vision moderniste qui ne l'est pas moins, Benghebrit n'a pas échappé à la vindicte. Et pourtant, quelques années auparavant, un certain A. Benbouzid aurait passé 14 ans sur le même maroquin, sans projet constructif ni perspectives novatrices, encore moins vision utilitaire pour le secteur de l'éducation sans que personne n'ait eu le courage de bouger le petit doigt. Étonnant! Le système avance comme un poulpe, c'est-à-dire, s'il décide un jour par un choix stratégique quelconque de s'orienter dans une direction précise et que l'un de ses tentacules (ici clans), peu favorable à cette option, prend le dessus sur lui et les autres (tentacules), il bascule forcément dans l'autre côté, suivant le mouvement du courant. Le consensus circonstanciel et frelaté en tous points de vue à l'intérieur des appareils du système est fait pour que celui-ci se maintienne et non pas pour qu'il construise quelque chose de solide pour les générations montantes, hélas! Enfin, «tout est dans le tout. Et réciproquement», écrit Alphonse Allais (1854-1905). Un des aphorismes typiques qui résume la gravité dans notre malaise et l'exaspération de notre jeunesse d'aujourd'hui. Une jeunesse en déprime comme tout le pays d'ailleurs. Laquelle ne peut vivre qu'en survivant, s'obstinant contre toute évidence à appeler, ailleurs et seulement dans l'ailleurs, un bonheur possible, «philosophique», dites-vous, «c'est ça l'Algérie, tout est normal» vous rétorquera un citoyen lambda du quartier populaire de Bab El-Oued. Quand on avale une actualité pareille qui sent le pourri et le dégoût, la digère et l'assaisonne sur la table d'un dîner familial, on ne saurait s'empêcher d'en convenir que c'est un chef-d'oeuvre de l'absurde. Et parler de la santé du président, de l'inextricable dossier de la corruption, ça vous plongera nécessairement dans la nausée. A mesure que les inégalités s'accroissent, la société déja en plein désarroi tombe en désamour, je préfère ici le mot «anamour» du chanteur Serge Gainsbourg. Une société vide et privée d'humour, complètement désorientée par la banalisation de la violence. Atteinte de surcroît dans les coins qui semblent jusque-là à l'abri par une leucémie incurable dont elle a de la peine à se guérir. En bref, l'Algérie s'est transformée en une aire d'essai gigantesque pour des clans qui s'étripent à couteaux tirés, c'est triste! La tentation est si grande de se servir de cette vache à lait à titre gracieux, tout en s'exonérant des amères réalités du peuple d'en-bas par la biais de la démagogie, ce doux poison de la dictature. En conséquence, la certitude du doute pèse et envahit les esprits. Si l'on pense seulement au degré du délabrement de nos universités, une de mes principales angoisses, moi personnellement, on s'en rendra facilement compte. Ce qui donne une résonance particulièrement alarmiste à l'avenir de la nation. * Universitaire |
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