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STANFORD/BOSTON/PARIS
- Même si l'arrivée des vaccins contre la COVID-19 donne espoir au monde entier
que la pandémie cesse un jour, beaucoup de pays sont encore en proie à la
propagation du virus. Donc, dans l'attente d'une plus grande accessibilité aux
vaccins et d'une distribution élargie, les mesures sanitaires préventives comme
la distanciation physique, le port du masque et le lavage des mains demeureront
essentielles pour endiguer la maladie.
Certains ne sont pas en mesure d'adhérer aux consignes. Ainsi, bien des personnes démunies doivent vivre avec le surpeuplement, un accès limité à de l'eau propre et à du savon et des filets de sécurité sociale inexistants ou fragiles. Cependant, outre les contraintes matérielles, on retrouve d'autres facteurs comme l'information et la confiance. Certains ne sont peut-être pas au courant des consignes de santé publique ou ne comprennent pas les mesures particulières à suivre. La désinformation à propos de la COVID-19 peut aller à l'encontre des mesures recommandées. Et dans certains contextes, le manque de confiance dans le réseau de santé pourrait en lui-même réduire l'adhésion aux consignes. Pendant que les chercheurs biomédicaux et les experts en santé publique se précipitaient pour en savoir plus sur le nouveau coronavirus au début de 2020, les économistes et autres chercheurs en sciences sociales se mettaient à l'œuvre pour déterminer l'efficacité des politiques et des programmes de lutte contre la COVID-19. Les données probantes qu'ils ont produites apportent des enseignements importants pour surmonter le manque d'informations, combattre la désinformation et renforcer la confiance envers les réseaux de santé. Ces données permettent également d'améliorer l'administration et l'adoption des vaccins contre la COVID-19. Une étude consistait à diffuser des vidéos de deux minutes et demie à propos de la COVID-19 envoyée à la messagerie de 25 millions d'habitants de l'ouest du Bengale, en Inde. Les vidéos leur expliquaient la procédure pour signaler tout symptôme aux agents de santé communautaires et insistaient sur l'importance d'adopter des comportements préventifs. Ceux qui ont reçu ces messages ont ensuite confirmé qu'ils ont moins voyagé et qu'ils se sont lavé les mains plus souvent et ont doublé le signalement de symptômes aux effectifs médicaux. Ce résultat impressionnant peut surprendre, étant donné que les instances avaient déjà diffusé des messages de prévention contre la COVID-19 pendant des semaines aux gens qui avaient visionné ces vidéos. Une cause possible de l'efficacité supérieure des messages vidéo est qu'ils fournissaient des renseignements spécifiques utiles sur les symptômes à surveiller et précisaient les mesures à prendre pour que les gens les signalent afin de ralentir la pandémie. Même quand les renseignements sont précis et concrets, les résultats sont variables. Ainsi, une étude en cours en Ouganda cherche à cerner les effets relatifs d'insister sur les avantages individuels plutôt que sociétaux de l'adhésion des gens aux directives de la santé publique à l'égard de la COVID-19. Et qu'en est-il de l'influence du messager ? Dans l'étude indienne, celui qui présente les informations dans la vidéo - le prix Nobel d'économie Abhijit Banerjee - était bien connu et son message pourrait donc avoir eu une influence amplifiée. Mais l'étude en question a aussi indiqué le rôle joué par l'entourage. Même ceux qui n'ont pas reçu les messages de la santé publique ont déclaré qu'ils adhéraient davantage aux consignes de prévention contre la COVID-19 parce qu'ils se sont mis à observer et à émuler les changements de comportement de leurs voisins. Cela soulève la question de savoir si l'entourage a plus d'influence qu'un tiers pour changer les comportements. En Zambie, les chercheurs demandent aux personnes de communiquer des renseignements médicaux concernant la COVID-19 à leurs proches par SMS. Ils comparent ensuite les incidences des comportements préventifs à celui des messages diffusés par une instance centrale. Il est aussi possible que les décideurs politiques doivent également faire plus que communiquer les consignes de prévention. Ils doivent aussi combattre ardemment la désinformation qui répand la confusion et la méfiance. Au Zimbabwe, les organismes locaux ont envoyé des messages sur l'application WhatsApp aux abonnés de leur infolettre pour leur faire part d'informations exactes sur la COVID-19 et débouter la désinformation sur les remèdes miracles. Ces messages d'une source fiable ont mieux renseigné sur la maladie et diminué les comportements nuisibles enfreignant les avis de confinement. Dans le même ordre d'idée, des économistes au Mexique collaborent avec l'institut de santé publique du pays pour évaluer à quel point les orientations politiques et la crédibilité des messagers influencent le degré de confiance dans le message et l'adhésion aux consignes sanitaires. La question de la confiance ne se limite pas aux motifs de préoccupation concernant la désinformation. Nous avons appris de la crise Ebola de 2014 à 2016 en Afrique de l'Ouest que les politiques qui augmentent la confiance à l'égard du réseau de santé sont susceptibles d'améliorer l'esprit de coopération avec les directives sanitaires, menant ultimement à un dépistage accru et à une réduction de la propagation et de la mortalité de la maladie. Les facteurs contribuant à triompher de la méfiance envers le réseau de santé dépendent beaucoup du contexte. Aux États-Unis, où les inégalités raciales en matière de santé sont de taille, une étude sur les soins préventifs a révélé que les hommes noirs étaient plus enclins à faire confiance aux médecins noirs et à prendre différentes mesures sanitaires préventives, notamment le vaccin contre la grippe, s'ils en ont consulté un. Ces résultats ont été étayés par une étude distincte aux États-Unis, qui a trouvé que les adultes noirs ayant visionné une vidéo présentée par un médecin sur les mesures de prévention contre la COVID-19 sont plus portés à demander des précisions si le médecin dans la vidéo était lui aussi noir. Alors que nous entrons en territoire inconnu avec les vaccins contre la COVID-19, cette recherche sur les méthodes pour accroître l'adoption de mesures préventives pourrait nous aider à comprendre comment augmenter l'immunisation. Jusqu'ici, l'accent a surtout été mis sur les problématiques des chaînes d'approvisionnement et de distribution des vaccins. Mais les études démontrent que d'inciter les gens à se faire vacciner est vital même en l'absence de désinformation et de méfiance. La recherche conduite sur l'immunisation avant la pandémie peut éclairer nos premières réflexions sur les programmes de vaccination contre la COVID-19 et nous aider à formuler des stratégies qui augmentent l'adoption. L'intégration à la politique publique des enseignements de la recherche économique sur l'importance de la façon dont le contenu est présenté, et surtout, par qui il est présenté, dans un contexte de surabondance d'information, de désinformation et de méfiance envers les réseaux de santé. Pour nous aider dans la transition vers un monde sans pandémie, les décideurs politiques doivent examiner avec soin comment exploiter ces résultats pour augmenter l'adoption des vaccins contre la COVID-19. 1- professeur d'économie à l'Université de Stanford 2- professeur de gestion et d'économie appliquée à la faculté de gestion Sloan du MIT 3- professeur à l'École d'Économie de Paris |
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