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Comme à chaque 21 février,
depuis plus de 20 ans, l'Unesco invite la planète à célébrer, la Journée de la
langue maternelle. Depuis le dernier anniversaire, une thématique a été arrêtée
pour 10 ans: «la Décennie internationale des langues
autochtones».
En somme, il s'agit d'inviter les nations à insérer leurs langues maternelles dans le concert des langues d'instruction, notamment. C'est ce qui est entendu par «promouvoir la diversité linguistique et culturelle et le multilinguisme». Vaste programme auquel l'Algérie est candidate de fait. En effet, les langues maternelles de l'Algérie se rangent dans deux grands groupes: le groupe amazigh (taqbaylit, tachaouit, tachenouit, touat, mozabit, tamachaqt, etc.). Ce premier groupe représente près de 25% des locuteurs. Le second groupe, darija ou magharibi, représente les différents «parlers» régionaux du reste de la population. Notons, toutefois que le magharibi algérien (ou darija) est la langue d'échange au quotidien de plus de 90 % de la population. Je ne mentionne pas les autres langues, en usage administratif essentiellement, pur la simple raison qu'elle ne sont pas des langues maternelles (arabe et tamazight, notamment). A ce stade, la notion de langue maternelle mériterait d'être définie à la lumière de la rigueur scientifique. Dans son entité neurobiologique et génétique, l'humain est doté d'un mécanisme cérébral lui permettant de communiquer avec ses semblables par l'intermédiaire d'émissions vocales reconnues et admises comme telles. Dès sa naissance, l'enfant met à profit ce don (biologique) de la Nature afin qu'il parvienne à se fondre dans l'espace social qui l'entoure. C'est ainsi que sa parole émerge pour, progressivement, s'apparenter à celle des adultes qui veillent sur lui/elle. Nous assistons, alors, à ce que le grand psychologue canado-américain, S. Pinker, appelle un «miracle». Sans aucune forme d'enseignement, l'enfant parvient à comprendre et parler la langue de son environnement. Ainsi se met en place ce qu'il serait plus rigoureux d'appeler sa langue de naissance (la notion de «langue maternelle» induit le fait qu'il s'agit d'une «langue mère», ce qu'elle ne saurait être). On ne peut donc admettre comme langue native (ou maternelle) que celles qui s'acquièrent, naturellement, à la naissance. Le programme lancé par l'Unesco pour promouvoir les langues natives (ou autochtones) vise à convaincre les gouvernants de nombreux pays de dépasser leurs réticences qui relèvent bien plus du blocage idéologique que de faits largement expérimentés avec succès et scientifiquement soutenus. En effet la pérennisation des langues natives témoigne d'une résistance extraordinaire de ces dernières. C'est le cas du magharibi qui a su résister à l'acculturation ottomane puis au laminage culturel et linguistique du système colonial français. Dans le Maghreb libéré du joug colonial, cela fait plus de 50 ans que cette langue est poussée en marge de la vie institutionnelle et éducative. Pourtant les dégâts causés par le refoulement de la langue native sont relevés par les experts du monde entier: échecs et abandons scolaires, formes sournoises de violences sociales, mise en retrait de la vie culturelle et politique, appauvrissement de la pensée critique, proie naturelle des extrémismes religieux et politiques, etc. Sachant tout cela, qu'est-ce qui empêche nos gouvernants de faire le pas et introduire notre magharibi (ou magharibi-dziri) dans la vie scolaire et institutionnelle? Selon l'Unesco, les résistances à l'insertion des langues natives émanent d'une méconnaissance des bienfaits de l'éducation multilingue: «L'éducation multilingue a un potentiel considérable, toutefois elle est rarement mise en œuvre en raison des idées fausses qui entourent le multilinguisme. Transformer l'éducation implique changer la perception du multilinguisme comme un atout pour l'apprentissage dans les contextes éducatifs formels, informels et non formels». La fait qu'à côté de la langue d'État, les langue natives de la nation puissent trouver place et se voir protégées, constitue l'atout principal. Il est hors de question de vouloir substituer à la langue d'État les langues natives, mais plutôt de les faire cohabiter de manière constructive. Une langue d'État transnationale, comme c'est le cas de la langue arabe, ne peut avoir de réel impact que si les langues natives lui en pavent la voie. De fait, ces dernière nourrissent en permanence la culture nationale, ce qui ne peut être le cas d'une culture transnationale. Là réside le secret d'une cohabitation linguistique mutuellement avantageuse. C'est donc dans une élan d'ouvertures et de consolidation de la citoyenneté que l'insertion des langue natives doit être pensée. Pérennité et résilience à nos langues natives. *Linguiste |
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