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Nécessité de réforme de la comptabilité communale

par Saheb Bachagha*

La comptabilité publique locale qui repose sur l'enregistrement des recettes et des dépenses doit évoluer et passer à une comptabilité patrimoniale. Pourquoi ?

La comptabilité de caisse qui présente certes l' avantage de la simplicité qui consiste à ne comptabiliser que les opérations donnant lieu à des mouvements de fonds, ignore les notions de dettes et de créances et ne connaît que les décaissements et les encaissements.

En effet, concernant les créances, il faut souligner que le système actuel ne permet pas de corriger le solde de certaines créances pour prendre en compte les risques de non-recouvrement qui y sont attachés. Des procédures particulières, comme l'admission en non-valeur, permettent au comptable public de dégager sa responsabilité financière, mais l' absence de correction des montants portés en comptabilité peut conduire à présenter une situation financière plus avantageuse que la situation réelle.

Concernant les dettes, le système actuel qui consacre la séparation des fonctions entre l'ordonnateur et le comptable, fait que la dette n'est portée à la connaissance du comptable qu'à partir du moment où la dépense ordonnancée lui a été transmise pour vérification et paiement.

Or de nombreux aléas peuvent retarder l'ordonnancement des dépenses. Et de ce fait, on ne peut pas avoir la certitude que l'ensemble des dépenses engagées pesant sur la situation financière de la commune ont fait l'objet d'une transcription dans les comptes.

A l'origine, ce système d'une compta-bilité de caisse a été retenu car il permet de satisfaire une préoccupation fondamentale des administrés : le contrôle de l'utilisation des deniers publics. Il faut pouvoir s' assurer que les élus n' ont pas dépensé plus que les crédits autorisés et que les comptables ne détournent pas les fonds qu'ils manipulent.

Ce système correspond également à un certain stade dans I' évolution du rôle de la commune : à I' origine, celui-ci s'entendait essentiellement comme un rôle de prestation de services publics au profit de la collectivité qu' il était possible de remplir grâce aux moyens financiers mis à disposition pour une année. En aucun cas, il n'était question des moyens matériels durables qu'il a fallu mettre en œuvre. Comptabilité de flux, la comptabilité de caisse ne permettait pas d'appréhender les variations du patrimoine de la commune.

Peu à peu, les collectivités territoriales ont augmenté leurs dépenses d'investissement jusqu' à devenir les maîtres d'œuvre de la plupart des équipements collectifs. Les politiques de décentralisation qui ont été menées en organisant un transfert de compétences de l'Etat vers les collectivités locales, ont d'ailleurs contribué à amplifier considérablement ce phénomène.

Cet accroissement des investissements nécessite à faire passer la comptabilité publique locale d'une simple comptabilité de caisse à une corruptibilité patrimoniale.

Le système comptable actuel des communes dont l'objectif premier est de renseigner la comptabilité économique nationale, ne constitue pas un outil d'appréciation satisfaisant.

Par exemple, la connaissance des coûts réels d'un bâtiment municipal ou de la totalité des aides aux associations (subventions et prestations gratuites) nécessite la mise en place d'une comptabilité analytique parallèle. D'autre part, l'utilisation par la commune des seuls comptes administratifs et de gestion et l'absence de consolidation de ces comptes ne permet pas d'avoir une idée globale des coûts et des risques communaux. L'auto-contrôle des enregistrements comptables de l'ordonnateur est difficile avec une comptabilité en partie simple. Enfin, le maire ne dispose pas en temps réel, de l'information sur le solde des comptes, de tiers et de trésorerie. En plus Les différents éléments du patrimoine immobilier des communes n'ont longtemps fait I' objet que d'un simple inventaire extracomptable.

En 2017, l'ex-ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, lors d'une réunion avec les autorités locales de la région de l'ouest, a sommé les communes à l'effet de mobiliser les finances locales, c'est bien dit, mais avec quels outils de gestion ? A partir des seuls comptes administratifs et de gestion, le maire ne peut pas faire des projections futures, il ne peut pas non plus faire un plan de financement réaliste ni de bilan prévisionnel ni de budget de trésorerie. Sans la consolidation de tout le patrimoine de la commune dans un bilan qui doit retracer tous les biens de la commune, il sera difficile au maire d'adopter une stratégie d'investissement gagnante lui permettant de créer des ressources financières.

La plupart des actifs communaux sont assimilables aux biens de production de l'entreprise car indispensables à l'activité municipale siège de la commune et bâtiments techniques, véhicules et outillage d'entretien, matériels de voirie,... Ces actifs se déprécient et doivent être renouvelés. Or le système comptable actuel des communes ignore l'amortissement. En terme financier, l'amortissement c'est le dégagement progressif de ressources permettant à terme le renouvellement de l'actif correspondant et en terme économique l'amortissement d'un actif consiste à transférer progressivement en exploitation, le coût de l'investissement initial. Donc la constatation de la perte de valeur due à l'usure ou à l'obsolescence permet de mesurer l'état d'ancienneté des actifs et donne une vision prudente de la valeur du patrimoine.

Ainsi donc la nécessité du renouvellement des actifs communaux cadre avec la notion financière. Cela veut dire que la commune qui ne pratique pas d'amortissement ne s'inscrit pas dans une démarche de renouvellement, de continuité d'exploitation, ni d'évolution.

Conclusion

La commune demeure le socle nécessaire et incontestable capable d'amorcer le développement local. Cependant elle doit adopter de nouveaux outils de gestion plus modernes pour être en adéquation avec les nouvelles orientations et directives du gouvernement, et pouvoir réaliser ses objectifs et être par conséquent en mesure de répondre aux besoins et aux aspirations des citoyens.

*Expert comptable et commissaire aux comptes