|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Abréviations,
syntaxe hésitante, orthographe négligée et familiarité envahissante?
La communication sur Internet menace-t-elle la langue française ? Il est trop tôt pour l'affirmer comme pour le nier. Ecrite avec Internet, elle a pris un sacré coup de jeune. Sur la Toile, le français se désagrège un peu plus chaque jour, s'avarie, se meurt. Et plonge les amoureux de la langue de Voltaire dans de profondes dépressions. «Les textos, twits et le web causent des problèmes d'orthographe aux jeunes, destruction de mythes tenaces. Ils diminuent les capacités littéraires et nuisent à la bonne orthographe des jeunes», rapporte David Crystal, éminent linguiste britannique. - Les messages, textes et twitter sont remplis d'abréviations. -Les nouvelles abréviations sont un langage d'adolescents. La plupart d'entre-elles, dans les messages, textes et twitter ont plus de cent ans d'existence. Par exemple « C U later » (pour à bientôt) était déjà utilisé par Lewis Caroll à l'époque victorienne. A cette époque, ils jouaient le soir à se divertir en faisant des mots abrégés. La reine Victoria, elle-même utilisait ces abréviations. -Les ados font disparaître des lettres dans l'orthographe de mots parce que simplement, ils ne savent pas écrire. -Les jeunes sont tellement inconscients de leurs erreurs d'orthographe lorsqu'ils écrivent les textos, qu'ils reproduisent ces erreurs dans leurs textes scolaires. L'écriture texto est désormais omniprésente sur le web exaspérant les plus âgés, disséminant un peu partout son lot de LOL, PTDR, et autres ROFL, prônant des principes fondateurs à mille lieues des règles du bon usage, tels que : la coolitude, la flemme, la fausse négligence. Les meilleurs «texteurs» sont aussi les champions de «l'autographe». Ce sont totalement des mythes. La plupart des jeunes se forcent pour écrire dans un français correct. Mais en même temps, pour renverser le mythe que ce sont les jeunes qui massacrent la langue, l'on remarque que beaucoup de gens, d'âge avancé, se laissent aller de ce côté. C'est elle qu'on a vu le plus faire de fautes d'accords, d'abréviations et de fautes d'orthographe sur des mots basiques. Il faut croire aussi qu'il n'y a pas d'âge pour bien écrire ou pour délibérément mal écrire. Par ce constat, c'est plus la personnalité et le contexte social qui poussent les gens à bien écrire. Si on regarde sur les forums de discussions où les blogs qui font délibérément des fautes d'orthographe, l'opinion des gens est souvent discréditée ou simplement ignorée. Les jeunes et moins jeunes ont vite compris que ce n'est pas avec des abréviations et en écrivant mal que l'on gagne en crédibilité. «Bjr G1 truc a te dire, kon devré faire, sa va dps samedi ?...Etes-vous «MDR» ? Non ? Vous n'êtes donc pas «mort de rire» : c'est une des abréviations en usage sur un chat, un des nombreux forums de discussion en ligne sur Internet. La connivence, de toute éternité, passe par des trouvailles de langage, ni totalement absconses ni immédiatement décryptables par le tout-venant. Lorsqu'un langage de connivence atteint la notoriété, il est obligé de se renouveler, faute de quoi il devient inopérant. Ou alors, mais ce n'est pas contradictoire, certains de ses éléments passent dans le langage courant, avant d'être un jour consacrés par la littérature. Ce type de processus est aujourd'hui à l'œuvre avec le parler des banlieues, dont tout honnête bourgeois maîtrise désormais les bases. Un nouveau registre d'expression Un come-back dans le passé serait-il vraiment réjouissant ? Depuis l'arrivée d'Internet, le français a pris un fameux coup de jeune et toute une série de jolis nouveaux mots a vu le jour. L'internaute ne regarde plus dans le dictionnaire, il «wikipédie». Il ne se fend plus la poire, il «lole». Il ne télécharge plus du contenu, il «upload». Il twite, like, tague, podcast et se laisse avoir par des fakes. Fini le temps où les textes se consommaient à l'ancienne. Terminé les lettres d'antan dans lesquelles chacun s'appliquait consciencieusement et de sa plus belle plume, s'il vous plaît, à ne commettre aucune faute d'orthographe. Révolue l'époque où chaque individu relisait son texte trois fois avant de l'enfermer, d'une main fébrile, dans une enveloppe timbrée. Lorsqu'une erreur se glissait dans le texte pas de touche Delete pour supprimer la maladresse. Sur les messageries instantanées, les discussions vont vite. La cadence est infernale. Plus le temps de relire ses phrases. «Le langage SMS» : Le SMS regroupe des abréviations non universelles, non connues de tout le monde. Il ne répond pas à des règles orthographiques ou grammaticales strictes : un même mot peut souvent être écrit de plusieurs manières différentes. Voici tout de même un petit exemple de langage SMS : le mot «demain» en «2m1». Les fautes d'orthographe sur Internet font perdre beaucoup d'argent aux sociétés de vente en ligne, rapporte BBC News. Selon l'entrepreneur du web britannique, Charles Ducombe, une analyse des données, rassemblées à partir des sites, a permis de démontrer qu'une seule faute d'orthographe pouvait diminuer de moitié les ventes en ligne d'un site. Aux yeux des consommateurs, ces erreurs remettent en cause la crédibilité du site. L'habitude d'Internet crée ainsi un nouveau registre de langage, à mi-chemin entre l'expression écrite épistolaire et l'expression orale. «C'est plus spontané, familier, le ton est blagueur, on s'autorise un relâchement que personne ne se permettrait dans son courrier administratif », relève un cadre de l'éducation nationale. On a pris l'habitude de se passer des formules de politesse au début et à la fin de ses messages, «sauf, dit-on, s'il s'agit d'une personne qu'on ne connaît pas». Il est constaté un laisser-aller qui conduit à négliger les accents et les apostrophes, à s'affranchir de la ponctuation et à ne pas se soucier des fautes. Les incompétences orthographiques n'ont pas d'âge. Il y a les fautes de conjugaison : si j'aurais su, j'aurais pas été ! Les fautes d'accord, les fautes lexicales, les fautes de frappe, les fautes volontaires. Les fautes volontaires permettent de jouer sur la phonétique des mots pour écrire un mot sans avoir à se soucier de son orthographe. Ainsi lorsqu'il s'agit d'écrire «manger», «mangé», «mangez», ou même «mangeais», beaucoup écrivent «mangé», ce qui, je vous le concède, évite une longue et laborieuse réflexion. C'est ce que l'on peut appeler une faute volontaire. Un autre cas, également très à la mode sur Internet, est de ne pas faire la différence entre «çà», «sa» ; remplacés systématiquement par «sa» et «se», «ce», «ceux» remplacé par «se». D'ailleurs, pourquoi se donner du mal lorsqu'on sait d'avance que la conversation d'un texte du logiciel de l'expéditeur à celui du destinataire risque de multiplier les altérations et les signes parasites ? Même des enseignants de français, sur leur messagerie, commettent ce qu'ils ne toléreraient pas sur des copies d'élèves. Concentrées, ces caractéristiques donnent un style assez folklorique, où un week-end est un «we», un problème un «pb» et où le comble de la politesse se traduit par un rude «stp». De là à prétendre que la belle langue est menacée par la prolifération du cyber-sabir, il y a une marge qu'il serait prématuré de franchir. Le recul manque pour distinguer ce qui influera durablement. Un nouveau registre d'expression n'annule pas les autres, et beaucoup de ceux qui se lâchent dans l'intimité d'une messagerie savent très bien contrôler leur prose quand ils le veulent. Le degré de publicité des écrits est un élément déterminant. Ainsi, pour prendre des exemples dans l'éducation, les nombreux forums, gérés par des modérateurs, où l'on échange en temps différé manifeste, appels et autres textes polémiques, sont généralement de bonne tenue, affirme Luc Cédelle, ex-pionnier du web. Tout au plus, lorsqu'ils sont ouverts aux contributions individuelles, y relève-t-on une familiarité plus proche de l'interpellation d'assemblée générale que de la dignité traditionnelle de l'écrit. Sinon, tout va bien. Pas de pb. A+. Source : Le monde de l'Education |
|