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«Depuis fort longtemps,
l'Algérie des uns n'est plus celle des autres et les choses s'aggravent. Que
faire alors ?
Une Constitution pourra-t-elle y remédier, fédérer ce peuple dont une partie réclame encore la primauté historique et le droit d'aînesse, une autre, la primauté révolutionnaire et le reste (Shab la mithak, la destour, Kal Allah, kal Errassoul), La Charia et le nihilisme de toute constitution ou référent terrestre ?». Une Constitution pourra-t-elle vraiment baliser le sentier de la nation algérienne, définir son âme profonde et régler une fois pour toutes, la question de l'individualisation du pouvoir et le squattage des institutions de l'État, sans être, à chaque fois, remise en question ? D'aucuns pensent que cette révision constitutionnelle sonne à diversion politique pour absorber l'onde de choc du Hirak national du 22 février et noyer l'essentiel dans l'accessoire. Il ne faut pas perdre de vue que, que l'expérience politique de notre pays, traduite dans la première constitution de 1963, ne se contentait pas de reproduire autres modèles que les circonstances de son accession à l'indépendance, ses choix politiques, les leçons des secousses politiques, le poids de ses propres traditions, les modèles des « pays-frères », ses « sympathies internationales », ainsi que, les exigences de forme du droit universel, auraient pu lui imposer. Tous ces paramètres ont joué concurremment, au cours d'une fastidieuse maturation liée aux déchirements propres à la Révolution algérienne, mais aussi, au renversement de Benbella, du 19 juin 1965, au titre de la correction révolutionnaire de Boumediene et au motif duquel la constitution de 1963 fut suspendue. Tout cela a réclamé des solutions constitutionnelles propres à notre pays. Depuis la première constitution de 1963 donc, ce sont sept révisions constitutionnelles qui ont été opérées sur ce document maître de la République, parfois sous de simples mises à jour de forme avec quelques rafistolages, par-ci par-là, et parfois sur le fond, en confirmant au passage, les invariants de la nation. Au total, ce sont donc, trois révisions constitutionnelles qui ont été opérées sous feu Houari Boumediene, sur celle de 1963 suspendue en 1965 puis remplacée en 1976 et une, par feu Chadli Bendjedid, dont celle de 1988 et enfin trois par Bouteflika, en 2002, 2008 et 2016. Des révisions constitutionnelles noyées dans un tas de littératures juridiques reformulées pour paraître à chaque fois différentes aux yeux des profanes, et qui faisaient perdre à notre Constitution, cette Loi cadre de la nation et de l'État, toute sacralité et consistance juridique. Chaque maître du moment esquissait donc sa propre constitution, selon ses propres envies pour asseoir, au premier chef, les socles de son pouvoir et faire au passage, échos aux impératifs de politique internationale. Toutes nos Constitutions sont restées en panne face à la raison d'État. Incapables de s'attaquer aux vraies questions que posent, l'enchevêtrement institutionnel, l'assainissement et la remise à niveau de celles-ci pour se soustraire à l'individualisation du pouvoir et au temps médiatique, à l'équilibre des pouvoirs et les relations souvent conflictuelles du droit national et traité bilatéral, surtout, lorsque le droit de nos concitoyens est compromis par une partie étrangère. Après feu Boumediene, l'institution de la présidence de la République a été confinée à des prérogatives purement protocolaires, à en devenir hélas, l'arbre qui cache la forêt des vrais centres de décision extra constitutionnels. Bouteflika qui se voyait déjà comme le Charles de Gaulle algérien, l'homme de la situation en quelque sorte et après son fameux « je refuse d'être un 3/4 de président ! », il a pu récupérer ses prérogatives présidentielles, mais il en a fait hélas, un très mauvais usage. Entre le Devoir et le Pouvoir, Bouteflika en a choisi le Pouvoir mais sans compter avec le peuple qu'il considérait comme immature, il a fini par payer le prix. Chaque maître du moment avait donc développé ses propres techniques pour faire passer ses révisions constitutionnelles comme une lettre à la poste. Bouteflika a été celui qui avait le mieux développé sa technique pour faire passer ce qu'il voulait, moyennant un parlement qui ne jurait que par « fakhamatouhou », un Sénat dans la poche où il avait le tiers, des médias louant en boucle sa présence et ses œuvres à le sacraliser et bien-sûr, une Algérie profonde complètement obnubilée par son image. Mais le secret de sa technique était ses «amendements bonus, sucrés /salés, «qu'il glissait dans ces projets de Constitution pour noyer le poisson, touchant tantôt la femme qui représente quasi la moitié du corps électoral, tantôt la culture amazighe et ce, pour passer des signaux positifs, aussi bien à l'Occident qu'aux plus récalcitrants de nos concitoyens Amazighs. Le Hirak national du 22 février est venu donc faire face, à la foi, à la Boulimie de pouvoir de Bouteflika qui voulait briguer un 5ème mandat malgré son état d'impotence criarde, à la horde de vautours qui se cachait derrière son aura pour saigner le pays, ensuite, à un régime calculateur pris au dépourvu, puis aux islamistes qui voulaient prendre leur revanche pour les années 90 et finalement, face aux ultras berbéristes qui trouvèrent l'occasion historique pour faire un ancrage constitutionnel de leur « droit d'aînesse » sur toute l'Algérie, au titre d'une constituante où ils auraient la voix dominante. Le seul gagnant fut donc le régime qui a investi à fond dans la peur des Algériens, en opposant, comme toujours, une Algérie à une autre et en jouant sur les contradictions idéologiques des uns et des autres. Face à un monde extérieur qui observe, le Hirak national du 22 février imposait donc à l'État, une réponse politique claire et nette. Théoriquement, la Constitution devrait prendre en charge les revendications politiques du peuple algérien pour l'édification d'une Algérie nouvelle. En théorie, elle devrait prémunir le pays contre toute forme d'autocratie, garantir la séparation et équilibre des Pouvoirs, réconforter la moralisation de la vie publique et protéger, consolider les droits et libertés citoyennes. Contrairement aux rafistolages constitutionnels bouteflikiens qui ne visaient en somme, que la consolidation de son propre règne par l'ouverture du nombre mandats, bafouiller les conditions d'âge et de santé et bien-sûr, l'élimination constitutionnelle de toute concurrence potentielle, ce projet de révision constitutionnelle, si tant qu'il soit jugé par certains, en deçà des perspectives espérées et qu'il ait fait intervenir des personnalités politiques huées par la rue, porte un autre esprit et s'inscrit dans une toute autre logique. Des figures qui ont subi jadis le courroux de Bouteflika, après une longue carrière d'allégeance, ils sont sortis finalement, bannis du burnous du raïs, mais cela ne suffisait pas pour les réhabiliter. Hormis la charte nationale de feu Boumediene, toutes les autres Constitutions étaient le produit d'une élite. Elles n'ont jamais été venues à la demande d'un peuple alourdi par les conditions de vie quotidienne. En plus, la Constitution n'a jamais été observée ni dans l'esprit ni dans la forme, en dehors des crises politiques majeures, comme celle du 22 février où même ici, elle avait subi des entorses graves pour sauver la baraque. Les exemples abondent donc où la Constitution a été sans cesse piétinée et malmenée, concernant le volet des droits de l'Homme, plus particulièrement. Nous avons eu un arrière-goût du respect scrupuleux de la Constitution, lors de certains actes sécuritaires arrogants, ce fourre-tout par lequel le citoyen lambda et sa famille sont sans cesse harcelés, terrorisés et où des activistes et des lanceurs d'alertes sont jetés en prison pour un oui ou pour un non, par une machine qui roule pour je ne sais quelle logique ou volonté légalitaire ou constitutionnelle ? Du haut de vos avions et de vos hélicoptères, j'ai jeté un coup d'œil attentif sur l'étendue de votre champ des droits constitutionnels, hélas, je n'en ai trouvé aucune trace, à laquelle votre discours mielleux fait référence. Je n'ai aperçu hélas, que celles balisées par l'arrogance, l'aléatoire, l'impunité sécuritaire et l'injustice, poussées à des limites les plus scandaleuses, dictées par la raison d'un État qui a perdu la raison. Constitution ou pas, ce pauvre pays risque de rester à la merci des prédateurs du pouvoir et de la finance, un domaine de la ?hogra' par excellence, un hôpital psychiatrique à ciel ouvert et surtout, des postes et des enveloppes budgétaires, des portefeuilles et des privilèges à distribuer aux copains et aux copines de la nouvelle allégeance, au détriment de la compétence et tout autre discours n'est, et jusqu'à preuve du contraire, que poudre aux yeux. Car tout comme la vérité, le pouvoir est ailleurs que dans une Constitution ! |
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