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Le courant
orientaliste animé dès le début de l'occupation française en Algérie par des
compositeurs et éthnomusicologues tels Camille
Saint?Saëns (né 1835 à Paris mort à Alger en 1921) président de la société des
concerts des instruments anciens fondée en 1901 destinée à faire revivre la
musique des XVII et XVIIIe siècles et d'autres grands noms de la musique en
Occident voir entre autres Salvador Daniel (1831-1871) ayant enseigné à Alger,
Jules Rouanet (1858-1944)... s'est intéressé à cette
musique en tant que musique ancienne tentant de retrouver les principes de son
interprétation propre. Edmond Nathan Yafil
(1874-1928) fondateur en 1911 d'El Moutribia a, sous
l'influence de ces ethno-musicoloques et du
conservatoire s'intéressant au patrimoine, ouvert la voie à un courant
cherchant à théoriser une esthétique moderne à cette musique d'un intouchable
absolu jusque là faisant réagir par
là les tenants de la prime authenticité dont Cheikh Larbi Bensari qui a laissé un héritage formel unifié de la ''Sana'a-gharnata'' et qui a eu au bout des lèvres cette
boutade ?'Yafil aqlab Safir ala Aâfir?'
(?'Safir ala Afir'', deux noms citant deux démons légendaires de vieille
mythologie maghrébine), c'était lors d'une soirée animée par l'orchestre dirigé
par Yafil à l'occasion de l'inauguration de l'hotel transatlantique, en 1926, à Tlemcen.
«Sana'a» et «Haouzi» séparent symboliquement deux registres En tant que mosaïque, cette musique comporte des pièces de différentes catégories de l'arabe médiéval de ce qu'on peut appeler les ?'Belles lettres''(Qaçida, Mouwaschah) et aussi, des pièces d'un genre intermédiaire mi savant, mi populaire de ce qu'il convient d'appeler la culture médiane de proximité, le zadjal, et qui a donné une coloration spécifique à l'art inventé par Zyrieb servant ensuite de modèle inspirant, au fil des siècles, des créateurs contribuant à leur tour à son évolution-enrichissement, empruntant parfois d'autres itinéraires. Cet art, par sa musique raffinée et sa poésie, est estampillé du lyrisme des grands poètes andalous du moyen-âge arabe : le poète et vizir Ibn Kha¬fadja (1058-1177), Ibn Zeïdoun (1003-1071), l'auteur connu pour ses zadjals et sa langue familière, Ibn Gusman (1078-1160), Mukaddam Ibn Mu'afa (XIe siècle), Suchtari (XII e s.), Ibn Amar (XIe s.), Lissan eddine Ibn Khatib (1313-1374), Abou Madyan Choaib (1126-1197)... Il était à l'origine réservé à la minorité arabe omeyyade des cours de Cordoue et de Séville et aux élites venues d'Orient et à leurs clients arabes les dignitaires ?'Mawalis'', menant grand train leur vie de cour à l'intérieur des palais de Cordoue et de Séville. Elle a rassemblé dans son parcours, à nos jours et, dans une même continuité d'autres déclinaisons traduisant son évolution sur les plans à la fois de la langue sur son double aspect classique et dialectal enfin, des goûts. Les termes ''Sana'a'' et ?'Haouzi'' séparent symboliquement deux registres, l'un classique l'autre populaire. La structure de la composition ?'qaçida', ''mouwaschah'', ''zadjal'', ?'beldi'' aide à repérer et à classer les pièces poétiques dans chacune des périodes marquant l'évolution de cet art. On notera à titre d'exemple que la transition vers le zadjal fut assurée dès le XIIe siècle et bien plus tard vers le ?'Beldi'' qui a également enrichi cette musique d'une multiplicité de compositions des génies de la littérature populaire, à partir du XVIe siècle, réformant l'orthographe des mots d'une sémantique neuve loin des excentricités de la langue arabe classique. Cette langue critiquée par les puritains allait créer ses propres mots pour le plaisir des phrases. Sa poésie chantée dite ?'Beldi'' va alors rythmer et enchanter la vie quotidienne d'où le succès populaire permanent et dont l'histoire est digne de ses grands maîtres. Les apports consécutifs ont constitué un moteur essentiel à l'évolution de cette musique à textes et dont les œuvres de poètes, de plusieurs générations, sont entrées dans son processus de création façonnant, au fil du temps, les goûts de la société maghrébine de l'art. Cette musique est entrée en interaction avec la littérature du pays et cela, dès le XII e siècle. Les œuvres des grands poètes zianides ont fait leur incursion dans l'édifice codifié de la Nouba entrée dans la mode plusieurs siècles avant et qu'on peut considérer aussi comme parmi ses ancêtres, voire ses enchaînements avec un festin riche et varié de poésies de l'œuvre de grands compositeurs, poètes et musiciens, andalous et maghrébins. Les pièces dont les mélodies se mêlent et s'entremêlent aident à repérer et à les classer, à telle ou telle époque. Le nouvel élan de recherche sur le patrimoine de cette musique a permis d'y recenser une grande partie de morceaux de poètes ayant vécu à l'époque post-andalouse, zianide notamment. L'héritage de la ?'Sana'a?gharnata'' est le même puisant dans un même corpus, une même source pour les interprètes dans les autres styles. Il est partagé à Alger, Constantine avec, cependant, plus de liberté de rythme et d'interprétation... avec des sytles d'éxécution légèrement diffférents. Du XIIe au XIVe et même après, jusqu'au XIXe siècle, les poètes de Tlemcen ont participé pleinement au mouvement artistique. Les oeuvres classiques des poètes du cru sont d'une intégration parfaite à cette musique monodique léguant une banque de poésies entrées au fur et à mesure dans son corpus classique n'ayant point vieilli encore, à ce jour: Mohamed ibn al-Khamis (1252-1369) : ''Mali al ghamam'' (m'ceddar rasd), ?'Mali Chamoul'' (inçiraf m'djenba); le roi-poète zianide Abou Hammou Moussa II «Al farâj qârib » (M'cedar maya); Al?Qaïssi et-tighri tilimsani, XIV e siècle, ?'Mali ala al-chawqi mouîn'' (inçiraf sika); ibn al-Benna tilimsani, XVe siècle, ''Layali es-sourour'' (m'cedar maya), ?'amla kou'ous al-khilaa'' (m'ceddar ghrib). Leurs contemporains jusqu'au XXe siècle : - Saîd al-Mandassi (XVIIe siècle) : ?'Ana ouchqati fi soultan'' (Mçedar Mezmoum, insraf rasd dil), ?'Ya man sakan sadri'' (M'ceddar mezmoum), ?'Ya houmiyatou Loum'' (insraf maya, mezmoun...),... - M'barek Bouletbag (XVIIIe siècle) ?'Alqî oudnak'' (inçiraf raml al-maya)... - Mohamed Ben M'saîb (XVIIe siècle) : ?'Fah al wardou oua soussan'' (inçiraf rasd el-dil, dil, mazmoum), ?'Zad al-houbou wadjdi'' (inçiraf h'sin, maya)... - Ahmed Bentriqui dit ?'Benzengli?' (XVIIe siècle) : ?'Aliftou al-bouka'' (Insraf Maya, Raml Achya', ?'Hark dhana Mouhdjati'' (B'taihi raml al?achiya, insraf ghrib), ?'Al djamal fettan'' (m'ceddar h'sin, rasd el-dil)... - Boumédiène Bensahla (XVIIIe siècle) : ?'Rît al -qamar qâd ghas'' (b'taîhi raml al maya, inçiraf zidane), ?'Natfaradj maâk'' (darj rasd, inçiraf sika et h'sin) ... - Mohamed Bendebbah tilimsani (XVIIIe siècle)''Er-rabii aqbal ya insân ou koum tara (inçiraf raml al-maya, inqilâb moual, b'taïhi raml al-maya)... - Ahmed Ben Antar (XVIIIe siècle)'' Ya habibi aalâch djafit'' (inçiraf ghrib et djarka), Ibn Nachit (XVIIe siècle) : ?'Açabani mard al-hawa'' ... - Mohamed Touati (XVIIIe siècle) : ?'Ya aâchiqin nar al-mahiba?' (inçiraf raml al-achiya et maya)... Nous noterons que le legs poético-musical dit ?'Sana'a-Gharnata'' sauvé par les doctes et mécènes éclairés revisitent aussi dans la chanson dite andalouse les chefs-d'œuvres du soufi et poète sévillan Sidi Abou Madyan (1126-1197). Le champ d'expression offert par cette musique au parfum d'une même civilisation est partagé avec peu à peu des variantes de styles à Alger et du malouf à Constantine... et même au Maroc, sous la terminologie : ?'Gharnati''. Au-delà de la similitude des textes, certes à Constantine l'influence turco-ottomane est plus sensible sur cette musique qui s'est, certes, nourrie longtemps de notre propre apport témoigne d'une antériorité au Maghreb central, bien avant la chute de Grenade. Le patrimoine de cette musique n'est point donc resté figé depuis Ziryeb Ibn Nafif (IXe s.) bénéficiant d'apports consécutifs en matière de poésies chantées d'auteurs du terroir maghrébin et qui ont enrichi, au fil des siècles, sa bibliothèque académique. En quittant les lieux des palais des rois omeyyades en Andalousie, cette musique s'est ainsi associée aux goûts de couches plus larges de la population entamant sa maghrébinisation avec la fusion entre le répertoire tradionnel andalou et l'art populaire du Maghreb mitan. C'est ce qui ressort par là dans les épitres notamment du philosophe, musicien et poète Ibn Badja (Avempace) (1070-1138). Cette musique s'est déployée en Algérie et au Maghreb avec les premières vagues de réfugiés andalous après la chute de Séville (1249) et de Cordoue (1236) zianide. Les historiens et chroniqueurs relèvent qu'avec l'arrivée de 50.000 cordouans que Tlemcen allait connaître un essor culturel et artistique digne des grandes capitales arabes de l'époque. S'ensuivit ensuite, l'étape mettant en exergue les auteurs locaux dont la création allait marquer un autre moment de son renouveau résument l'évolution des goûts. Les ancêtres zianides cultivaient cet art, ce dont témoignent d'ailleurs les textes chantés des poêtes de leur temps. Nous rappellerons aussi que, sous l'influence rigoriste des savants dans l'austérité, celle des puristes réformateurs, défenseurs de la doctrine d'Abou-l?Hassan al-achaari sous les Almohades, au XII?XIIIe s, l'héritage musical andalou fut dépouillé de ses ?'extravagances'' et cela, à l'instar aussi les lieux de prière incitant les musulmans à vivre leur foi dans la sobriété. Les grands encyclopédistes de cette musique, faisant bon accueil aux reliques, étaient pour la plupart des savants plus versés dans les sciences religieuses figurant parmi les plus grands encyclopédistes de ce patrimoine. En compilant les œuvres des poètes médiévaux et leurs contemporains prosateurs de la veine populaire, les faqihs dont Mohamed Benmrabet, Ibn Dhurra Trari... ont figuré parmi ceux qui surent le mieux mettre le doigt sur toutes les ressources du langage, connaissant par cœur toutes leurs œuvres. En ces temps, chaque famille comptait au moins un faqih, un musicien et un poète épris dans cet art symbole de richesse et de continuité, sa permanence. L'art originel de la «Sana'a» Les apports constants sont justifiés non seulement par l'introduction dans son corpus des œuvres poétiques d'auteurs locaux mais aussi de l'enchaînement tardif dit ?'khlass'' ou ?'mokhlass'' esquissant un mouvement libéré, rempli d'allégresse, marquant la fin de la Nouba et qui vont encore enrichir sa bibliothèque académique. L'art originel de la ?'Sana'a'' fut constamment fécond par l'apport en textes d'auteurs contemporains jusqu'à la fin du XVIIIe siècle. Beaucoup d'auteurs tlemceniens y ont laissé leurs empreintes voire Ibn Benna, Abi Djamaa Talalissi, le roi-poète Abou Hammou Moussa II, Said al-Mandassi, Mohamed Bensahla, Mohamed Bendebbah, Mohamed Faroui, Ibn Nachit et tant d'autres encore. L'étude des textes d'auteurs nous permet d'établir une chronologie aidant à repérer et à classer les pièces à différentes époques du cheminement historique de cet art. Les auteurs dont l'inspiration a travaillé de l'intérieur cet art sont considérés, aujourd'hui, comme les grands oubliés de la littérature poético-musicale et n'ont mérité, à ce jour, aucune reconnaissance, ni consécration à l'instar de leurs interprètes dans la chanson qu'on appelle ?'Maîtres''. Les musiciens?interprêtes de l'époque ancienne détestaient l'amnésie, en témoigne le manuscrit d'un musicien de Tlemcen, vivant au début du XVe s. découvert, le siècle passé, dans la bibliothèqe du Vatican par le professeur américain Dight Reynolds. Ce manuscrit empreint de références aux poètes est d'une grande valeur d'étude. Le dernier vieux manuscrit datant de 1868 découvert à Alger, en 1987, par le professeur Mahieddine Kamal Malti du nom de son rédacteur le docte-légiste Ibn Durrha Trari al-andaloussi Tilimsani (m.en 1873) compte plus de la moitié de textes de poètes contemporains entrés au fil du temps dans la configuration des séances musicales dites noubas où l'expressivité des œuvres est très recherchée. La contribution de doctes de la foi à la compilation des œuvres de notre patrimoine musical est une des marques de l'humanisme musulman de leur temps. L'apport essentiel des poètes maghrébins à cette musique savante constitue un legs d'une valeur exceptionnelle. Ses variétés de goûts et de styles aujourd'hui sont le fait de courants à dimension cuturelle à part entière, variant sur les thèmes de1'amour, 1'amitié, la douleur, la ferveur sacrée... Elles restituent, sous différentes façettes, les paysages humains reflet de la sociologie et des dynamiques culturelles de l'époque offrant une rétrospection chronologique de l'imaginaire poétique forgé sur la base de la langue du peuple avec ses paroles, ses maximes... Elles attestent souvent d'évènements à l'exemple du chant ?'al faradj qarib'' du roi?poète zianide Abou Hammou Moussa II, fin lettré, sultan du royaume de Tlemcen de 1353 à 1389, commémorant à Tlemcen la fin du siège de plus de sept années de la capitale zianide par les Mérinides, 1299 à 1307. La devise ?'Ma aqrab faradj Allah?' est aussi frappée sur les pièces zianides tant la levée du siège a constitué un évènement important pour ne pas être salué par les habitants. Composés de récits fortement motivés, les moments poètiques de la Nouba ne prennent véritablement sens qu'à travers une bonne exécution du chant. Son esthétisme est rendu par une orchestration composée du rebeb du cheikh et d'autres instruments : violon, luth, kanoun, derbouka, tar. Le sentir à cordes crochetées était par contre associé dans l'interprétation de la Nouba ?'Djed'' à orientation religieuse dont il en est resté quelques reliques dont l'un des derniers tenants fut Abdeslam Bensari, mentor de Abdelkrim Dali. Avec la musique andalouse puis, ensuite, ses autres motifs; c'est le passé andalou constamment renouvelé qui persiste dans les vieilles capitales du chant au Maghreb post-Andalousie. Les glissements musicaux très accessibles en raison de leurs substrats langagiers de métrique populaire ou ?'Aroud al balad'', le ?'Beldi'' où le langage pédant de classicisme n'est pas tout à fait à propos, né en lisière du zadjal prolongé par le goût local cliché, injustement, aujourd'hui de ?'Hawzi'' (banlieusard) au lieu de ?'Beldi''en contre pied à l'héritage élitique de classicisme des monuments de la littérature poétique du moyen-âge arabe tels d'al-Moutanabi en Orient ou d'ibn Zeidoun en Occident musulman. A suivre... |
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