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«Une
méthode révolutionnaire basée sur une logique trans-historique
pour expliquer l'évolution économique du monde de 1945 à nos jours. Elle donne
aussi un éclairage sur le programme économique du nouveau président américain
Donald Trump et les retombées qui se dessinent sur le
cours du prix du pétrole et son pendant, la croissance économique mondiale.»
L'auteur.
Les accords pétroliers historiques auxquels sont parvenus les quatorze pays de l'OPEP et la Russie à Alger le 30 septembre 2016, puis à Vienne le 30 novembre 2016, et enfin l'engagement des pays non-OPEP, le 10 décembre 2016, pour réduire leur production de 562.000 barils, suffiront-ils à inverser le cours baissier du prix du pétrole ? Il faut rappeler qu'au cours de la dernière réunion en décembre, à Vienne, les onze pays hors OPEP (Azerbaïdjan, Bahreïn, Bolivie, Brunei, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Soudan et Soudan-Sud) ont déclaré qu'ils sont solidaires avec les décisions du cartel pétrolier. Ce qui est incontestablement une victoire pour les pays exportateurs. Certes, une hausse des cours a suivi, le baril de pétrole WTI américain a dépassé les 54 dollars, le Brent les 57 dollars. Et nombre d'analystes européens, russes, arabes prédisent que les cours vont remonter, lorsque les réductions seraient appliquées à partir du 1er janvier 2017. Cependant, une reprise des prix stimulée par la décision de l'OPEP de réduire le surplus pétrolier dans les marchés pourrait encourager la production de pétrole de schiste aux États-Unis, qui aura pour conséquence de limiter l'impact de l'accord pétrolier. Comme l'observe Heinz-Peter Bader : «Le pétrole de schiste américain: un danger pour l'OPEP. Jeudi, l'ancien secrétaire adjoint américain à l'Énergie Charles McConnell a déclaré à Sputnik que l'accord de l'OPEP ne durerait pas longtemps et que s'il durait quand même, les producteurs américains de pétrole de schiste seraient en mesure de combler la demande mondiale». Il est donc difficile d'avoir une réponse sur l'impact que pourraient avoir les accords historiques sur les cours compte tenu de l'écueil dû au pétrole de schiste américain. Cependant, au-delà des accords pétroliers de l'OPEP et du pétrole de schiste, une autre situation va venir du programme économique de Donald Trump, qui sera appliqué dès sa prise de fonction et aura à bouleverser l'économie mondiale. Qu'en sera-t-il de l'évolution des cours des prix du pétrole dans les quatre années à venir et, bien entendu, l'impact de ce programme sur l'économie mondiale ? Les six stades historiques de 1945 à 2016 Pour comprendre l'analyse qui va suivre, il faut considérer que la phase de dépression économique aujourd'hui pour les pays pétroliers, en recul de croissance due à la chute pétrolière, comme pour les pays d'Europe confrontés à des politiques d'austérité depuis huit années, n'est pas venue ex nihilo, mais relève d'un processus historique précis. Comme d'ailleurs l'instabilité politique en Europe, les gouvernements successifs qui changent en Grèce, Espagne, Italie, Royaume-Uni (Brexit), Autriche, et dans d'autres pays, jusqu'au printemps arabes et les guerres civiles qui ont suivi (Syrie, Libye, Irak, Yémen, Somalie). Les conflits armés entre les groupes islamiques dont le groupe Boko-Haram et les forces gouvernementales de plusieurs pays d'Afrique ont toutes les mêmes causes géopolitiques et géo-économiques. Aussi, pour suivre l'évolution du monde et arriver à ce qui se passe aujourd'hui, et ce qui est potentiel demain, ou ce qui est susceptible d'arriver sur le plan économique, financier, pétrolier et monétaire, divisons la période qu'a vécu l'humanité depuis 1945 à aujourd'hui en sept stades historiques. Un postulat que nous expliquerons au fur et à mesure que les événements contenus évolueront, et montrerons que ce sont eux qui ont déterminé aujourd'hui la «mondialisation» du monde. Le premier stade historique part de l'année 1945 et finit en 1971, année où le dollar américain cesse d'être adossé à l'or. Le deuxième stade historique part de la fin du premier stade, 1971, et se termine en 1979, année où la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé brusquement le taux d'intérêt directeur, de 10% à 20%. Année aussi qui a vu émerger la République islamique d'Iran, suivi du deuxième choc pétrolier (triplement du prix du baril de pétrole). Le troisième stade historique part de 1979 et se termine en 1991. Deux faits majeurs marquent la fin de cette période. Les États-Unis, à la tête d'une coalition internationale, entrent, en 1991, en guerre contre l'Irak. Le deuxième fait historique majeur : le 26 décembre 1991, l'Union soviétique cesse d'exister. Le quatrième stade historique part de 1991 et se termine en 1999. Trois événements majeurs marquent cette période. L'embargo est décrété contre l'Irak, il durera douze années. Les conflits armés suite à l'éclatement de l'URSS, et la Fédération de Yougoslavie. Le lancement de la monnaie unique, l'«euro». Le cinquième stade historique part de 1999 et se termine en 2017. Il sera marqué par plusieurs guerres (Afghanistan, Irak, Syrie, Yémen, Libye) et attaques terroristes dont l'attentat du 11 septembre aux États-Unis. Le sixième stade historique part en 2017 avec l'élection du 45ème président américain, Donald Trump. Les questions fondamentales que l'on peut poser sur ce marquage historique sont : «Quels enseignements peut-on tirer de ces stades historiques ? Que sera le cours du prix de pétrole en 2017 et dans les quatre années à venir du mandat de Donald Trump ? Quel impact aura la politique économique américaine sur l'économie mondiale» ? Premier stade historique 1945-1971 - Les Trente Glorieuses En 1945, la Deuxième Guerre mondiale se termine. Hiroshima et Nagasaki, à trois jours d'intervalle (6 et 9 août 1945) sont pratiquement rasés de la surface de la Terre. Le monde en sort meurtri, dévasté par pratiquement six années de guerre. Après ces dévastations, une nouvelle ère commence pour l'humanité. La Reconstruction de l'Europe, du Japon, de l'Union soviétique, la décolonisation de l'Afrique et de l'Asie en marche, la fin des empires coloniaux, la création de l'ONU, de la Banque mondiale, du FMI, du Conseil de Sécurité et d'autres institutions internationales ont été des facteurs déterminants dans le changement de la structure du monde. La reconstruction s'achève pratiquement à la fin des années 1950. Le processus de reconstruction et d'édification de nouvelles nations (issues de la décolonisation) sera très favorable à la première puissance mondiale, devenue, à la fin de la guerre, l'atelier du monde. Les États-Unis totalisent plus de 50% de la production industrielle et agricole mondiale. Une phase de reconstruction dopée par le plan Marshall en 1947, sera plus que bénéfique à l'économie américaine. Aussi, peut-on énoncer que la reconstruction de l'Europe, du Japon et l'édification des nouvelles nations ont constitué le moteur qui a tiré la première industrie du monde, les États-Unis. En effet, sans ce moteur qu'est devenu le reste du monde (reconstruction de l'Europe, du Japon, édification de nouvelles nations), l'économie américaine aurait subi une grave crise économique, qui rappellerait la crise de 1929, et les millions d'emplois détruits par la dépression des années 1930. A l'époque, 15 millions de chômeurs pour les États-Unis et 6 millions pour l'Allemagne. Dès l'année 1958, la convertibilité externe des monnaies européennes est rétablie. Après la reconstruction et le retour de la compétitivité de l'Europe et du Japon dans le commerce, une inversion de moteur s'est opérée dans le monde. «Ce n'est plus l'Europe et le Japon qui tirent l'économie américaine, mais les États-Unis qui deviennent un moteur pour les économies de leurs alliés.» Le processus sera encore plus prononcé pour le Japon, qui devient un miracle asiatique, en partie grâce à la fixité du taux de change yen-dollar, 360 yens pour un dollar, jusqu'en novembre 1969. Le paradoxe que l'on constate dans ce processus est que les excédents américains se sont transformés en déficits. Ceux-ci ont permis à l'Europe et au Japon d'accumuler de l'or et des dollars, pour reconstituer leurs réserves de change, grâce auxquelles ils ont opéré la convertibilité externe de leurs monnaies. Une situation comparable à celle d'aujourd'hui, la Chine a accumulé des réserves de change considérables avec l'Europe et les États-Unis, lesquelles ont permis d'intégrer le yuan ou renminbi (monnaie du peuple) au panier de devises DTS (Droit de Tirage spécial) du FMI, en septembre 2016, qui jusque-là ne comprenait que le dollar, l'euro, la livre sterling et le yen. Or, dans les années 1960 et début des années 1970, le système monétaire de Bretton Woods de 1944 basé sur le dollar-or était encore en vigueur. Ce qui signifie que les déficits américains vis-à-vis de l'Europe et du Japon se sont traduits par une baisse du stock d'or aux États-Unis. Ces derniers, faut-il le rappeler, détenaient au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les 2/3 de l'or mondial. Et comment comprendre ces déficits américains ? Tout simplement par la rivalité qui opposait les deux superpuissances du monde. Dans la course aux armements qui s'était engagée entre les États-Unis et l'URSS, en pleine guerre froide. Une production massive d'armements conventionnels pour les trois armes (air, mer, terre) et non conventionnels (missiles balistiques nucléaires). Une rivalité dans les programmes pour la conquête spatiale. Le déploiement des forces américaines tous azimuts sur mer, air et terre, avec l'implantation de centaines de bases militaires dans le monde. On en dénombre plus de 800 bases militaires sur les cinq continents. Les États-Unis jouaient en quelque sorte le rôle de parapluie militaire sur les visées soviétiques en Europe et en Asie. Dès lors, peut se comprendre cette montée en puissance de l'Amérique dans des domaines géostratégiques aussi vitaux que nécessaires qui ont rendu inévitables les déficits extérieurs, procédant ainsi l'inversion du moteur mondial. Le complexe militaro-industriel contrebalancé par le complexe militaro-industriel soviétique, le déploiement des forces armées américaines dans le monde et la consommation intérieure plus forte en Amérique qu'en Europe et au Japon expliquent ces décennies de croissance d'après-guerre. Ce qu'on appelle aussi les «Trente Glorieuses». Mais, dès la fin des années 1960, la situation se détériore entre l'Europe et les États-Unis. Les crises monétaires s'exacerbent, le dollar-or est remis en question. Les États-Unis, n'ayant plus assez d'or pour défendre leur monnaie, amènent les pays d'Europe à refuser les dollars. Les États-Unis suspendent la convertibilité du dollar en or, le 15 août 1971. Cette suspension sera en fait définitive. Deuxième stade historique 1971-1979 ? Origine de l'inflation mondiale Entre 1971 et 1973, les crises monétaires ne s'atténuent pas. Malgré le mécanisme du Serpent monétaire européen pour stabiliser les monnaies européennes entre elles et le dollar, la situation reste toujours conflictuelle sur le plan monétaire. Si les Banques centrales européennes refusaient de soutenir le dollar, et de plus ont adopté le régime de changes flottants, les États-Unis auraient de grandes difficultés pour financer leurs déficits commerciaux. Le problème qui se posait, c'est que «ce sont les États-Unis par leurs déficits extérieurs qui soutiennent la croissance mondiale. Sans ces déficits, qui soutiendra l'économie mondiale ? C'est simple, le monde sera privé de moteur». Pour répondre, il faut revenir aux origines de la frappe monétaire. Et le Moyen-âge, en tant que période intermédiaire entre l'Antiquité et l'époque contemporaine, nous paraît le mieux à nous éclairer sur les phénomènes monétaires souvent mal saisis. Au Moyen-Âge, le pouvoir monétaire était centralisé entre les mains du roi, comme aujourd'hui par l'Etat. Lorsque des fortes dépenses royales affectaient le budget du roi (train somptuaire de la cour, guerre contre un autre royaume), les caisses royales se vidaient, et l'argent vient à manquer. Ceci est valable aujourd'hui pour un pays qui entre en guerre, ou se livre à des fortes dépenses (train de vie élevé, dépense d'armements, etc.). L'exemple de l'Amérique endettée est parlant. Le grenier du roi où se trouvent les réserves de céréales commence aussi à se vider. Et les céréales, au Moyen-Âge, constituaient une nourriture de base vitale pour les populations des royaumes. Pour prévenir les famines, il faut rappeler que les céréales étaient sous la garde du roi. Supposons que des fortes dépenses royales ont affecté le prix des biens et services dans le royaume. Et cette hausse des prix est due au recours de la frappe monétaire par les services financiers du roi pour financer le surplus de dépenses. Supposons qu'il se produit une situation de crise financière. Le roi ne peut lever de nouveaux impôts, la situation sociale du royaume a empiré, en raison de la famine, de l'appauvrissement de la classe paysanne et manufacturière (artisans), y compris princière. Et le risque des troubles dans le royaume est potentiel. Le roi doit réagir à cette situation. Une possibilité pour cette situation de crise, comme au temps de guerre, est d'user de la frappe de monnaie et augmenter le prix du blé. La hausse de la frappe de monnaie sera contrebalancée par la hausse du prix du blé. Supposons que les princes du royaume frappent aussi de la monnaie. Et le roi consent, vu le rapport des forces. Cependant, seule la monnaie du roi a cours dans l'achat du blé. Les princes qui ne disposent pas suffisamment de blé pour nourrir leurs populations sont obligés de se procurer la monnaie du roi par les échanges de biens que leurs serfs produisent sur les marchés pour se fournir en blé dans les magasins du roi. On vient au constat suivant : «La hausse de la frappe de monnaie du roi en concomitance avec celle du prix du blé touche autant la classe populaire que la classe princière. Les deux classes sociales subissent une perte du pouvoir d'achat». Une exception cependant. Les paysans qui disposent d'une quantité importante de blé pour leurs semences, attirés par la hausse des prix, profitent de cette situation pour vendre une partie de leur semence. Ils sont encouragés pour augmenter les terres cultivables. Cultiver plus de blé leur permet, par la vente de plus de récoltes avec les nouveaux prix, gagner plus d'argent. De plus, dans les nouvelles terres cultivables, ils peuvent être aidés par de nouveaux bras. En cas de guerre terminée, des soldats-paysans (mobilisés) libérés amènent plus de paysans à travailler la terre. Devant la hausse du prix du blé, les artisans augmentent à leur tour le prix de leurs produits, pour compenser la perte de pouvoir d'achat. Si la situation est conjoncturelle, et l'économie du royaume se rétablit, le roi met fin au surplus de la frappe monétaire et à la hausse des prix du blé. En revanche, si l'économie du royaume ne se rétablit pas, et les hausses se répètent, il se produit une spirale inflationniste qui obligera le roi, devant le risque de troubles graves, de mettre fin à ce processus dangereux. Et la nécessité de diminuer la frappe monétaire, imposer un prix donné du blé et une austérité dans tout le royaume. 1989, à 15.000 en 1992. Après plus de deux décennies depuis la crise, le Japon est toujours enlisé dans la déflation. Sur ces événements se termine le troisième stade historique. A suivre... *Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale, Relations internationales et Prospective |
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