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« A pied, vous pouvez aller partout... si vous avez le temps » (Steven Wright). Certains estiment que «le temps c'est de l'argent», alors que d'autres affirment que «tout retard est un bienfait», selon un adage bien connu chez nous. Le temps renvoie ainsi à une perception liée à des représentations individuelles et socioculturelles, mais il décrit néanmoins, une réalité objective. Concept fondamental en physique et propriété corollaire du mouvement, le temps est une grandeur mesurable avec une précision effarante, puisqu'on distingue maintenant des intervalles nettement inférieurs au milliardième de seconde. Critère de performance de toute organisation, la gestion du temps nous pose des problèmes qui s'intriquent et affectent, par ricochet, la marche ordinaire de l'université. En effet, pratiquement à chaque rentrée universitaire, il est enregistré un démarrage cahin-caha des enseignements, en raison des examens de rattrapage, des inscriptions et des sempiternels transferts opérés par les bacheliers indécis, car mal informés, pour opter pour telle ou telle filière. En outre, les Ramadans, qui chevauchent avec la rentrée universitaire, n'incitaient pas les étudiants et particulièrement ceux qui résident en cité universitaire, à rejoindre les amphis, préférant rompre le jeûne chez eux, pas au resto-U, quand il ouvre à temps. C'est compréhensible, mais ce cas de figure ne pourrait plus se poser pour les années à venir, et c'est peut-être mieux, car c'est en été que le Ramadan aura lieu. S'agissant des transferts qui peuvent s'étaler sur une période de trois mois, ils affectent les chances de réussite de l'étudiant et le bon déroulement des enseignements. Par conséquent, une communication plus fluide et plus large pourrait réduire le nombre de ces «migrations». Il s'agit dès lors, de fixer une date butoir au-delà de laquelle, aucun transfert ne sera permis, quelle que soit la pression. La balle est dans le camp de ceux qui décident. D'autre part, les cours dans certains campus débutent à huit heures trente et non plus à huit heures, puis finissent vers seize heures trente et non pas plus tard. Facteur exogène, le rétrécissement du temps quotidien, comme peau de chagrin, est lié notamment à l'aspect problématique du transport et à l'appréhension sécuritaire, d'autant plus que la communauté universitaire comprend une part importante de l'élément féminin. De plus, lors de toute fête, à l'université comme ailleurs, une tradition s'est greffée à nos coutumes ; on fait le pont, le dernier en date étant celui de l'Aïd El-Adha. Et à peine les enseignements ont démarré cette année, la vitesse de croisière n'étant pas atteinte, les vacances d'hiver pointent. Puis, quand les cours débutent, les absences et les retards sont observables à longueur d'année. La ponctualité est devenue une notion inconnue, car ayant opéré un divorce avec nos gènes. Etre ponctuel aujourd'hui, c'est risquer d'être pris pour un hurluberlu, un extraterrestre qui vient d'une planète qui n'existe même pas. Par mollesse ou par compassion vis-à-vis de leurs étudiants, les enseignants ferment l'oeil jusqu'à un certain seuil pour les retards, la politique du «social», elle par contre, est encore bien inscrite dans nos gènes. Concernant les absences, en sus de celles dues à des motifs de santé ou autres raisons plus ou moins valables, des étudiants «fantômes» qu'on ne voit que rarement, sinon jamais, figurent sur les listes administratives. Parmi ces «spectres», il s'avère que certains poursuivent simultanément, parfois au sein de la même université, deux formations, car ayant deux baccalauréats, alors qu'il est matériellement impossible de poursuivre deux disciplines en concomitance. D'autres étudiants repassent, semble-t-il, le bac, pour pouvoir s'inscrire dans la filière désirée, l'année d'après. Devrait-on aussi souligner les pertes de temps occasionnées par les grèves récurrentes dont certaines ne sont pas inévitables et dont on fait les frais ? Le grignotage du temps par tous ses bouts continue ; les lacunes des étudiants ne leur permettent pas de prendre des notes. Alors, beaucoup de collègues sont dans l'obligation de tout écrire au tableau, comme à l'école, sinon le massacre de la langue est garanti et ne pourra en aucun cas permettre aux étudiants de potasser leurs cours. Et dans tout ça, beaucoup sont tendus, personnel administratif, enseignants et étudiants. Puis, pour ces derniers, les plus motivés passent leur journée à la fac, pour la quitter, exténués par des efforts superflus. Si les enseignants ont constaté que les capacités d'attention de l'auditoire sont significativement amoindries, est-ce lié au stress ou à une démotivation qui trouve ses origines ailleurs ? En effet, il a été formellement établi que le stress est responsable du manque de concentration pouvant aller jusqu'à faire craquer l'individu. Alors qu'en Occident, cette maladie du siècle est liée à la recherche «oppressante» de l'efficacité économique et de la performance, notre stress aux couleurs locales semble provenir d'autres facteurs. Mais là, il faudrait des spécialistes de la chose, pour analyser ce phénomène aux multiples et néfastes conséquences sur l'être humain, sur le rendement au travail et sur les relations sociales. D'autre part, les vacances d'hiver et de printemps se situent dans des périodes qui rendent dissymétriques les deux semestres d'études, le deuxième étant alors beaucoup plus court que le premier, car il faut organiser les examens de rattrapage et préparer l'accueil des futurs bacheliers. Donc, avec du temps qui fuit, avec un premier semestre étêté, un deuxième semestre estropié des pieds, des vacances élastiques, des ponts, des rentrées tardives, du temps mort, des grèves récurrentes, des fêtes prolongées, du social spécifique, de la compassion, du temps qui saute, des retards, des énergies dispersées, des cours non dispensés, des absences, des transferts, des éléments fantômes, des programmes tronqués, des ponts, encore des ponts et toujours des ponts,... comment alors voir le bout du tunnel ? Un arrêté va-t-il tout arrêter ? Et comment pouvons-nous obtenir un état des lieux de lieux dans tous leurs états? Comment pouvons-nous, dans tout ce cafouillis, évaluer les étudiants et le travail pédagogique réalisé ? Du coup, les statistiques se trouvent biaisées, aussi bien pour l'enseignant que pour l'administration. Actuellement, nous trempons dans le système LMD (1), l'architecture des enseignements étant semestrielle, il est probablement préférable d'avoir comme période de vacances, en sus de celle de l'été, une session de trois semaines située en plein milieu de l'année universitaire. Certes, nous avons adopté comme beaucoup de pays, les périodes de vacances actuelles. Mais est-il nécessaire de mimer d'autres ? Donc, avec cette session de trois semaines, nous ferons d'une pierre deux coups: glaner une semaine et obtenir deux semestres d'égale durée. Evidemment, cela n'arrange pas tellement les collègues dont les enfants sont scolarisés dans l'Education nationale et nous en faisons partie, comme nous l'avions souligné. Toutefois, il existe encore d'autres solutions. Nous pouvons par exemple, réduire à une seule semaine les vacances d'hiver, éliminer celles du printemps et introduire une session de vacances de quinze jours en plein milieu de l'année universitaire de façon à avoir, toujours deux semestres d'égales durées. Et on glane là aussi une semaine. Voilà donc des aménagements qui ne coûtent pas un rond et qui ne vont pas tellement chambouler les habitudes. Il s'agit également et peut-être d'opérer une planification des vacances, en fonction de nos fêtes, même si celles-ci sont mobiles dans l'année calendaire, ce référentiel universel. On trouvera toujours un moyen, pour couper la poire en deux, pour disposer d'un temps, un tant soit peu entier. Parce que l'université est censée délivrer des diplômes entiers, pas leurs moitiés. Alors faut-il tant de temps pour dégripper puis remonter nos horloges ? Pédagogiquement, le temps est un élément qui se gère, un élément parmi tant d'autres, bien évidemment, dans un puzzle à démêler. Donc top chrono et tic tac ? Comme disait un certain Pierre Dac: «Ce n'est pas en tournant le dos aux choses qu'on leur fait face». * Université d'Oran (1) Rachid Brahmi «L'équation LMD» in Le Quotidien d'Oran du 08 janvier 2008.p6 |
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