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L'université algérienne est en
déclin depuis des lustres, ces dernières années elle est entrée dans une
nouvelle étape de la régression, elle a atteint le fond de la médiocrité, un
sous-doctorat est délivré à tire-larigot.
Les dirigeants politiques qui se sont accaparés, par la force et la fraude, de l'Etat ont ruiné le pays, conjuguant despotisme et prédation à grande échelle. L'Etat algérien défaillant qu'ils ont construit n'assure pas convenablement ni ses fonctions régaliennes ni les autres services publics. Tout le secteur public, y compris l'enseignement supérieur, est livré à la gabegie. Il est miné par le système politique, en proie à la corruption, au clientélisme et autres fléaux, générés par la mauvaise gouvernance. Sous la tutelle d'un ministère peuplé de bureaucrates incompétents, l'université algérienne est reléguée à la périphérie de l'univers de la connaissance. Elle peine à trouver une place dans les classements internationaux, parmi les 500 meilleures universités du monde du classement de Shanghai de 2019 ne figure aucune université algérienne. Une sélection par le bas La sélection en cours de cursus est quasi-absente dans beaucoup d'universités. En diabolisant l'idée de sélection et de réussite par le mérite, l'idéologie propagée donne à l'université le statut d'une institution sociale qui délivre un bien particulier, le parchemin, diplôme de peu de valeur. La hausse des effectifs, la faiblesse des ressources éducatives par étudiant, l'absence d'une évaluation sérieuse du système d'enseignement, dans un contexte de mauvaise gouvernance publique, ont contribué à l'émergence de ce que l'on appelle le « fossé de la qualité ». Des enseignants ont recours sans vergogne au plagiat pour « rédiger » leurs thèses de doctorat, d'autres ont publié pendant des années des « articles » dans de fausses revues qui pullulent sur internet avant que ce ne soit interdit par le ministère de tutelle après que le quotidien « El watan » eut dénoncé cette fraude scandaleuse en 2015. Voilà autant de causes de la régression de la qualité de l'enseignement supérieur. La massification de l'enseignement supérieur sous l'égide d'une exécrable gouvernance a laissé peu de place à l'excellence, broyée par le système en vigueur. Les enseignants compétents et honnêtes sont marginalisés. L'impéritie s'est étendue et règne dans un monde fait d'apathie, d'indifférence. L'éternelle litanie de la baisse du niveau des étudiants est une réalité palpable. Sous le règne de Bouteflika, le reflux du niveau et le recul des exigences ont atteint le doctorat, diplôme le plus élevé délivré par l'université. Le concours pour l'accès au doctorat est bâti sur une sélection par le bas. Prenons quelques exemples : économie de la santé à l'université de Tizi Ouzou (3 candidats admis en 2019 dont les notes au concours vont de 3,06 sur vingt à 5,06), génie civil à l'université de Béchar (3 étudiants admis avec des notes variant de 4,8 sur vingt à 6,19), énergétique à l'université de Tiaret (2 candidats admis avec des notes de 5,1 sur vingt et 5,5), la palme de la médiocrité revient à l'université de Béchar où en 2018 l'accès au doctorat d'informatique a été possible avec des notes tournant autour de 1 sur 20 pour les cinq candidats admis, oui : un sur vingt ! ! Ceux qui ont obtenu ces notes ont été triés parmi les « meilleurs » étudiants sur la base des notes obtenues en mastères 1 et 2. C'est un scandale ! Sélectionner les candidats pour préparer le diplôme universitaire le plus élevé avec de telles notes c'est détruire l'université algérienne. C'est une sentence de mort de l'université ! A l'heure de la quatrième révolution industrielle dans les pays développés, celle de la robotique et de l'intelligence artificielle, on accède aux études doctorales dans les universités algériennes avec un «un» ou un «deux» sur vingt. Accepter de tels résultats relève de l'absurde, cela signifie l'extinction du savoir, la disparition de tout ferment de l'intelligence au sein de ce qui tient lieu d'université dans notre pays alors que les pays développés et les pays émergents ont construit des sociétés de la connaissance sur la base d'un système d'éducation fondé sur le socle de l'excellence. Pourquoi les responsables du ministère de l'enseignement supérieur n'ont pas pensé à appliquer une note éliminatoire sachant qu'il ne faut retenir que les candidats qui ont de réelles compétences à préparer un doctorat ? Le simple bon sens dicte cette exigence minimale. Pourquoi les conseils scientifiques des universités qui affichent de tels scores n'ont pas pris l'initiative d'instaurer une note- plancher ? Où est l'autonomie de l'université tant recherchée ? Est-ce ainsi que doivent se conduire les maîtres de conférences et professeurs qui dirigent les écoles doctorales ? Se comporter avec désinvolture à l'égard de la science, c'est anéantir l'université, c'est piétiner l'éthique et la conscience professionnelle qui exigent une amélioration de la qualité de l'enseignement par une rigueur, une sélection sévère pour l'accès au doctorat, pour sortir l'université du marasme et de la médiocrité dans lesquels elle est engluée. Respecter les valeurs de l'université c'est tout simplement opter pour une note éliminatoire au concours pour tout candidat aux études doctorales. Le plagiat pour couronner le tout L'abîme de la qualité est atteint lorsque l'étudiant s'adonne en toute quiétude au plagiat pour rédiger sa thèse. Alors que cette fraude est interdite et passible de sanction, les logiciels anti-plagiat font défaut dans nos universités, les abonnements à ces logiciels ne sont pas renouvelés. Le Larousse définit le plagiat comme «l'acte de quelqu'un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu'il a pris à l'œuvre d'un autre» ou «ce qui est emprunté, copié, démarqué». Le sens du mot «plagiat» est donc lié au fait de voler le travail intellectuel d'un autre. Le copier- coller est souvent tellement grossier qu'il suffit d'écrire quelques paragraphes suspects sur un moteur de recherche (google par exemple) pour découvrir le pot aux roses. L'abonnement des universités à des logiciels anti-plagiat est nécessaire mais insuffisant. Il faut un contrôle réel par les enseignants qui dirigent les thèses et par les services de post-graduation. Il faut mettre en place des comités d'éthique et rendre obligatoire le libre accès aux thèses sur internet. Rendre au doctorat ses lettres de noblesse c'est sortir l'université de sa torpeur, cela exige une sélection des meilleurs candidats et recaler ceux qui ont un faible niveau, les dispensant de suivre une formation doctorale pour laquelle ils n'ont aucune vocation, aucune compétence. La préparation d'un doctorat est avant tout un travail ardu de recherche scientifique qui requiert des connaissances spécialisées et précises liées à un sujet d'étude que manifestement les candidats sélectionnés en sont dépourvu vu leurs résultats. Cela suppose une réelle capacité à formuler une problématique de recherche, de structurer un projet et de rédiger de façon cohérente les résultats etc. Une misérable note au concours signifie tout simplement une incompétence avérée, une insulte à l'intelligence et à ce diplôme suprême qu'est le doctorat qui ouvre droit à une carrière d'enseignant universitaire, ce qui n'est pas rien ! La crise de l'université hypothèque l'avenir de notre pays sachant que le capital humain dans sa dimension qualitative est un facteur important du développement économique. On ne peut améliorer la qualité de l'enseignement, assurer l'excellence académique et renforcer la compétitivité internationale du système universitaire que si on crée d'abord un organisme réellement indépendant d'évaluation de nos universités, mais ceci ne peut se faire dans le cadre de l'ordre politique qui prévaut. La classe dirigeante qui domine un système politique d'accès quasi-fermé, fondé sur un Etat de non droit, n'a pas pour objectif le développement économique du pays mais d'assurer la pérennité de son pouvoir qui lui assure privilèges et prédation des richesses. Elle se soucie du système d'enseignement comme d'une guigne, qu'il dépérisse lui importe peu. Garder un système d'enseignement obsolète, qui a atteint l'ineptie complète, condamne notre pays à s'enfermer davantage dans le sous-développement. Le « hirak » nous donne l'espoir de construire enfin un Etat de droit, Etat qui assurera le progrès économique, social et culturel et fera éclore et épanouir les libertés, sous l'impulsion et le soutien de la société civile. Notes : *Professeur des universités |
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