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A la fin 2016 l'Algérie accusera un
déficit budgétaire estimé à 30 milliards de dollars US. Les éminences grises du
pays en charge de proposer à la fois des mesures à même d'infléchir la courbe
affolante des écarts entre recettes et dépenses, et des modèles susceptibles de
relancer nos différentes industries n'ont, semble-t-il, pas encore trouvé les
chemins salutaires de la transition économique et énergique. Or plus de
compétitivité sur le plan économique et plus d'efficacité sur le plan
énergétique suppose l'adoption d'un modèle viable, dynamique et pérenne basé
sur l'intelligence économique.
Pour mettre en place un tel modèle et diversifier une économie atteinte de sclérose, il est vivement recommandé d'élaborer des stratégies digitales permettant aux entreprises algériennes de construire au mieux leurs propres avantages concurrentiels et de les exploiter de la meilleure façon. Stratégie Le but du management stratégique est de permettre aux managers d'identifier des opportunités pour créer de la valeur dans des environnements concurrentiels et dynamiques. Il est ensuite crucial de bâtir des compétences (individuelles et organisationnelles) pour saisir ces opportunités et en tirer avantage. On parle désormais d'avantage concurrentiel. Pour rendre l'ensemble cohérent, tout le processus stratégique, de la conception à l'exécution, doit être drivé par la vision. Cette vision permet d'articuler l'ensemble des décisions et des activités de manière cohérente. La vision, c'est une projection de l'entreprise dans le futur. La stratégie a donc pour objectif de réaliser cette vision qui donne donc une direction claire du devenir de l'entreprise. « Numérique » ou « digital » ? Est « Numérique » ce qui relève des nombres, ce qui peut se traduire en nombres. Numériser un document, c'est représenter un document par des nombres, pour pouvoir par exemple le diffuser facilement. Le terme « digital » vient quant à lui de « digit » (doigt) mais qui signifie aussi « chiffres » ou « nombres ». Donc les deux termes relèvent clairement de la même chose : les nombres. D'ailleurs la plupart des dictionnaires précisent que les deux termes sont synonymes. Il y a néanmoins une différence culturelle entre les deux termes. Le terme « numérique » renvoie plutôt à une dimension technique et est régulièrement utilisé en science de l'ingénieur ou dans les départements SI. Le terme « digital » quant à lui fait plutôt référence à une dimension « marché », et c'est plutôt lui qui est préféré dans les départements marketing. Le terme « digital » sera le terme usité dans ce qui suit. Révolution digitale Le changement de notre monde est tellement impressionnant qu'il n'est pas rare de voir qualifier le passage de l'économie analogique à l'économie digitale de troisième révolution industrielle. En effet, la mutation des économies et l'avènement des technologies digitales ont changé radicalement le comportement des consommateurs. Et si la demande change, l'offre doit s'adapter. Cette révolution a donc impacté fortement le comportement des entreprises. Pour faire court, la révolution digitale peut être résumée en 3 points : 1. Inter-connectivité des individus Certes l'inter-connectivité, mue entre autres par la mobilité et les réseaux sociaux, a conduit à une prolifération des données. La collecte, la reconfiguration, l'analyse puis l'exploitation des données sont au cœur de la stratégie digitale. Mieux connaître le client à travers son profil psychologique, ce qu'il fait, ses domaines de compétences, ses préférences et pôles d'intérêts et ses process de prise de décision, n'est possible que grâce aux technologies digitales. 2. Recherche et recommandations La recherche, et donc la possibilité pour tous de trouver une information, a considérablement transformé le comportement des consommateurs. Aujourd'hui, grâce aux moteurs de recherche et aux comparateurs en ligne, le consommateur peut faire les choix les plus judicieux en utilisant les différents objets connectés qui sont à sa disposition. Les moteurs de recommandations, conduits par de puissants algorithmes, peuvent comparer le comportement d'un consommateur à celui d'un grand nombre d'autres personnes afin d'anticiper ses besoins. Ces moteurs segmentent leur clientèle, plus ou moins finement en fonction de la qualité de l'algorithme et des données collectées préalablement, et déterminent les produits qui sont susceptibles de plaire le plus probablement en fonction du segment auquel appartient l'individu. Qui n'a pas été surpris par la qualité des recommandations sur Amazon ? 3. Le stockage, l'exploration et l'exploitation des données Enfin, le troisième élément qui boucle la boucle et recoupe les points précédents, c'est la question du stockage. La baisse des coûts des matériaux et l'amélioration des technologies de bases de données, comme les bases de données non-relationnelles (noSql par exemple) ont permis d'accroître considérablement les capacités de stockage et d'exploitation des données, conduisant en cela à l'émerge de toutes les nouvelles technologies et méthodes de Big Data, de data visualization, et bien entendu l'intelligence artificielle. Maintenant, la donnée produite peut être stockée et exploitée, là où elle se trouve. Et cela recoupe la prolifération des données, la puissance des moteurs de recherche, et les moteurs de recommandations. Cela veut dire que parler de stratégie digitale conduit inévitablement à parler de personnes et de comportements, de TIC, de réseaux sociaux, de contenus mais aussi d'ergonomie et de sécurité. Stratégie digitale L'art de la stratégie digitale se résume à un ensemble de méthodes et de techniques digitales qui employées de manière judicieuse permettent à l'entreprise de construire un avantage concurrentiel durable. Or du fait que toute stratégie soit liée à un environnement concurrentiel, il est évident que la validité de la première soit conditionnée par la stabilité du second et par conséquent l'évolution d'un environnement rend caduque toute stratégie antérieure à sa mutation et fondée sur des données environnementales dont l'obsolescence est actée. De sorte que tout avantage concurrentiel, quel que soit sa vigueur, finira par disparaître au rythme accéléré de l'évolution des marchés dits très compétitifs. Car il faut savoir que toute surperformance identifiée par des concurrents hors marché les conduira nécessairement à rentrer un jour pour disputer l'avantage concurrentiel aux autres. Pour rendre cet avantage soutenable et défendable encore faut-il innover plus vite que les concurrents. Et c'est là qu'entre en scène la stratégie digitale dans son rôle principal de ?benchmarker' (comprendre chercheur d'avantages sur la base d'indicateurs chiffrés de performance ou ?benchmark'). Qu'est-ce que l'avantage concurrentiel? L'avantage concurrentiel, c'est la capacité d'une entreprise à atteindre une performance plus élevée que la performance moyenne de ses concurrents sur son marché. Un marché, c'est le lieu où se rencontrent l'offre et la demande pour des biens satisfaisant le même besoin du consommateur. Donc on commence par lister l'ensemble des entreprises sur le marché identifié puis on détermine pour chacune leur performance. Se pose donc ensuite la question de la mesure de la performance. Plusieurs variables sont utilisables pour mesurer la performance, les plus fiables sont le ROA (Return on Asset), le ROE (Return on Equities) et/ou le ROI (Return on Invest). Le ROA est le plus fréquent et il donne une information simple à analyser : combien de dinars d'actifs sont nécessaires pour générer un dinar de profit. Les taux de marge, ou soldes intermédiaires de gestion comme l'EBE sont aussi envisageables. Quoi qu'il en soit, il est déconseillé d'utiliser des variables comme le chiffre d'affaires (CA) ou le volume de ventes. Ces variables sont sensibles à la taille de l'entreprise, ce qui rend l'analyse moins fiable. Qu'est ? ce que la rentabilité économique ? La rentabilité de l'actif économique est égale au rapport du résultat d'exploitation après impôt sur l'actif économique. Ce taux est aussi le produit de deux ratios, la marge d'exploitation et le taux de rotation de l'actif économique. Ce taux, qui peut être analysé comme le taux de rentabilité des capitaux propres si l'endettement était nul, est fondamental car il n'est pas affecté par la structure financière de l'entreprise. Toutefois, il s'agit d'un taux comptable qui n'intègre donc pas la notion de risque. Son intérêt dans la prise de décisions financières est donc limité, alors qu'il est très important pour le contrôle de gestion ou l'analyse financière puisqu'il mesure l'efficacité de l'activité de l'entreprise d'un point de vue financier. Positionnement de l'offre Un haut niveau de performance, c'est ce que l'avantage concurrentiel permet d'atteindre. En soit, concrètement, l'avantage concurrentiel est un positionnement de l'offre de biens ou services sur un marché. Et c'est le positionnement de cette offre qui conduit à générer une performance plus élevée que ses concurrents. Ce positionnement est composé de trois paramètres: ? Prix du produit ou service Quel est le prix public de l'offre, produit ou service, par rapport aux concurrents? Quid de ce prix par rapport aux coûts? Et par rapport aux revenus de la cible, entreprises ou consommateurs en fonction du marché B to B ou B to C? ? Caractéristiques de cette offre Quelles sont les caractéristiques des produits ou services? Comment se positionnent-ils par rapport aux concurrents? Et par rapport aux besoins des consommateurs? ? Quantité, et donc disponibilité Comment êtes-vous distribué? Vos produits sont-ils partout, en grande quantité, ou rares, et souvent indisponible ? Les sources de l'avantage concurrentiel Il y a deux sources principales d'avantage concurrentiel: 1. Le Willingness to Pay: l'encouragement des consommateurs à payer pour un bien ou un service. Il consiste à créer des biens et services pour lesquels les consommateurs sont prêts à payer beaucoup et que les concurrents ne peuvent égaler (prix, caractéristiques du produit, distribution, expérience client, ?) 2. L'efficience: trouver un moyen de réduire les coûts, ce qui conduit à être moins cher que les concurrents ou être au même prix mais avec un taux de marge plus élevé. Ces deux sources forment un continuum. Chaque offre est donc formée par un prix, des caractéristiques et une quantité de l'offre et chaque position d'offre est caractérisée par un niveau de risque et de compétitivité. Le but de ces offres est de rejoindre un arc convexe où la génération de valeur est optimale. Et c'est là que se trouve l'essence de la stratégie. Le but de chaque entreprise va être conduit par cette analyse: ? Les entreprises dont l'offre n'apporte pas un avantage concurrentiel vont devoir bâtir une stratégie pour construire cet avantage. Elles vont donc bâtir une stratégie pour que leur offre rejoigne l'arc en question ; ? Les entreprises dont l'offre est déjà sur l'arc vont bâtir une stratégie pour y rester, et renforcer leur position. On parle d'avantage concurrentiel soutenable (défendable). L'avantage concurrentiel à l'ère du digital Avec l'avènement du digital, il est important de comprendre que bien que la définition d'un avantage concurrentiel reste inchangée, c'est une position sur un marché qui conduit une entreprise à être plus performante que la moyenne des performances de ses concurrents sur le marché, en revanche, la stratégie digitale à mettre en œuvre pour bâtir un avantage concurrentiel n'est pas universelle. En effet, l'avantage concurrentiel est doté de plusieurs facettes, et l'entrée dans l'ère du digital a affecté chacune de ces facettes. L'effet de la révolution digitale sur l'avantage concurrentiel porte principalement sur deux dimensions : comment construire l'avantage concurrentiel ? Et pourquoi faire ? Tout d'abord, voici brièvement présenté un panorama des facettes de l'avantage concurrentiel à l'ère du digital. L'avantage concurrentiel étant un positionnement sur un marché composé de trois paramètres, le digital affectant chacun d'eux : ? Le prix de l'offre Le prix est un paramètre fondamental dans la construction de l'avantage concurrentiel. Le basculement dans l'ère du digital l'a affecté principalement sous deux angles. Tout d'abord le prix public, c'est-à-dire le prix de l'offre sur le marché. Aujourd'hui, le niveau d'information des consommateurs est si considérable que l'accès à des comparateurs de prix pour acheter un produit ou un service est à portée d'un clic. Cette transparence a totalement bouleversé la concurrence. Mais le digital a aussi affecté la structure des coûts des entreprises en amont de ce prix public au point que la digitalisation des marchés a conduit les entreprises à allouer différemment leurs ressources, ? et cette structure impacte directement à son tour le taux de marge et donc le prix public. ? Les caractéristiques de l'offre S'il est aujourd'hui possible de proposer des produits et des services qui sont censés avoir une meilleure adéquation avec la demande c'est principalement dû au fait que le digital a ouvert la voie à un approfondissement considérable de la compréhension des comportements des consommateurs. Les données y afférentes sont tellement massives qu'il est nécessaire d'investir actuellement dans des méthodes de type Big Data ou data vizualisation et d'automatisation de collecte et d'analyse. Ainsi, mieux comprendre la demande signifie que l'on doit être capable d'adapter l'offre de manière dynamique afin d'être le plus en phase possible avec elle. C'est un challenge technologique considérable, et un défi lancé par le digital, car ne pas satisfaire la demande laisse la place à de nouveaux entrants qui la satisferont mieux. ? Les quantités Le digital a métamorphosé la supply chain et la mise à disposition des produits. Prenons l'exemple d'Amazon. Lorsque vous consultez la fiche d'un produit sur Amazon, vous voyez des quantités disponibles apparaître. Ces quantités sont les quantités réelles, en temps réel. Cela signifie que vous passez votre commande en connaissance de cause. Ceci est lié à un ERP extrêmement performant, et à un site web totalement réactif. Si la digitalisation affecte les trois paramètres de l'avantage concurrentiel, elle affecte aussi évidemment ce que l'entreprise va en faire. En effet, si l'entreprise est un pure player, sa problématique tournera autour d'une génération de création de valeur en ligne. Mais si elle se présente comme étant multi-canal, son objectif sera de vendre en ligne et de faire venir des clients dans sa boutique. Enfin, si elle est exclusivement physique, sa problématique sera de trouver la manière la plus efficace de faire usage du digital pour accroitre la fréquentation de ses points de vente, et donc le volume des ventes. Et bien entendu, à cela va s'ajouter la volonté de conquérir un avantage de type «willingness to pay» ou «efficience». Ainsi, l'avantage concurrentiel dans le cadre d'une stratégie digitale a des effets online et/ou offline, et il ne s'agit pas là que de sites internet ou de médias sociaux, mais d'articulations potentielles entre web et monde physique, pour conquérir une position profitable et défendable sur un marché donné. Conclusion Nos décisions sont le reflet de notre trajectoire historique, de nos expériences passées, de notre formation, de notre parcours professionnel, bref de notre vécu dans toute sa dimension socioéconomique. La stratégie digitale une fois décidée est par conséquent un fragile équilibre entre la dimension analytique pure, la dimension systémique et la dimension émotionnelle. Elle relève véritablement de l'art où les compétences relationnelles sont la clé de voute du succès. Après l'avoir construite au terme d'un travail où l'expertise se mêle au feeling, il faut passer au travail de persuasion c'est-à-dire parvenir à convaincre les autres du bien-fondé du raisonnement en trouvant le plaidoyer magique,étayé par des arguments convaincants et des illustrations pertinentes, qui séduit et suscite l'adhésion. *Consultant en management Principale référence Jean-Philippe Timsit : professeur de Competitive & Digital Strategy à l'ESC Rennes School of Business. |
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