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Bien
qu'aujourd'hui des systèmes de management soient efficaces et effectifs pour
maîtriser la qualité et la sécurité des aliments, leur adoption par l'industrie
alimentaire algérienne et en particulier par les PME reste marginale.
On serait tenté de poser la question : pourquoi la PME agroalimentaire algérienne hésite à appliquer les systèmes de management de la qualité (SMQ) et les systèmes de management de la sécurité des aliments (SMSDA) ? En guise de réponse on peut à priori penser que ces systèmes de management seraient difficiles, et demanderaient du temps pour être mis en place. Cela est en partie vrai mais la réalité est qu'il existe bien d'autres explications. Dans cette contribution, nous essayerons d'en aborder quelques unes. Les difficultés auxquelles se heurte la PME agroalimentaire algérienne peuvent être classées en trois (03) catégories : des difficultés liées aux systèmes eux-mêmes, des difficultés intrinsèques à l'entreprise et enfin des difficultés dues à des facteurs environnementaux. Des difficultés liées aux systèmes eux-mêmes Concernant les difficultés liées aux systèmes de management de la sécurité des aliments eux-mêmes, il faut admettre qu'un système de management quel qu'il soit présente, dans sa mise en place, une certaine lourdeur pour les PME. Il peut même devenir un outil inefficace voire mauvais pour l'entreprise s'il est mal appliqué. Le premier problème lié aux systèmes de mangement tient en leurs contextes d'application, à savoir leurs caractères volontaires. Les SM présentent un deuxième handicap qui vient du fait qu'ils exigent un travail au long court. Il faut d'abord un travail de fond, fait de sensibilisation et de formations théoriques et pratiques, de rédaction. Le plus souvent, arrivé à ce stade, la PME considère à tort comme qu'elle a atteint son objectif. En fait à ce niveau elle (la PME) n'en est qu'aux fondations. Il faut en suite mettre en place le système et surtout l'entretenir. Dans le cas des PME agroalimentaires qui ont la particularité de produire des aliments. Le SM présente certaines difficultés supplémentaires comme l'obligation de recourir à des outils spécifiques comme le système HACCP (Hazard Analysis and Critical control point). Ce système est alors perçu comme une contrainte mise en place par les autorités. Cette perception est d'autant plus forte dans une PME où les exigences réglementaires en termes de sécurité sanitaire des aliments (même si en Algérie elles restent beaucoup moins contraignantes que dans d'autres pays) sont assimilées à un parcours de combattant. Examinons le cas du système HACCP ; Il faut savoir que ce système dépend du produit que traite l'entreprise. Au moindre changement concernant le produit ou le procédé, le système HACCP doit être revisité En théorie, il doit aussi y avoir autant de plans HACCP qu'il n'y a de couples « produit-procédé » ce qui peut représenter un travail très lourd pour une PME surtout lorsque la production est diversifiée. Il est cependant toujours possible de regrouper les produits par famille s'ils suivent le même procédé afin d'alléger le travail mais cela n'est peut être pas bien assimilé par les professionnels. Dans son application, le système HACCP présente certaines difficultés d'ordre conceptuel notamment dans le principe de l'analyse des dangers, l'étape de l'évaluation quantitative des risques, qui nécessite un travail important de recherche et d'étude est difficile à mener. L'identification des CCP (Critical control points) pose également quelques difficultés dans son application. Le problème qui revient le plus souvent est celui de l'identification des CCPs. Souvent les PME identifient un nombre abondants de CCPs s'éloignant ainsi de l'esprit même du système qui perd alors de sa pertinence et conduit ainsi à la démotivation du personnel. Une autre difficulté tient au fait qu'il y a presque toujours une confusion entre les limites critiques (un des principes du système) et les normes règlementaires des produits. Cette mauvaise compréhension peut conduire certains professionnels à adopter les normes comme limites critiques, alors que ces normes correspondent plutôt aux critères des produits finis qui s'entendent au moment de la consommation. Dans ce cas, l'analyse au laboratoire de produits finis ne peut être évitée pour démontrer que les limites critiques ont été satisfaites. Cela va à l'encontre des principes du système HACCP. D'autres difficultés techniques comme le système de surveillance qui devrait fournir l'information requise en temps réel. En réalité il est très difficile d'exécuter la surveillance en temps réel. Pour cela, des moyens souvent assez onéreux doivent être mis en place, ce qui pose une charge financière supplémentaire à l'entreprise. Un système qualité (ou sécurité) implique la création et la gestion d'une série de documents or ces derniers posent des difficultés pour les PME soit parce qu'elles en produisent trop, et dont l'utilité n'est pas toujours évidente soit parce qu'elles n'arrivent pas à maintenir l'efficacité et la continuité du système documentaire qu'elles ont crée. Les coûts de la mise en _uvre d'un système de management sont souvent une charge importante pour la PME. Effectivement la PME doit couvrir les dépenses pour le développement du système et les coûts opérationnels qui englobent la formation, la mise à niveau des locaux, l'acquisition d'équipements, le coût des enregistrements; le coût des analyses et d'autres charges financières telles l'apport de l'appui technique et le temps nécessaire au maintien du système. Des réunions de l'équipe HACCP doivent avoir lieu régulièrement, mais avec les activités et responsabilités liées à leurs postes, les membres de l'équipe ont tendance à se démotiver, d'autant plus lorsqu'ils travaillent sur les phases initiales théoriques, les réunions sont rapprochées et risquent d'interférer avec la productivité ce que ne comprendrait pas le patron. En effet pour tout patron de PME la production reste l'impératif prioritaire et il trouverait que ces réunions sont coûteuses en ressources humaines non disponibles pour la fabrication. Des difficultés intrinsèques à l'entreprise La mise en place de systèmes de management de la sécurité des aliments est souvent compromise par des problèmes intrinsèques à la PME. Celles ci concerne, en Algérie d'abord le manque (ou parfois l'absence) des bonnes pratiques d'hygiène (BPH) il faut rappeler ici que les BPH constituent une caractéristique plus proéminente dans le cas des PME, que dans le cas des grandes entreprises. En effet, nous avons pu constater lors de nombreux diagnostics que les PME algériennes ne disposaient pas de locaux suffisamment dimensionnés, d'équipements conçus pour être faciles à nettoyer. La formation du personnel en matière d'hygiène est insuffisante. Certaines PME ont même des problèmes d'accès à l'eau potable et aux résaux d'assainissement. La gestion des déchets est quasiment absente. Il est évident que tout cela affecte les bases même (les programmes pré-requis) de la mise en oeuvre du système HACCP rendant ainsi son ?implantation plus difficile. De plus, une forte conviction que le système HACCP ne peut être implanté efficacement sans l'établissement complet des programmes pré-requis, empêche également l'avancement rapide dans l'adoption de ce système par les PME. N'avons-nous pas souvent entendu cette réplique : le système HACCP ce n'est pas pour nous c'est pour les pays développés. Les PME n'ont pas souvent les ressources nécessaires pour la mise en oeuvre des systèmes de sécurité. Dans certains secteurs agroalimentaires, l'activité n'est que saisonnière et la PME emploie des travailleurs en mode contractuel court. Ces situations n'offrent alors pas le temps nécessaire pour investir dans la formation du personnel pour le préparer aux nouvelles méthodes de management. Les personnes ressources dans les PME sont rares et les niveaux de l'alphabétisation du personnel est souvent faible. En Algérie, dans beaucoup de cas, les PME sont de nature familiale et sont gérées selon des méthodes traditionnelles. La plupart des ouvriers et des responsables de ces entreprises ne sont pas formés même dans les règles de base d'hygiène alimentaire, Les PME ne disposent pas toujours de la compétence technique nécessaire pour mettre en place des systèmes de management de la sécurité des aliments. Elles peuvent, alors, avoir besoin d'un appui externe or en Algérie, la compétence (consultants) au pire on n'y croit pas, au mieux, elle est perçue (vrai ou faux) comme un service trop cher pour se le faire payer. Cette compétence n'est donc pas aisément disponible. Aussi, il est honnête de dire qu'en Algérie, s'il existe quelques bons experts, il en existe surtout de moins bons et que donc souvent la qualité du conseil laisse à désirer et les PME sont alors désorientées. Le gouvernement et les associations professionnelles ont ici un rôle essentiel pour assurer une assistance technique adéquate, et accessible aux PME. L'apport d'assistance par le gouvernement est à long terme forcément rentable. En effet, la maîtrise des dangers sanitaires dans l'industrie agro-alimentaire pourra être au gouvernement un moyen, permettant la réduction des coûts de la santé publique, et minimiser les absences dans les lieux de travail, cela compenserait l'effort financier initial. Les contraintes financières sont une autre difficulté que doivent surmonter les PME. Les coûts associés aux SMSDA peuvent être décourageants pour les PME même si souvent, ils sont surestimés. Au départ, la PME devra faire un investissement financier conséquent pour la mise à niveau des locaux et des équipements, le recrutement d'un consultant extérieur, l'acquisition, des moyens nécessaires en termes d'appareillage de mesure, d'analyses microbiologiques, etc. Le temps du personnel est aussi un vrai coût pour les PME, et l'investissement du temps nécessaire pour former le personnel et la mise en oeuvre ultérieure peut finir par avoir raison de la volonté de l'entreprise. Des difficultés liées à l'environnement Pour accélérer l'application, par les PME agroalimentaires, de systèmes de management de la sécurité des aliments, les autorités doivent s'engager dans une politique nationale forte de signaux favorables à la création d'une culture de la sécurité des aliments. À cet égard, l'une des responsabilités majeures des autorités est d'attirer régulièrement l'attention des industriels sur les avantages et la nécessité d'introduire et d'appliquer les SMSDA pour produire des aliments salubres et sains. Aussi le Gouvernement devrait faire plus pour développer des compétences dans le domaine des la sécurité des aliments. Une exigence légale pour l'application d'un système de management de la sécurité des aliments peut être un fort stimulus pour encourager sa mise en oeuvre dans les entreprises. Cette exigence légale n'est évidemment pas suffisante en elle-même pour rendre tous les propriétaires des PME de fervents adeptes des SMSDA mais les ferait certainement réagir positivement, puisque cette exigence sera considérée comme une partie des règles du jeu. Cependant, l'expérience avec les PME a montré que la nature du système ne devrait pas être décrite avec détails et rigidité afin qu'il ne gêne pas la flexibilité et la capacité d'une PME d'appliquer le système. L'existence d'un marché concurrentiel et les exigences de l'exportation ont été souvent les points clés de la mise en _uvre de systèmes de management de la sécurité des aliments dans beaucoup d'industries alimentaires. L'adoption de tels systèmes peut être une condition préalable pour avoir accès au marché. Ceci est particulièrement évident si la politique de l'entreprise est d'aller vers l'exportation. En Algérie, le marché informel a atteint des proportions telles que les PME qui veulent se lancer dans une mise à niveau de leur système de mangement déchantent très vite. Les consommateurs peuvent fortement conduire les PME au changement, mais quand ils ne perçoivent pas la sécurité des aliments comme une question d'importance fondamentale, il est peu probable de voir les PME se dépêcher pour répondre par l'application des systèmes de gestion de la sécurité des aliments. Dans ce cadre, les associations de consommateurs ont un rôle important à jouer afin d'encourager l'application de ces systèmes, mais ces organisations sont quasi-absentes dans notre pays. Les médias peuvent également exercer une grande influence sur la culture des consommateurs en matière de sécurité et de salubrité des aliments, en encourageant la demande d'aliments sains et sûres et de systèmes de contrôle appropriés. Il faut juste se garder de tomber dans un effet inverse si les journalistes sont inconvenablement informés. L'intégration des cours de formation sur la sécurité des aliments dans les programmes scolaires jouerait un rôle très important dans l'éducation et la formation du futur personnel et dirigeant des entreprises; Cela permet aussi d'élever le niveau de conscience collective en matière de sécurité des aliments. Une communication inadéquate entre les autorités, les professionnels et les consommateurs peut empêcher l'introduction de systèmes de sécurité des aliments. Les stratégies de communication, devront être interactives entre l'ensemble des acteurs socio-économiques. Les PME sont en contact avec les agents des différents services officiels de contrôle. Le rôle de ces derniers doit se focaliser sur des conseils et pas uniquement sur la répression officielle rigide qui s'avère souvent improductive et ne permet pas aux PME d'avancer dans la mise en oeuvre de système de maitrise de la sécurité des aliments Ceci donne une responsabilité majeure à l'Etat. Les PME qui ont initié un système de management doivent être soutenues en fonction de leurs exigences particulières car elles font face à de nombreux défis 'dont une intensification de la concurrence internationale (parfois déloyale) et un environnement local défavorable et avec leurs modes de gestion actuels, il leur sera difficile de se maintenir sur le marché. Ces PME ont tout intérêt à s'inscrire dans les différents programmes de mise à niveau, d'appui et d'accompagnement qui existent actuellement. *Dr - Expert-Consultant en SMSDA |
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