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Retour sur la rencontre «gouvernement-walis» des 12 et 13 août dernier: Le bon leadership et le remède à la mauvaise gouvernance publique en Algérie

par Kamel Garoui*

«Une armée de mille hommes est facile à mettre sur pied, mais, ah, que c'est difficile de dénicher un général.» Proverbe chinois.«Soyez reconnaissant pour ce que vous avez.  Mettez les gens en premier.  Ne permettez pas au désir de possession de vous contrôler. Voyez l'argent comme une simple ressource.  Développez l'habitude de donner. John C. Maxwell.

Lors de la rencontre «gouvernement-walis» des 12 et 13 août les plus hautes autorités de l'Etat se sont beaucoup plaintes des blocages systématiques que subissent les décisions qu'elles prennent pour la transformation de l'économie et le développement du pays. Dans la présente contribution, nous soutenons que la solution à ce problème est subordonnée principalement à l'instauration d'un leadership efficace à tous les niveaux de notre administration.

Peu de choses sont aussi vitales que le leadership pour les activités humaines. Il est au cœur de la bonne gouvernance. Il aide les organismes gouvernementaux dans l'accomplissement de leurs missions. Aussi, c'est de lui que dépend le succès et les bonnes performances des entreprises économiques. Au contraire, l'absence ou le manque de leadership a un impact néfaste sur les organisations publiques ou autres, qui de ce fait stagnent et n'innovent pas. Ce problème pousse au gaspillage de nos plus grandes ressources, que sont les ressources humaines. Aussi, je n'exagère aucunement les choses quand j'affirme que dans notre pays 90% de nos employés n'utilisent que 10% de leurs capacités, de leur créativité, de leur talent, de leur initiative et de leur ingéniosité. Soulignons que le leadership efficace est surtout et avant tout lié à l'intégrité des responsables à tous les niveaux - selon que ces responsables adoptent les principes d'équité, de justice et d'honnêteté, notre Nation s'orientera soit vers la survie, la stabilité et la prospérité, soit vers la fragmentation et la destruction.

La contribution porte sur la question du leadership et de son importance quant à une exécution ou une implémentation réussie des politiques et des stratégies publiques.

BREF ETAT DES LIEUX SUR LE MANAGEMENT PUBLIC NATIONAL

En Algérie, il existe une forte croyance en matière de management du secteur public national qui veut que si la décision est prise à temps et correctement - comme par ex. la formulation des recommandations issues des rencontres gouvernement-walis ou des travaux des tripartites (gouvernement, patronat et syndicats), des assises de la santé ou de l'industrie, etc. - alors les choses se passeront bien. Rien n'est plus éloigné de la réalité ! La décision en elle-même ne change rien à la situation - ce n'est qu'un premier pas. Après la prise de décision, les responsables auront affaire au complexe problème de l'implémentation, i.e. la réalisation effective des décisions à temps et de manière effective, ou plus précisément la traduction en actions concrètes des stratégies, des plans et des recommandations en vue de concrétiser la vision et les objectifs stratégiques assignés.

L'absence d'implémentation ou d'exécution est le plus grand obstacle freinant la réussite de quantité de politiques publiques. L'implémentation effective de stratégies est, en elle-même, une véritable discipline faisant appel aux bonnes pratiques en matière de leadership et de management. C'est un ensemble spécifique de comportements et de techniques que les responsables des organisations à tous les niveaux doivent continuellement acquérir, développer et diffuser. La difficulté de l'implémentation est en rapport principalement avec l'influence des leaders sur les comportements humains, le changement du cours des événements et le contournement des résistances et des inerties.

De manière générale, on cite les pièges listés ci-dessous comme freinant la mise en œuvre de politiques ou de stratégies en Algérie :

Un mauvais leadership : un style de leadership démotivant, irresponsable et non engagé de la part des responsables à tous les niveaux, ayant un impact néfaste sur l'exécution de stratégies.

Une structure organisationnelle inadéquate : de mauvaises coordination, collaboration et communication entre les différentes parties prenantes, impactant négativement l'exécution de stratégies. Le même résultat est atteint avec une mauvaise délimitation des responsabilités, un système de récompense inadéquat et le manque de mesure des performances.

Des ressources allouées inadéquates :il s'agit ici surtout de ressources humaines, qui sont souvent insuffisantes en termes de quantité et de qualité par manque d'expérience, de formation et de qualification.

Une mauvaise compréhension de la stratégie par les personnels : la stratégie est très souvent formulée par une poignée de responsables et de spécialistes, et à ce titre elle demeure accessible ou compréhensible par les seuls managers d'un certain niveau de responsabilité. Ceci pose un énorme problème. En effet si la stratégie est formulée par un groupe restreint, sa mise en œuvre, en revanche, incombe à une multitude de parties prenantes, composées d'organisations et d'individus.

Une faible implication des responsables durant la phase implémentation : parce que la phase implémentation prend beaucoup plus de temps et implique un très grand nombre d'acteurs, les hauts responsables pensent que la prise en charge de cette phase est dégradante ou au-dessous d'eux, et très souvent ils la délèguent ou plutôt s'en déchargent au profit des employés subalternes. Ceci est néfaste parce que l'implémentation implique des responsabilités à tous les niveaux hiérarchiques.

LE DEVELOPPEMENT DU LEADERSHIP EST LA SOLUTION

La nature des gouvernements change rapidement de nos jours. Et les leaders au sein des organismes publics doivent acquérir les compétences leur permettant de survivre dans un monde de plus en plus hostile, volatile, incertain, complexe et ambigu. On reconnaît aujourd'hui qu'un leadership effectif permettra aux organismes gouvernementaux le critique passage des intentions ou recommandations à l'implémentation, des potentialités aux performances et des politiques à la pratique.

Le leadership n'a rien à voir avec le fait d'être dans une position d'autorité - Ministre, Wali ou P/APC par ex. La majorité des responsables du secteur public ne sont pas des leaders - ils sont plus des «bureaucrates» ou des administrateurs que des leaders.

Dans les organismes gouvernementaux on rencontre en général trois types d'acteurs : l'administrateur, le manager et le leader. Avec en Algérie, pour schématiser les choses, 90% d'administrateurs, 9% de managers et 1% de leaders.

L'administrateur ou leader bureaucratique s'appuie sur un ensemble de règles normatives suivant une chaîne de commandement ou d'autorité claire. Ces leaders imposent une discipline aux collaborateurs et employés qui doivent obéir à des principes et des règlements. Ils versent exagérément dans la surveillance pour s'assurer que les choses se déroulent conformément aux lois et réglementations. Le leader bureaucratique n'a de confiance en personne, sa confiance repose sur les principes et les règlements. En matière de prise de décision, il s'en remet aux normes établies par le «code de conduite» pour s'orienter. Il n'existe pas chez le leader bureaucratique de place pour l'initiative, la prise de risques, l'échec, la création et l'innovation.

Diverses études ont souligné les tares du leadership bureaucratique. Plus un leader tend à imposer des procédures «rationnelles», plus la routine paralysera l'efficacité de son organisation. Des relations particulières se créeront informellement entre les individus pour s'opposer à la rationalité organisationnelle. Les leaders bureaucratiques tendent à se focaliser sur les objectifs de leurs fonctions en omettant d'asseoir leur légitimité qui s'érodera avec le temps.

Bien sûr, le succès des organismes gouvernementaux dans leurs missions dépend aussi de leur bonne administration. Aussi, le leadership bureaucratique peut devenir efficace dans les situations exceptionnelles de crise, de résistance aux changements, d'inertie ou quand il s'agit de «serrer la vis» à certains collaborateurs. Mais ce qui est néfaste et inacceptable est le fait que la majorité de nos responsables et fonctionnaires au gouvernement se cloîtrent dans le rôle facile et routinier de l'administrateur, tout en évitant les rôles difficiles mais exaltants de manager et de leader.

Dans ce qui suit, les nobles rôles et missions du leader et du manager efficaces seront explicités et leurs bienfaits mis en relief.

Le leadership est le processus par lequel une personne influence les pensées, les attitudes et les comportements d'autres personnes. Il est différent du management. Les deux acteurs sont nécessaires au succès des organisations. Ils constituent deux systèmes d'actions complémentaires mais distincts; chacun disposant de ses propres fonctions et activités.

Le management est lié à «la complexité». Il constitue une solution à l'émergence au vingtième siècle d'organisations immenses et complexes. Le leadership, par contre, est en relation avec «le changement». Dans le monde actuel des affaires, qui devient de plus en plus concurrentiel et volatile, le leadership prend une importance toute particulière. Plus de changements exigent plus de leadership.

L'apparition de nouvelles technologies; la mondialisation des échanges économiques; la libéralisation de la circulation des capitaux, des biens et des compétences humaines ont largement contribués à l'élévation du niveau de compétitivité et de volatilité du monde économique.

Aujourd'hui dans nos administrations et nos entreprises, on commence à donner de l'importance au management, mais beaucoup moins d'importance au leadership. Ces deux fonctions différentes - faire face à la complexité et faire face aux changements, dénotent de la différence entre le management et le leadership.

Chacun des deux systèmes d'action implique successivement : le recueil de l'information/renseignement et analyse de la situation, la prise de décisions sur ce qui doit être fait pour répondre à la situation, la création d'un réseau de relations aux fins d'accomplir l'agenda de ce qui doit être fait, et enfin le contrôle de la réalisation de l'agenda. Toutefois, le manager et le leader exécutent différemment ces trois actions.        

Vision et planification :

Les organisations managent la complexité au moyen de la planification - fixation d'objectifs, élaboration d'un plan d'action détaillé pour la concrétisation des objectifs assignés, et allocation des ressources nécessaires à l'accomplissement du plan. Au contraire, mener une organisation à un changement débute par la fixation d'une direction - développement d'une vision attrayante pour le futur (comme par ex. la transformation de l'économie en Algérie), avec mise en œuvre d'une stratégie permettant la réalisation des changements indispensables à l'atteinte de la vision.

Etant donné que le leadership sert à la production du changement, la détermination du sens de ce changement est fondamentale. La détermination de la direction du changement n'est en rien équivalente à la planification.

La planification est un processus managérial, de nature déductive (conséquence d'un raisonnement logique) permettant l'atteinte de résultats ou d'objectifs, et non pas d'aboutir au changement. La détermination d'une direction est plus inductive. Ici, le leader débute par le recueil d'une masse importante d'informations, puis procède à la mise en valeur de relations et liaisons permettant de tirer des conclusions. Le leader n'élabore pas de plans, il crée une vision et des stratégies. La détermination de la vision au profit d'une organisation est un profond travail de réflexion, exigeant la récolte et l'analyse d'une grande masse d'informations.

Les stratégies et les visions permettant le développement d'une organisation ne sont pas nécessairement nouvelles; elles peuvent être tout simplement des idées connues et répondues, mais qui n'ont pas trouvé preneur.

L'une des erreurs les plus courantes, commise par les dirigeants d'organisations, est de considérer la planification de long terme comme une solution à leur manque de vision et à leur inhabilité d'adaptation à un environnement de plus en plus concurrentiel et volatil.

La planification à long terme constitue un travail ardu et complexe. De surcroît, le plan doit être constamment réadapté aux changements qui ne manquent pas de survenir tout au long de la durée d'implémentation du plan. Ceci constitue la raison principale d'évitement de la planification à long terme.

Dans une organisation sans vision, même la planification de court terme peut devenir un gouffre de temps et d'énergie menant à l'échec. Sans vision et sans stratégie pour guider la planification, l'exécution de cette dernière mènera vers des résultats inutiles à l'organisation.

La planification ne constitue pas un substitut à la vision, mais un complément à cette dernière. Une bonne planification constitue un test pour la consistance et la fiabilité de la vision. D'un autre côté, une bonne vision constitue les rails sur lesquelles la planification peut se dérouler pour atteindre les objectifs escomptés.

Alignement et organisation des personnels :

Le manager se donne les capacités de réalisation de son plan en mettant en place une organisation avec des personnels qualifiés - détermination d'une structure organisationnelle et des tâches nécessaires à l'exécution du plan, mise en place des personnels qualifiés nécessaires à l'exécution des tâches, communication du plan à ces personnels, délégation des responsabilités, etc. L'activité équivalente pour le leader porte sur l'alignement des personnels. Ceci porte sur la communication de la nouvelle direction à tous les intervenants afin qu'ils s'approprient la nouvelle vision et devenir impliqués dans son achèvement.

L'une des caractéristiques majeures dans les organisations modernes est l'interdépendance des personnels en raison des spécificités du travail moderne, des nouvelles technologies de la communication, des méthodes actuelles de management, etc. Cette interdépendance donne lieu à un véritable challenge et à de grandes difficultés quand l'organisation désire procéder à des changements. Pour réussir les changements désirés, il est nécessaire que la masse critique des personnels s'oriente dans le sens du changement. Pour les dirigeants des organisations qui souvent disposent de compétences appréciables en management et de peu de compétences en leadership, ce problème apparaît comme une question d'organisation, alors qu'en réalité c'est un problème d'alignement.

Les managers organisent en vue de mettre en place un système de personnels permettant de concrétiser le plan aussi fidèlement et efficacement que possible. Globalement, «l'organisation» se traduit par le choix d'une structuration d'activité avec les relations de travail y afférentes, le choix des personnels qualifiés, la formation de ces personnels, la communication du plan aux responsables, la délégation des responsabilités, etc.

«L'alignement» sur une vision est différent de l'organisation. C'est une activité de communication ciblant un large éventail d'individus et d'organisations - les chefs hiérarchiques, les responsables de même niveau, les subordonnés, les sous-traitants, les fournisseurs, les clients, etc. Il sert à amener les protagonistes à s'approprier la vision pour un futur meilleur est un défi autrement plus complexe et complètement différent de celui consistant à les organiser pour concrétiser un plan.

Un autre grand challenge du leadership est sa crédibilité et sa fiabilité - permettant la prise au sérieux de son message par les acteurs destinataires. Beaucoup de choses contribuent à la crédibilité du leader - sa réputation, son intégrité, la concordance entre ses dires et ses faits, le contenu des différents messages véhiculant la vision, etc.

L'alignement des personnels sur la vision aboutit aussi à leur empowerment - ils se sentent puissants, responsables, impliqués et non vulnérables. L'une des raisons qui rend irréalisables les changements dans une organisation est l'impuissance relative de ses employés à tous les niveaux. Ils se sentent non concernés et ne prennent jamais d'initiatives et de décisions par peur de sanctions ou de représailles de la part de leurs supérieurs.

Motivation et contrôle :

Finalement, le manager s'assure de la réalisation du plan par le contrôle et la résolution des problèmes et conflits - mesure, de manière formelle et informelle, des réalisations par rapport au plan, au moyen de réunions, rapports, etc. A contrario, le leader achève la vision par la motivation et l'inspiration - amener son personnel vers la bonne direction, en dépit des obstacles et résistances aux changements, en faisant appel à leurs émotions, valeurs et besoins. Afin de surmonter les résistances inévitables aux changements, il serait indispensable pour le leader de motiver les personnels et de susciter en eux des comportements très énergiques au travail.

Dans la logique du management, un contrôle permanent entre la réalité et le plan est exécuté, et les actions adéquates sont initiées quand des déviations ou écarts sont constatés. Au même titre que le contrôle est central au management, un comportement hautement motivé et inspiré de l'ensemble des personnels est central au leadership. Un bon leadership motive les personnels de différentes manières : impliquer les employés sur «comment» concrétiser la vision, investir sur la formation des employés ainsi que sur le développement de leur estime de soi, reconnaître et récompenser les succès.

Le changement au niveau d'un pays ou même d'une une organisation est une opération très complexe nécessitant le concours et surtout l'initiative de la majorité. Ceci aboutit à la démultiplication des centres de leadership. La multitude des leaderships, sans coordination, aboutit immanquablement à des heurts et des conflits. La création et l'entretien de réseaux horizontaux et verticaux informels de relations fortes aide énormément à la coordination entre les centres décisionnels ainsi qu'à l'évitement des conflits interpersonnels et intergroupes. La multiplication des canaux de discussion et la confiance instaurée entre les individus connectés par ces canaux permettent un processus continu d'accommodation et d'adaptation.

1/ Les traits du leader

Ce qui suit s'inspire des travaux sur le leadership menés par le docteur Daniel Goleman - 1997, 1999 et 2004 (Voir documentation).

D'après Goleman les leaders efficaces disposent d'une «intelligence émotionnelle» - «conscience de soi», «maîtrise de soi», «motivation», «empathie» et «aptitude sociale» - très développées. Il demeure entendu que les qualités intellectuelles et techniques gardent leur importance, mais en tant que conditions nécessaires mais non suffisantes. Par contre, l'intelligence émotionnelle est pour le leadership une condition sine qua non. Elle devient de plus en plus importante pour un leader à mesure qu'il s'élève dans la hiérarchie. Au contraire, les compétences intellectuelles et techniques prennent de moins en moins d'importance pour un leader à mesure qu'il s'élève dans la hiérarchie.

On note aussi une corrélation directe entre le succès d'une organisation et le degré d'intelligence émotionnelle de ses dirigeants.

La conscience de soi : la «conscience de soi» suppose une compréhension juste et profonde de ses sentiments, de ses forces, de ses faiblesses, de ses besoins et de ses motivations. Les leaders possédant cette qualité ne sont ni pessimistes ni optimistes à l'excès. Ils sont plutôt justes et honnêtes envers eux-mêmes. Ils ont une idée précise de l'impact de leurs sentiments sur leur état d'esprit, sur leur comportement et sur leurs relations avec les autres.

La conscience de soi porte sur la compréhension, d'abord de ses propres valeurs, et ensuite de ses objectifs. Un leader possédant une bonne conscience de lui-même prend, dans le cadre de ses activités, des décisions conformes à ses aspirations et cadrant avec ses objectifs à long terme, ce qui a pour conséquence de le motiver lui-même et de motiver ses employés. Les leaders conscients d'eux-mêmes sont honnêtes et reconnaissent leurs fautes. Ils connaissent leurs forces et leurs faiblesses et en parlent sans complexe. Ils acceptent les critiques positives et agissent en conséquence. Au contraire, les leaders inefficaces voient ces critiques comme des menaces à leur position et leurs privilèges.

Les leaders conscients d'eux-mêmes se reconnaissent aussi à leur assurance. Ils prennent des risques calculés et ne cherchent pas à relever un défi qu'ils savent ne pas pouvoir assumer. La maîtrise de soi : la « maîtrise de soi» est la deuxième composante de l'intelligence émotionnelle, elle permet à un leader de ne pas être le jouet de ses émotions. Les grands leaders ont, comme tout un chacun, des moments de mauvaise humeur, toutefois ils savent les contrôler de manière constructive.

Dans le monde actuel où les changements sont la norme, l'aptitude de maîtrise de soi permet au leader d'y faire face avec assurance. Les dirigeants qui maîtrisent leurs émotions créent au sein de leur organisation un climat de confiance réduisant les luttes intestines et favorisant l'innovation et la productivité. De plus la maîtrise de soi est contagieuse. La maîtrise de soi des responsables n'est pas seulement une vertu ou une force de caractère personnelle, c'est aussi une force au sein des organisations. Souvent les erreurs qui affectent gravement la réputation d'une organisation résultent de comportements impulsifs de la part des hauts dirigeants. Cette vertu se caractérise chez le leader efficace par une forte tendance à la réflexion avant l'action. Elle se manifeste aussi par un haut degré de sang-froid face aux changements.

La motivation : la motivation est un trait dominant des leaders performants - la majorité des grand dirigeants possèdent ce caractère. Ces dirigeants se surpassent et réussissent au-delà des objectifs assignés. Ils recherchent la réussite pour la réussite.

Alors que la majorité des personnes sont motivées, par exemple, par un salaire élevé, la reconnaissance ou un titre important. Les leaders motivés se reconnaissent à leur passion pour le travail, ils sont mus par un désir extraordinaire d'accomplissement. Ils évitent les sentiers battus et recherchent les défis à travers les nouveautés. Leur motivation les pousse à affronter les défis sans complexe, sans peur de l'échec. Ils ignorent la frustration et le découragement en cas de revers. L'implication et la fidélité à l'égard de leur organisation n'ont pas de limite. Ces leaders cherchent toujours à se surpasser et placent toujours la barre haute en matière de réalisations.

L'empathie : le leader traite de manière réfléchie les sentiments de ses collaborateurs et employés afin de prendre les meilleures décisions. Il ne s'agit pas, pour lui, de faire plaisir à tous ses employés, sinon l'activité au sein de son organisation devient cauchemardesque ou les meilleures décisions seront bloquées.

Avec de l'empathie, le dirigeant instaure de la cohésion au sein de son organisation. Il encourage ses employés à parler plus ouvertement pour émettre des critiques constructives - «Il encourage ses subordonnés à lui parler de ce qu'il a besoin de savoir, pas de ce qu'il veut entendre». Il se donne le temps d'écouter en tête à tête ses employés évoquer leurs appréciations sur leurs collègues ainsi que sur l'organisation et ses dirigeants.

Avec la mondialisation des affaires, l'empathie devient un trait encore plus nécessaire au leader. Les relations inter-personnes de cultures différentes peuvent entraîner des malentendus. Dans une économie fondée sur le savoir, l'empathie joue, aussi, un rôle fondamental quand il faut retenir les compétences. Les leaders possédant cette caractéristique non seulement sympathisent avec leurs employés pour créer une bonne ambiance, mais en plus ils profitent de leur savoir pour booster l'organisation. L'aptitude sociale : pour le leader, la conscience de soi, la maîtrise de soi et la motivation ont trait à la gestion de soi. Alors que l'empathie et l'aptitude sociale concernent la gestion de ses relations avec les autres.

L'aptitude sociale est au centre des autres compétences - elle fait appel aux autres compétences. Les dirigeants possédant cette aptitude connaissent beaucoup de gens; et ils gardent toujours en réserve l'énergie leur permettant d'établir de nouveaux liens. Ils ne passent leur temps à bavarder inutilement avec tout le monde. Mais ils essayent de tisser le maximum de relations, sachant que rien d'important ne se fait seul. Les dirigeants aptes socialement se font souvent l'étiquette d'un «non travailleur», ils donnent l'impression de discuter de n'importe quoi avec n'importe qui. En réalité, ils consacrent consciemment beaucoup de temps à élargir leur cercle de relations.

2/ Les activités du leader

Les idées qui suivent s'inspirent des travaux de James M. Kouzes and Barry Z. Posner - 2002 (Voir documentation).

Le leadership efficace n'est pas du tout une question de position ou de poste que l'on occupe. Il est plutôt lié à nos faits et gestes quotidiens. De ce fait les responsables doivent - pour réaliser des choses extraordinaires - s'engager dans les cinq pratiques ci-après :

Montrer le chemin : le bon responsable est un modèle des comportements qu'il attend des autres - il ne demande jamais aux autres de faire quelque chose que lui-même répugne à faire. Il a des valeurs et sait les vendre par la communication et par l'alignement de ses actions avec ses valeurs ou ses dires. Sa phrase-type est : «Suivez-moi !».

Inspirer une vision : le leader identifie une vision ou une nouvelle opportunité pour son organisation. La vision ou le rêve est la force qui invente le futur. Il la partage en donnant des précisions dans le but d'inspirer ses équipes. Il a une vision optimiste et enthousiaste de l'avenir et il la partage avec toutes les parties prenantes. Sa phrase-type est : «Venez avec moi !».

Défier le statu quo : le leader est un pionnier qui a la capacité de remettre en question le statuquo et de proposer des défis. Il accepte volontiers les échecs et ose prendre des risques pour tester les opportunités. Mais souvent le leader n'est pas à l'origine des nouvelles idées et elles sont plutôt le fait des autres - citoyens ou employés du front par exemple. Sa contribution porte plutôt sur la reconnaissance et le soutien à ces idées. Sa phrase-type est : «Et si on essayait ça ?».

Encourager les autres à agir : le leader efficace a la capacité de faire agir les autres en les rendant puissants, en leur faisant confiance et en les encourageant. Un collaborateur qui se sent faible, dépendant et aliéné ne donne jamais le maximum de lui-même. Le leader a des compétences en communication et il est emphatique - des préalables à l'instauration d'une relation de confiance avec ses collaborateurs ainsi qu'à leur autonomie. Sa phrase-type est : «Qu'en pensez-vous ?»

Féliciter les accomplissements : le leader a la capacité de reconnaître les bons travaux réalisés par ses collaborateurs et de le mettre en valeur. Il félicite sans compter et organise des cérémonies célébrant les réussites individuelles et d'équipes. Sa phrase-type est : «Bravo, vous pouvez être fiers de vous !».

Enfin pour finir cette section, décrivons les trois grands rôles propres aux leaders efficaces. Ces rôles ont trait à :

Rôles interpersonnels : l'ingrédient le plus important dans la formule du succès est d'avoir de bonnes relations avec les gens - Interagir efficacement avec des personnes d'horizons divers et encourager le travail d'équipes, résoudre les conflits interpersonnels et inter-équipes, motiver et encourager les employés, cultiver de bonnes relations avec les intervenants extérieurs en créant et cultivant des réseaux de relations externes.

Rôles décisionnels : la prise rapide de décisions est une caractéristique constante chez les grands chefs - Allouer de manière appropriée les ressources, maîtriser le respect des coûts, délais et de la qualité des objectifs, initier un projet d'adaptation dès l'apparition d'une nouvelle idée.

Rôles informationnels : les vrais leaders ne font pas dans la rétention de l'information / ils sont transparents - Préparer et mener des réunions pour la récolte et la diffusion de l'information pertinente, mettre sur pied une cellule de veille informationnelle, construire un système de gestion du savoir, élaborer et communiquer les états d'avancement sur les activités de l'organisation, communiquer la vision et la stratégie de l'organisation.

L'EXEMPLE DE LA CHINE ET DE LA COREE DU SUD

Pour parler de prospérité des nations, il me plaît de relater très brièvement l'expérience de deux pays qui à notre sortir du colonialisme au début des années 1960 était à maints égards comparable à celle du nôtre, il s'agit de la Chine et de la Corée du Sud. Les miracles économiques dans ces deux pays sont le fait de deux leaders, respectivement Deng Xiaoping et Park Chung-hee.

Le principal architecte de la transformation de l'économie chinoise est Deng Xiaoping. Sous son leadership, la Chine sortit d'un long lègue de problèmes économiques massifs pour se lancer dans un programme soutenu de reformes économiques. Ces reformes transformèrent le système économique et initièrent une croissance économique extraordinaire, extirpant le pays de l'isolation pour enfin l'arrimer à l'économie mondiale. Le PIB par habitant de la Chine est passé de 90 USD en 1960 à plus de à 11 000 USD en 2020 !

Paradoxalement Deng n'avait pas de vision claire pour l'économie - il est passé maître dans l'art du laisser-faire et du non-agir. Il délégua les prises de décisions dans le domaine économique et utilisa pour cela des subordonnés compétents. Deng était hanté par la motivation des efforts individuels et pour cela il tablait sur deux choses, à savoir : la délégation de l'autorité aux échelons inférieurs et de réels incitations.

L'attitude de Deng envers l'économie était dominée par cinq thèmes, à savoir : l'importance primordiale accordée au développement économique, le besoin d'une croissance rapide, l'importance d'une délégation claire de l'autorité pour booster la ressource humaine, l'importance de la non-intervention, et enfin le besoin de l'ouverture au monde extérieur.

Pour sa part, Park Chung-hee est le principal responsable du miracle coréen. Il a transformé l'un des pays les plus pauvres de la planète - ayant souffert pendant 35 ans d'une domination coloniale japonaise et d'une guerre destructrice de 3 années (Guerre de Corée, 1950-53) - en une puissance industrielle mondiale passant d'un PIB par habitant de 800 USD en 1960 à plus de 31 000 USD en 2018 !

Park (1917-1979) était un leader ayant une grande vision (promotion sélective d'industries, stratégie orientée export, aides au développement industriel et rural liés aux performances, support sélectif aux entreprises ayant le potentiel de devenir des champions, importance donnée aux formations technique et professionnelle, aide et électrification des villages qui travaillent, etc.), il décidait et agissait décisivement, enfin il mis en place un triumvirat composé de lui-même, de Kim Chongnyon chargé de l'économie et de O Wonchol en charge des industries de défense.

Park a mis en œuvre une «démocratie administrative», plus adaptée aux réalités politiques, économiques et sociales de son pays, au lieu de la démocratie de type occidental. Enfin, aux fins d'accélérer le développement de son pays il n'a pas hésité à établir des relations avec le Japon en dépit de fortes oppositions et manifestations de la part de ses populations en raison de la brutalité des nippons lors de la colonisation.

De 1961 à 1979 (année de son assassinat) il réunissait chaque semaine les principaux responsables économiques et des grandes entreprises pour les motiver et leurs inculquer sa vision - pendant ces 18 longues années il ne s'est absenté qu'à une seule réunion.

CONCLUSION

Commençons par affirmer, d'une part, que les leaders ne se trouvent pas seulement au sommet, ils sont à tous les niveaux de la hiérarchie, et d'autre part que n'importe qui peut devenir un bon leader car cette caractéristique humaine n'est nullement l'apanage de quelques privilégiés.

Nous affirmons aussi que le besoin pressant de leaders crédibles, fiables et créatifs à tous les niveaux du gouvernement est reconnu et relève du bon sens, mais peu d'initiatives sont prises pour résoudre ce problème critique au développement du pays. Dans un monde volatile, incertain, complexe et ambigu, nos organismes gouvernementaux ne peuvent pas se soustraire à des actions de développement généralisé et systématique du leadership en leur sein. Des projets bien préparés de développement des compétences de leadership sont essentiels aux succès des organisations nationales et des individus. Des leaders efficaces et bien formés seront à même non seulement de satisfaire les nombreux besoins de développement socio-économiques de la nation, mais aussi de trouver des solutions innovantes aux défis complexes - globalisation, décentralisation, changements des technologies, etc. - qui se posent déjà avec acuité à notre pays.

Les formations de nos fonctionnaires aux techniques managériales et de leadership doivent porter sur des compétences critiques telles que l'éthique en gouvernance, la motivation des employés, l'instauration de la confiance, le recrutement, le développement et la fidélisation des talents, le travail collaboratif et d'équipe, etc.

Nous terminons la contribution par donner une liste de valeurs pouvant être facilement adoptées par les responsables de nos administrations : Tout est question d'état d'esprit, soyez toujours positif, pensez succès et non pas échec - Ayez toujours des objectifs et des plans d'action écrits, ne permettez à personne de vous détourner ou vous distraire de vos objectifs - Prenez des décisions et agissez - Apprenez en suivant des cours et/ou en lisant des livres - Soyez persistant et travaillez dur - N'hésitez pas à bousculer l'ordre des choses, à innover et à être différent - Ayez de bonnes relations et bien communiquez avec les autres - Soyez intègre et fiable, prenez vos responsabilités.

DOCUMENTATION CHOISIE

- Stephen R. Covey, L'étoffe des leaders, Paris, First Editions 2006 (Traduction de l'américain).

- Stephen R. Covey, Priorité aux priorités, Paris, First Editions 1995 (Traduction de l'américain).

- Peter F. Drucker, The effective executive, New York, HarperCollins Publishers Inc. 2002.

- Daniel Goleman, L'intelligence émotionnelle, Paris, Editions Robert Laffont 1997 (Traduction de l'américain).

- Daniel Goleman, L'intelligence émotionnelle - 2, Paris, Editions Robert Laffont 1999 (Traduction de l'américain).

- Daniel Goleman, Richard Boyatzis and Annie Mckee, Primal leadership: Learning to lead with emotional intelligence, Boston, Harvard Business School Press 2004.

- Ronald A. Heifetz and Donald L. Laurie, The work of leadership, in Harvard Business Review on Leadership, Boston, Harvard Business School Press 1998.

- John P. Kotter, What Leaders Really Do, in Harvard Business Review on Leadership, Boston, Harvard Business School Press 1998.

- James M. Kouzes and Barry Z. Posner, Leadership: The challenge, San Francisco, John Wiley and Sons 2002.

- Bob Nelson et Peter Economy, Le Management pour les nuls, Paris, First Editions 2004 (Traduction de l'américain).

- Robert Papin, L'art de diriger - tome 1, Paris, Dunod 2002.

*Ancien cadre du ministère de la Défense nationale et de l'ex-ministère de la Prospective et des Statistiques - Actuellement consultant-formateur en management.