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Le ministère de la Santé
s'apprête à autoriser la vaccination anti-Covid aux
médecins libéraux après l'avoir permise aux pharmaciens d'officine et même s'il
s'agit d'une séquence inversée, car il aura fallu commencer par intégrer en
priorité les médecins privés non pas par esprit corporatiste ou pour souffler
sur une polémique inutile mais le bon sens et la logique auraient voulu que ce
soit les médecins qui devaient être sollicités en premier.
Ces derniers disposent de l'expertise et des compétences pour le faire beaucoup mieux et en toute sécurité que les pharmaciens dont la majorité n'ont aucune formation surtout théorique ou pratique puisque vacciner, ce n'est pas juste remplir une seringue et piquer, mais cela suppose connaître les contre-indications, diagnostiquer les éventuelles réactions adverses (choc anaphylactique, spasme laryngé, urticaire) et surtout maîtriser les gestes et mesures à prendre immédiatement si nécessaire. Car, cela pourrait s'avérer catastrophique pour la poursuite de la campagne en cas d'accident. Nous avons toujours en mémoire le malheureux incident des deux enfants décédés dans une clinique algéroise, il y a de cela quelques années. Les conséquences désastreuses sur le calendrier vaccinal sont ressenties à ce jour, sachant que l'enquête promise par le ministère de la Santé n'a jamais révélé ses conclusions, renforçant ainsi la suspicion parmi la population. Ceci dit, il n'existe pas de protection légale du pharmacien ou du médecin en cas de complications; un contrat précisant l'autorisation et les limites de responsabilité médicolégale pour sauvegarder les droits du malade ainsi que du professionnel est un impératif incontournable; le caractère urgent de l'opération ne doit pas faire obstacle à cette démarche. Les pouvoirs publics, conscients de la nécessité de vacciner vite et fort, sont certainement à court de temps, pressés par la nécessité de réussir ce challenge et assurer une couverture vaccinale la plus large possible et plus rapidement, mais cela ne doit pas se faire sans réunir certaines conditions indispensables à la réussite de cet objectif. La participation des médecins libéraux est volontaire, ce qui ne veut nullement dire bénévole. La vaccination est un acte médical où, sous la responsabilité médicale, elle requiert en toute logique une contrepartie et tout travail mérite salaire. Personne n'a réalisé cet acte à ce jour à titre gracieux; le personnel du secteur public en charge de la vaccination bénéficie d'un salaire en plus d'indemnités et de prime Covid. Il n'y a pas lieu donc à ce que les médecins libéraux le fassent gratuitement sauf pour ceux qui s'engagent à titre personnel, mais cela n'augure en rien d'une réussite sur le long terme. La participation symbolique du corps médical privé à une journée unique est faisable mais ne peut en aucun cas constituer une stratégie de lutte contre la pandémie. Volontaires, cela suppose que certains médecins, même s'ils sont rétribués, sont libres de refuser pour des raisons qui leur sont propres et sans être amenés à devoir se justifier; et cela ne doit pas être une raison pour les livrer à la vindicte populaire sous prétexte qu'ils demandent une contrepartie ! Bien sûr, le citoyen doit bénéficier de la gratuité du vaccin et c'est aux pouvoirs publics d'assumer la charge de garantir les honoraires des médecins vaccinateurs. Pendant toute la durée de cette épidémie et malgré les répercussions sur la santé et l'activité, les médecins libéraux n'ont bénéficié d'aucun soutien, aide, compensation, ou mesures fiscales à l'instar de ce qui a été décidé pour d'autres secteurs et d'autres professionnels. Contrairement aux initiatives prises de par le monde envers cette corporation, personne n'a pris la défense des intérêts de ce secteur considéré à tort comme nanti et qu'on n'hésite pas à solliciter gracieusement chaque fois que la gestion sanitaire publique se trouve en difficulté. La rémunération n'est pas la seule condition de réussite, il va falloir aussi assurer d'autres conditions pour espérer atteindre les objectifs en matière de vaccination à grande échelle en un minimum de temps. De prime abord, on pense que l'acte vaccinal se fera tout simplement au cabinet; une idée certes séduisante mais qui s'est avérée peu pratique. L'expérience a été tentée en France au début de la campagne vaccinale mais vite abandonnée pour d'autres solutions plus pragmatiques. La vaccination au cabinet a mis en exergue plusieurs contraintes. D'abord, celle de l'occupation de l'espace, la mobilisation du personnel du cabinet et du médecin au détriment de sa patientèle, le risque de contagion. Ensuite, il faudrait assurer un approvisionnement qui garantira la disponibilité des deux doses, la première et celle du rappel au risque que certains citoyens, comme c'est le cas aujourd'hui avec l'AstraZeneca, n'ont pas pu recevoir la dose de rappel toujours indisponible, ce qui mettra le médecin en confrontation conflictuelle directe avec les citoyens. Les conditions matérielles pour la conservation, le consommable en matière de protection (masques, gants, surblouse...) sans oublier les supports, registre, seringues, coton, alcool, produits désinfectants et d'hygiène, les médications d'urgence dont certaines ne sont pas disponibles en dehors de la Pharmacie centrale des hôpitaux (adrénaline); toutes ces difficultés ne plaident pas pour la vaccination au cabinet. Cette alternative sera exceptionnellement possible dans des petites agglomérations peu peuplées et ce sont donc d'autres solutions préconisées et qui, pour le moment, se sont révélées ailleurs sûres et pratiques pour qu'une véritable intégration des médecins libéraux à l'effort vaccinal soit efficace et ne constitue pas juste un effet d'annonce à mettre rapidement aux oubliettes. Les citoyens seront sans concession avec le médecin au cas où un accident grave surviendrait au décours d'un acte vaccinal même si cela n'est pas de sa responsabilité directe, ce qui sera lourd de conséquence pour l'image du cabinet et l'avenir du médecin. L'expérience en Europe et notamment en France est très instructive et pourra s'avérer réaliste dans notre contexte. La vaccination devra se faire préférentiellement dans des centres vaccinaux aménagés au niveau de grands espaces, des salles de sport, de grandes polycliniques et autres vaccinodromes sous la tutelle de la direction de la santé; cela évitera aux candidats au vaccin de se déplacer chez le médecin et c'est au médecin de le faire afin d'assurer la vaccination dans des conditions plus sécurisées et plus confortables. La différence avec ce qui se fait actuellement est que ces espaces pourront recevoir les citoyens en quête de vaccin en dehors des horaires habituels de travail et jusqu'à des heures tardives de la soirée et même les jours fériés et les week-ends. Le personnel médical et paramédical public en charge de la vaccination est déjà débordé par l'activité en jour et ne pourra, quelles que soient les bonnes volontés, assurer une activité non-stop dictée par la nécessité de prendre en charge les millions de personnes qui restent encore à vacciner en primovaccination ou en rappel. Les médecins volontaires privés ou retraités de tout secteur choisiront les horaires qui les arrangent sans que cela interfère avec l'activité au cabinet; ils n'ont pas donc à se soucier des conditions matérielles et humaines qu'exige l'acte vaccinal dans un cabinet, ils seront rétribués selon un forfait établi pour un volume horaire précis et selon qu'il s'agisse d'un jour ouvrable ou non et ceci quel que soit le nombre de malades à vacciner. Et juste pour se faire une idée et pour le principe et sans pour autant en réclamer les mêmes honoraires, car nous ne sommes pas logés à la même enseigne de comparaison. Il faut savoir qu'en France, la vacation forfaitaire pour le médecin libéral ou retraité dans un centre vaccinal est rémunérée à hauteur de 420 euros la demi-journée ou 105 euros de l'heure si présence de moins de 4 h. Les week-ends et jours fériés, la vacation forfaitaire est portée à 460 euros la demi-journée (ou 115 euros de l'heure si présence de moins de 4 heures. En Algérie la seule base réglementaire de rémunération existante qui régit l'activité d'un médecin libéral au sein d'une structure publique et qui n'a pas été réévaluée pour des raisons inexpliquées depuis des décennies est de 120 DA l'heure, un montant beaucoup plus méprisant qu'incitatif. Une solution intermédiaire est de les rétribuer comme des gardes médicales qui sont un peu mieux valorisées. Bien sûr, il y aura certains que nous espérons être nombreux qui seront libres d'accepter de le faire gracieusement par conviction ou pour d'autres desseins, mais la nature humaine et l'expérience ont déjà montré que n'importe quelle tâche ne peut réussir surtout si elle durerait dans le temps tant qu'elle est sans contrepartie, car à ce moment-là, personne n'oserait demander des comptes, ni veiller au strict respect des procédures, ce qui pourrait se répercuter sur la ponctualité, la qualité du service et sa pérennité et par-delà de la campagne elle-même. En tous cas, quelle que soit la formule adoptée, il est nécessaire d'encadrer cette opération par toute une panoplie juridique qui, en cas de litige ou de complication médicolégale, préservera les droits des uns et des autres. D'autant plus que la vaccination anti-Covid ne semble pas être une campagne ponctuelle et sans lendemain mais une opération de longue haleine qui risque de perdurer longtemps encore. |
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