|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
«La Birmanie est
un corridor de connexion. On comprend que cet espace terrestre et maritime soit
important, non seulement pour la Chine, mais également pour d'autres
puissances, comme les Etats-Unis, l'Inde, le Japon et un certain nombre
d'autres Etats... Le fait que la Chine porte une attention particulière à la
Birmanie confère, de facto, à cette dernière une importance stratégique
spéciale.» (Sophie Boisseau du Rocher: «La Birmanie en
Asie, un voisin pas si gênant», Paris, 2009)
Peut-on pleurer le sort réservé à l'agneau, tout en aidant le loup à le manger ? C'est là une question qui peut apparaître soit simplement comme un exemple de figure de rhétorique, qui en lui-même n'aurait aucun sens, soit comme une inutile tentative de porter atteinte à ceux, qui, nombreux dans le monde, veulent, souvent, en vain, prouver que le sens de l'humanité n'est jamais loin dans les crises les plus dramatiques, où réapparaît, derrière le vernis de civilisation, la nature bestiale de l'être humain. Une Couverture médiatique qui pleure l'agneau tout en justifiant le loup Le génocide en marche du peuple Rohingya, une des minorités historiques de l'Etat du Mynamar, prouve que cette question n'a rien d'un artifice de style, et que ceux-mêmes qui versent des pleurs, à longueurs d'articles de presse ou de reportages radiophoniques ou télévisuels, accompagnent leurs lamentations sur le sort de cette minorité, en voie d'extinction planifiée, d'arguments qui reprennent, quasiment mot pour mot, la propagande officielle des autorités militaires birmanes et des marionnettes «politiques,» qui leur servent de cache-sexe. Derrière ce battage médiatique de «bon sentiments,» on perçoit une volonté de la «communauté internationale» de laisser l'armée birmane terminer la liquidation physique des Rohingya, et de tourner la page de cette «crise humanitaire», aussi rapidement que possible. Il ne faut pas confondre «couverture médiatique,» et prise en charge politique Le «droit aux pleurs», n'a pas besoin d'être sanctionné par les constitutions des Etats, ou par les lois internationales. Se lamenter sur les sorts des plus misérables que soi, fait partie des instincts de l'être humain placé en situation de spectateur de cette misère. Et, tout, dans le drame qui touche le malheureux peuple Rohingya, porte à la sympathie pour lui. Rien donc de plus naturel que les couvertures médiatiques insistent sur les malheurs qui le frappent. Mais «couverture médiatique,» si sensible soit-elle à ce drame, ne veut pas systématiquement prise de position pour la victime contre son bourreau. Il faut aller au-delà de la superficie des mots pour découvrir le fil conducteur qui donne sa cohérence aux proclamations de sympathie pour la victime. Et, là, on découvre que, derrière ces marques de profond humanisme, ce sont des positions politiques en contradiction totale avec ces sentiments qui apparaissent. Les médias «internationaux» ne sont pas des «électrons libres» Ce qui transparaît, c'est finalement un appui à une position de neutralité totale ,dans cette crise. On compte les points, mais on refuse de prendre position. Il ne faut pas confondre «couverture médiatique,» et «prise de position politique.» Les médias, si libres soient-ils, ne sont pas des «électrons libres.» Même s'ils ne sont pas soumis à la censure officielle, il n'en demeure pas moins qu'ils n'activent pas dans le vide, et qu'ils peuvent, en toute indépendance, exprimer leurs vues tout en exerçant sur leur contenu une «autocensure» qui prend en compte les intérêts «stratégiques,» des Etats dont ils ont la nationalité. Or, il semble bien que ces Etats ont, simplement, décidé de considérer la «crise Rohingya,» comme une «nuisance» plus que comme un problème politique important, exigeant des actions qui vont au-delà des communiqués plus ou moins officiels. Ce que l'on constate, c'est, d'un côté, une couverture médiatique intense, qui, -faut-il le répéter,- pleure sur le sort des Rohingya, mais, contradictoirement, justifie les exactions de l'armée birmane, en réitérant les arguments qu'elle a inventés pour appuyer les massacres qu'elle perpètre contre cette minorité, et, de l'autre, une passivité des autorités politiques de «la communauté internationale,» à l'égard du gouvernement militaire de Myanmar. Ni sanctions, ni menaces internationales contre un régime génocidaire barbare Nulle mention de sanctions, de quelque type que ce soit. Pas de mouvement de flottes de guerre impressionnantes sur les côtes du Golfe du Bengale, pas de réunion publique d'urgence du Conseil de Sécurité pour examiner une résolution, de quelque nature que ce soit, demandant au gouvernement militaire d'arrêter le génocide, en cours. Aucune menace, si faible soit-elle, dirigée contre ce gouvernement. Bref, tout va très bien sur le front «Est,» sauf que des centaines de milliers d'être humains sont menacés de disparition. Mais, enfin, dans le flot de l'histoire, on n'est pas à un génocide prêt! Un peuple de plus ou de moins, dans ce monde, quelle différence cela ferait-il dans la marche de l'Humanité, vers le Progrès? Ce cynisme profond n'a rien de choquant pour ces âmes, pourtant promptes à brandir leurs armes de destruction massives, à la moindre violation des droits de l'Homme, dans tel ou tel pays, voici qu'elles observent, avec la plus grande indifférence, la destruction programmée de tout un peuple. Un vaste mouvement international de solidarité avec la junte militaire du Myanmar Au contraire, c'est un vaste mouvement de solidarité active avec la junte militaire qui se manifeste parmi les «membres de la communauté internationale». Ainsi apprend-t-on , à travers un éditorial écrit par Joshua Kurklantzick, membre du Haut Conseil des Affaires étrangères, aux USA, et intitulé «Génocide, au Myanmar, ce n'est vraiment pas le moment d'aider son armée,» publie sur l'hebdomadaire ?NewsWeek' (12 septembre 2017) que le Congrès américain, va voter sur un projet de loi autorisant la vente de matériel militaire à la junte birmane. On apprend, également, de sources provenant de la presse internationale que le Premier ministre indien, dont on sait qu'il ne nourrit pas une grande sympathie pour les quelque 150 millions de musulmans autochtones de son propre pays, fait dans la présente période une visite d'Etat au Myanmar, tout en envoyant à son congrès un projet de loi autorisant l'expulsion des 40.000 Rohingya, refugiés en Inde. Il faut reconnaître que les pays musulmans ne sont pas en reste. A l'exception du président turc, qui a condamné le «génocide des Rohingya,» et du Premier ministre malaysien, qui a décidé de rappeler son ambassadeur à Rangoon, on n'a pas constaté un activisme poussant à l'internationalisation de la «crise.» Certains pays, comme le Pakistan, qui fournit une aide militaire importante à la junte militaire, a laissé son peuple exprimer sa colère contre le massacre de leurs sœurs et frères musulmans du Myanmar, a même diffusé un communiqué officiel très dur à l'égard de la junte birmane, mais s'est abstenu de lui suspendre son aide militaire. Quand à la Chine, elle-même poursuivant une répression sauvage du peuple turc ouighour, dont elle tente d'effacer l'identité par une politique de sinisation, elle ne semble pas intéressée à voler au secours de la minorité Rohingya. Il est vrai que la Chine est engagée dans un bras de fer avec les autres «membres de la communauté internationale,» non seulement dans la péninsule coréenne, mais au Myanmar même, sur lequel elle tente de maintenir son monopole économico-politique. Du côté de «la patrie des droits de l'Homme» comme de l'Union européenne, même silence radio. On n'a pas constaté le grand mouvement de foule suscité par la guerre civile au Soudan, par les massacres qui, alors, ont eu lieu au Darfour, et au Sud-Soudan, maintenant état indépendant, avec en prime, le retour à l'anthropophagie. Aucun des dirigeants militaires du Myanmar n'est menacé, même verbalement, du sort qui frappe jusqu'à présent le président du Soudan. On peut continuer la litanie des «grandes puissances,» rapides à donner des leçons d'humanisme et à sanctionner les «violations des droits de l'Homme,» mais qui, lorsque leurs intérêts vitaux sont en jeu, font preuve d'une remarquable indulgence à l'égard des Etats qui sont engagés dans le génocide de leurs propres populations, comme c'est le cas actuel du Myanmar. Suu Kyi, prix Nobel de la Paix et pasionaria des génocidaires bouddhistes Dans ce cas, cependant, au moins une illusion est définitivement enterré et une image ternie pour l'éternité. L'illusion est que les règles humanistes jouent un rôle dans les relations internationales, et l'image est celle que représente l'octroi du prix Nobel de la Paix, comme symbole des plus hautes valeurs morale humaine. Cette illusion et cette image avaient trouvé leur visage humain en Suu Kyi, comparée à Nelson Mandela , et même surnommée «La Che Guevara de la démocratie.» On sait maintenant, qu'elle n'est que partie d'une vaste manipulation de l'opinion publique internationale, manipulation dont l'unique objectif n'est rien d'autre que l'accès aux richesses naturelles du Myanmar, accès plus ou moins sous monopole chinois, et le contrôle de la position géostratégique de cet état. En conclusion Aussi, peut-on conclure que le génocide des Rohingya a un objectif «pragmatique,» et qu'il ne se fait pas en pure perte, et que cette minorité est sacrifiée délibéremment sur l'autel des intérêts strictement matériels des Etats dont le poids et l'influence comptent dans le monde. Quant aux bonnes âmes, qu'elles continuent, donc, à se lamenter sur le sort des Rohingya! Cela ne fait-il pas partie du droit imprescriptible à la liberté d'expression? Et on arrive à la paradoxale conclusion que la liberté d'expression des uns justifie la liberté de massacrer des autres. Ainsi, le génocide escamoté des Rohingya n'aurait-il rien de condamnable ou de contraire aux droit des gens! D'où cette «position rationnelle» et «dictée par les principes universels les plus nobles,» adoptée à l'égard des préparateurs de ce génocide et de leur porte-parole officiel, Mme Suu Kyi, prix Nobel de la Paix ! |
|