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Il y a un
consensus social pour un suicide collectif : « le pouvoir ne scie pas la
branche sur laquelle il est assis » et « le peuple ne mord pas la main qui le
nourrit même si elle est pourrie ». Une expression populaire résume bien la
situation « regda ou t'manger ».
Nous nous trouvons en présence d'une société malade face à un Etat? Faut-il en conclure à l'incapacité congénitale de la société algérienne à s'autogouverner ? Mais me diriez-vous à quel moment de l'histoire de l'Afrique du Nord, les peuples ont-ils disposé d'un libre arbitre ? Malheureusement rares sont les dirigeants qui disent la vérité. La vérité, c'est comme la femme, les hommes la préfèrent habillée que nue. Nue, elle leur fait peur ; elle dévoile leur impuissance ; habillée, elle les rassure ; elle cache leurs défauts. Une société usée, fatiguée, désespérée face à une élite dirigeante compradores, corrompue et incompétente. Le choix n'est pas entre l'ordre et désordre selon le vieil adage « mille ans de tyrannie valent mieux qu'une minute d'anarchie » mais d'un autre côté « deux heures de justice d'un mécréant valent mieux qu'un an de tyrannie en terre d'islam » affirment les penseurs occidentaux. Le vrai dilemme est entre la dignité et la servitude, entre l'honneur et la lâcheté entre l'oisiveté et le travail, entre le confort matériel et la tranquillité morale, entre le bonheur présent des gens du passé et le devenir des générations futures. Quelle que soit sa nécessité, la logique du tout Etat n'est guère une solution pour résoudre tous les problèmes de quarante millions d'Algériens en dehors de toute vie démocratique sans une économie laborieuse dans le pays. « L'histoire traite les hommes sans pitié, mais d'abord elle leur bande leurs yeux en leur faisant croire que le pire n'est pas pour eux ». En Algérie, dans la tête des gens, il n'y a pas de cités mais des douars. C'est la mentalité du douar qui domine dans la société. On a les pieds au XXIe siècle mais l'esprit au moyen âge. Pour rentrer dans la cité, il faut sortir du douar. Les membres des tribus s'unissent quand il s'agit de combattre l'envahisseur étranger mais une fois l'ennemi vaincu, chacun retourne à sa tribu d'origine, à son douar. Durant des siècles la communauté arabe et africaine était gouvernée par des chefs de tribus, des princes ou des rois qui considéraient les ressources de la tribu comme étant leur propriété et qu'ils pouvaient en disposer comme bon leur semble. Ils ne devaient rendre des comptes à personne. Cette confusion du patrimoine public et privé, de l'espace public et de l'espace privé nourrit depuis longtemps l'imaginaire des peuples arabo-musulmans. C'est cette représentation symbolique du père qui va permettre la perpétuation des régimes monarchiques et des dictatures militaires arabes et africaines. C'est le culte du père sans la mère, de la partie droite du cerveau sans la partie gauche, de la domination du masculin sur le féminin, de la primauté de l'instinct animal sur la raison humaine, de la violence physique sur la sagesse spirituelle, de la force sur le droit. C'est une logique de fonctionnement déséquilibrée du pouvoir et donc de la société. On conquiert le pouvoir par la force, on se maintient par la force et on considère les richesses de la nation comme un butin de guerre qui revient à ceux qui ont libéré le pays les armes à la main. Dans ce contexte, l'Etat n'est pas une abstraction mais une personne physique avec laquelle il faut tisser des liens solides pour obtenir plus de pouvoir, de biens ou de services. Celui qui va se retrouver à la tête de l'Etat providence va s'appuyer sur la manne pétrolière et gazière pour construire une société entièrement dépendante de l'Etat providence. En matière budgétaire, l'Algérie n'est pas la France. Le budget de l'Etat français n'est pas semblable à celui de l'Etat algérien. Le budget de l'Etat algérien est financé dans sa quasi-totalité par la fiscalité pétrolière et gazière, ce qui n'est pas le cas du budget de l'Etat français qui dépend entièrement de la fiscalité ordinaire. L'un s'établit sur le revenu du travail, l'autre sur le revenu du pétrole. L'un repose sur la contribution financière des citoyens, l'autre sur une manne pétrolière et gazière. Le premier est adossé sur le cours des hydrocarbures, l'autre sur la croissance économique et sur le marché de l'emploi. Un Etat providence qui vise dans les pays démocratiques une solidarité nationale en vue d'une protection sociale très développée, à la fois horizontale (par les cotisations sociales) et verticale (par le versement des impôts et taxes) à travers des mécanismes très complexes de redistribution (cotisations sociales, impôts et taxes, assurances maladies, pensions de vieillesse, allocations chômage, etc.). Au moyen âge, la cohésion et la solidarité étaient prises en charge par l'église qui prenait soin des miséreux, des malades, des nécessiteux à travers des mécanismes de charité chrétienne. A partir de la seconde guerre mondiale, c'est l'Etat qui prend en charge cette solidarité sociale à travers les cotisations sociales, les impôts et les taxes dans le cadre d'un budget de l'Etat. A l'inverse de ce qui se passe en Algérie où c'est au budget de l'Etat alimenté par les revenus pétroliers et gaziers de répondre aux besoins de la population car il n'y a pas de citoyens mais des sujets qui attendent tout de l'Etat sachant que celui-ci tire l'ensemble de ses revenus en devises de l'exportation des hydrocarbures. La prise en charge des populations sans contrepartie productive aboutit nécessairement à l'aliénation de leurs droits politiques. Tant qu'ils bénéficient d'une rente, les Algériens se détourneront de la politique et les gouvernements n'ont pas de compte à leur rendre sur leur gestion des deniers publics qu'elle soit rationnelle ou irrationnelle, cela importe peu. La rente des hydrocarbures fonde l'Etat providence du fait de ses revenus extérieurs. La rente permet à l'Etat de procurer aux citoyens un niveau de vie minimum sans les taxer car les imposer sans leur fournir des sources de revenu risque de les voir se retourner contre le gouvernement. Tout simplement parce que les Algériens dans leur grande majorité ne disposent pas d'un revenu en contrepartie d'un travail productif mais en échange d'une allégeance politique au régime en place. Nous gérons le présent avec les armes du passé sans tenir compte des impératifs du futur. Cela remonte loin dans l'histoire du nationalisme algérien au moment où la société de l'époque était organisée de telle façon que seules les élites étaient aptes à faire de la politique le peuple était maintenu à l'écart. Il était là pour servir de caution aux choix et décisions prises par l'élite. L'échec politique des acteurs de la modernisation va pousser une partie de la population algérienne vers un retour à l'intégrisme religieux et à la revendication ethnique. Dans la tourmente qui enfante de nouvelles sociétés ou qui les étouffe dans l'œuf, les situations semblables créent des jugements semblables. Aucune force sociale n'est à même de formuler et encore moins de mettre en œuvre une proposition d'ensemble en vue de sortir le pays de la crise actuelle c'est-à-dire être en mesure de s'opposer au règne sans partage et sans limite du pétrole sur l'économie, la société, et la marche du monde. Et les exemples ne manquent pas dans le monde arabe. En Algérie, le rapport de force doit absolument céder la place au débat contradictoire. Une confrontation d'idées et non de personnes offrant l'avantage d'éclairer les uns et de convaincre les autres, sans attendre une quelconque gratitude, sans tirer un seul coup de feu et sans toucher le moindre sou. Les armes devant rester aux vestiaires et la « chkara » jetée à la poubelle. Ne compteront que la valeur des idées, la pertinence des propositions, leur faisabilité pratique, et leurs délais de mise en œuvre. Partant de la conviction que tout ce qui monte converge, tout ce qui descend diverge. Dieu est en haut, il est Un, il unit, « A lui nous appartenons, à lui nous retournerons » ; le diable est en bas, il porte plusieurs masques, il divise, c'est lui notre véritable ennemi, et c'est lui que nous devons combattre tous ensemble. Il est en chacun de nous. Au cours de ces discussions, il ne s'agira ni de dresser des réquisitoires, ni de prononcer des plaidoiries devant se solder par des jugements qui ne résoudront aucun problème mais de définir des voies et moyens devant sortir le pays de l'impasse. « Une seule main ne peut applaudir, il en faut deux ». Pour finir, « je souhaiterais vous faire part d'une révélation surprenante, j'ai longtemps observé les humains et ce qui m'est apparu quand j'ai tenté de qualifier notre espèce, c'est que vous n'étiez pas réellement des mammifères. Tous les mammifères sur cette planète ont contribué au développement naturel d'un équilibre avec le reste de l'environnement, mais vous les humains vous êtes différents. Vous vous installez quelque part et vous vous multipliez jusqu'à ce que toutes vos ressources soient épuisées et votre espoir de réussir à survivre c'est de vous déplacer jusqu'à un autre endroit... Il y a d'autres organismes sur cette planète qui ont adopté cette méthode, vous savez lesquels ?... Les virus. Les humains sont une maladie contagieuse, le cancer de cette planète, vous êtes la peste et nous, nous sommes l'antidote ! ». Andi et Lana Wachouwski. |
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