Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les enjeux et les implications de la crise libyenne: Une géopolitique complexe aux convoitises multiples

par Boudjemâa Haichour*

Vers la fin des années 1970, en tant que membre permanent de la Commission des relations extérieures au Secrétariat exécutif et ancien parlementaire, Slimane Hofmann m'avait demandé de traiter la question de la Jamahirya libyenne. En l'absence de partis politiques et de syndicats, comment Kadhafi, présenté comme un homme imprévisible, s'appuyait sur l'organisation tribale pour renforcer son pouvoir.

Son «livre vert» établit un pouvoir personnel sous l'appellation de «Guide suprême» qui le légitimait, non pas par des institutions étatiques stables mais par un système tribal, un non-Etat où il applique une stratégie délibérée d'une politique hybride d'allégeance où les Qadhadfa, les Warfalla et un peu moins les Magariha deviennent le centre de ses décisions par le jeu croisé des alliances.

Une politique hybride d'allégeance

Il en a construit des structures de sécurité multiples, informelles, parallèles dirigées par son beau-frère Abdallah al Senoussi et également les Comités révolutionnaires, à partir de 1978. Kadhafi s'appuyait sur le Sud de la Libye, principal bastion du régime avec Syrte, Bani Walid et Tarhuna qui figuraient parmi les principales bases de recrutement des éléments de sécurité.

C'est la tribu, en tant que base de mobilisation de la société, qui le guida jusqu'à la fin de ses jours. Cette étude m'a permis du temps du blocus imposé à la Libye en 1992 d'avoir assisté à un colloque, organisé à Tripoli, sur le rôle des tribus dans le monde arabe. A partir de mes références, je vous livre mes appréciations de ce qu'est aujourd'hui la situation en Libye en prenant en considération les diverses analyses des centres d'études et de prospective publiées pour cerner la problématique actuelle de la Libye de 2020.

Diplomatie militante active de l'Algérie

L'Algérie joue, incontestablement, un rôle inestimable dans le règlement pacifique de la crise libyenne. Une diplomation active qui tient compte des équilibres stratégiques dans la région mais aussi les implications que génère une telle situation au plan international. Tout le monde se rappelle le facteur qui a déclenché la guerre durant le mois de juillet 2014 lié à la course et les convoitises pour une prise en main des voies de communication et le contrôle des infrastructures pétrolières.

La crise libyenne et le corridor sahelo-saharien

A la frontière entre Cyrénaïque et Tripolitaine, le Golfe de Syrte comprend les principaux ports et raffineries du pays ainsi que plusieurs champs pétroliers, dans un rayon de 200 km tout le long des côtes, présentant plusieurs intérêts stratégiques âprement disputés dans la protection et l'extraction pétrolière entre tribus, ajoutés à cela les réseaux de trafiquants, empruntant le corridor saharien à destination du Niger, contrôlant le tronçon du trafic depuis le Fezzan jusqu'à la Méditerranée.

Le Pétrole source des convoitises extérieures

Pour comprendre les différents acteurs impliqués dans le conflit libyen, il faut savoir que les deux camps sont soutenus par de nombreux pays et entités qui utilisent, sur le terrain, des forces non libyennes pour combattre. Du côté de Haftar, les Emirats arabes unis ont même construit une base aérienne à Al Khadim et l'Egypte sont les principaux pourvoyeurs en armes. Ils ont, par le passé, utilisé des mercenaires soudanais, occidentaux et russes (Wagner, RSB Groupe).

L'autre camp le GNA a recruté des pilotes mercenaires de différentes nationalités, essentiellement d'Amérique latine et même des USA. La Turquie a fourni des pilotes de drones et vendu des armes. Tout ceci pour les deux camps, les achats d'armes se faisaient en violation de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU qui a promulgué un embargo sur la vente d'armes à la Libye.

Le Parlement turc a déjà avalisé l'envoi de troupes turques en Libye. Nous sommes en présence d'un conflit qui peut s'internationaliser en une guerre visant le partage de ce pays frère et voisin dont l'Algérie ne peut rester insensible en marge. Car si la situation évolue vers une guerre, il y a crainte d'une menace généralisée, non seulement dans les pays du Maghreb mais aussi au Sahel où le risque d'embrasement généralisé peut provoquer des fractures.

Même si l'Algérie est présentée comme puissance régionale, peut-être, la première armée d'Afrique, elle tend d'abord à protéger ses frontières d'une infiltration hypothétique terroriste à ses frontières et préfère la solution diplomatique qui met fin à ce conflit, si toutes les parties acceptent de s'assoir à la table des négociations.

L'équidistance politique du Président Tebboune

En établissant une feuille de route mettant en exergue la construction d'un Etat démocratique, à partir d'une transition du partage du pouvoir et dans la trame des événements, le Président Abdelmadjid Tebboune a reçu en audience, le samedi 13 juin 2020, le président de la Chambre des députés libyenne, Aguila Salah Aïssa, présenté comme futur successeur du maréchal Khalifa Haftar, qui semble avoir perdu tout crédit.

L'ébauche d'un plan de négociations, dans une proche perspective, comprendrait la mise en place d'un Conseil national de transition, d'un président et d'un gouvernement provisoire. A l'issue de pourparlers inter-libyens, l'Algérie, en respectant la volonté des différentes parties, aidera à l'organisation d'élections pour restaurer l'Etat libyen, par eux-mêmes. L'Algérie considérée par de nombreux observateurs comme étant « équidistante » des différents acteurs du conflit et peut jouer une médiation positive pour une sortie de crise avec l'assentiment de toutes les parties concernées.

Elle exclut tout règlement militaire du conflit. L'ensemble des Etats y compris les grandes puissances de ce monde adhèrent à la démarche algérienne. Le Président Tebboune l'a confirmé lors de sa rencontre avec le président de la Chambre libyenne «que l'Algérie a tenté par tous les moyens de résoudre cette crise de manière pacifique.»

Rejet de toute ingérence et retour à la paix

Il a rappelé les efforts diplomatiques qui ont conforté la position de l'Algérie pour mettre fin à cette « guerre par procuration » car le sang qui coule est celui des Libyens.

« Que cette tragédie puisse prendre fin par le retour à la table des négociations ». L'Algérie, en tant que pays voisin, reste réceptive à tout règlement pacifique, pour contribuer à l'instauration de la paix en Libye.

Emergence d'institutions représentatives des Libyens

Mais pour saisir cette perspective, il faut se ressourcer à partir de sa base sociétale et faire la genèse des différentes étapes historiques qui ont caractérisé la Libye, ne serait-ce que depuis la Deuxième Guerre mondiale. L'organisation tribale qui a structuré ce pays doit nous édifier pour en comprendre les tenants et les aboutissants de cette crise. Depuis la chute du régime Kadhafi qui s'est maintenu 42 ans au pouvoir par une redistribution clientéliste et tribale de la rente pétrolière, l'émergence d'institutions représentatives locales ne s'est pas réalisée. C'est dans ce contexte d'ouverture brutale que la Libye post- Kadhafi a ouvert les perspectives d'un débat institutionnel devant refléter, en principe, les équilibres en présence. La course à la légitimation a provoqué un schisme et en l'absence d'un Etat, la Libye est devenue un terrain privilégié à des milices et des groupes terroristes qui se livrent au commerce des armes et de la drogue.

Partage du pouvoir et réconciliation libyenne

La Libye post-révolution demeure confrontée à cette situation de conflit, né à la faveur du partage du pouvoir et la redistribution des richesses naturelles du pays, entre les différentes factions qui se disputent la gouvernance de la Libye, dans cette guerre gérée par procuration de l'extérieur.

La crise libyenne et le risque d'embrasement

C'est une situation complexe du fait que la Libye, actuellement, fait face à une superposition de conflits. Une confrontation entre anciennes et nouvelles élites, en hostilité croissante entre les cadres de l'ancien régime et les révolutionnaires. Au plan international, les grandes puissances mondiales telles les représentants des Etats unis, de Russie, de Chine, de France, de Turquie, du Royaume-Uni et d'Italie sont réunies, en présence du président du Conseil présidentiel du Gouvernement d'Union nationale (GNA) Fayez al Sarraj et le Maréchal Khalifa Haftar, à Berlin récemment, pour tenter de trouver une issue à la crise, sans aboutir à une solution.

La Libye fait face à une situation explosive avec le groupe-est de l'Etat islamique (EI) où s'affrontent des milices locales. Ce qui reste du territoire est partagé entre les deux forces, celles du Gouvernement d'Union nationale (GNA) que dirige Fayez al Sarraj reconnu par les Nations unies et celles du gouvernement autoproclamé de Tobrouk, installé par l'ancien parlement dissident, qui refuse de reconnaître le GNA et dirigées par le maréchal Khalifa Haftar, par son Armée nationale libyenne(ANL) auto proclamée.

Ce dernier fut un compagnon d'armes de Kadhafi dont il a rompu à la fin des années 1980 et longtemps soutenu par Washington alors qu'il était en exil aux Etats-Unis. Il sera de retour en 2011 pour participer à l'insurrection. Il repart à nouveau et ne revient qu'en 2014 pour fonder sa propre armée en unifiant plusieurs tribus, des milices et groupes militaires. Il se battra à la fois contre le Gouvernement de Tripoli et les milices djihadistes du groupe Etat islamique.

Pouvoir tribal et pouvoir central

Avant d'évoquer la situation sur le terrain des combats et les soutiens extérieurs des deux camps, essayons de comprendre la composante tribale de la Libye, pour mieux cerner la problématique en question. Les tribus ont longtemps constitué un des piliers de la société libyenne. Chaque tribu est représentée par un chef (Cheïkh el Qabila) censé réguler la vie interne de la tribu, le rapport avec les autres tribus et les relations avec le pouvoir central.

Le système tribal libyen a survécu aux siècles et aux différents régimes politiques qu'a connus la Libye aussi bien durant la colonisation italienne (1911/1943), que pendant la monarchie d'Idris al Senoussi (1951/1969) et durant toute la période de Maâmar al Kadhafi à ce jour. La Libye est un pays d'Afrique du Nord ouverte sur la mer Méditerranée. Elle partage ses frontières avec 6 pays : L'Egypte à l'est, l'Algérie à l'ouest, la Tunisie au nord-ouest. Les autres font partie de l'Afrique noire à savoir le Soudan au sud-est, le Tchad et le Niger au sud. La Libye est le 3ème grand pays d'Afrique après l'Algérie et le Soudan. Elle s'étend sur une superficie de 1.759 540 km². Au nord un climat méditerranéen, la Tripolitaine à l'ouest, la Cyrénaïque à l'est. Le désert occupe 90% du territoire. Il s'agit du désert de Syrte au nord, le désert libyque entre l'Egypte et la Libye, le Fezzan le quart du sud-ouest de la Libye. Alors que la façade méditerranéenne de 1.770 km de long concentre 90% de la population estimée à environ 7 millions d'habitants dont 25% de travailleurs étrangers. D'origine berbère, les Libyens ont été arabisés et islamisés dès le VIIIe siècle par les Foutouhat.

La Confrerie senoussia et son influence majeure

L'Islam est la religion d'Etat, depuis 1994. La Confrérie Senoussia a été un vecteur d'islamisation en Libye. La langue arabe est la langue officielle bien que le berbère est toujours parlé, dans les oasis et les montagnes de la Tripolitaine et de la Cyrénaïque. Ils ont tendance à s'identifier à leur tribu ou leur village plutôt qu'à la nation libyenne. Ce que nous savons de l'histoire, la Libye tient son nom de la tribu des « Libu » de la région de la Cyrénaïque. L'historien grec Hérodote mentionnait que les Maouach et les Libu étaient, dès 945 avant J.C, libyennes du nom de Libya. Les Phéniciens étaient les premiers à installer les comptoirs commerciaux à partir du VIIIe siècle avant J.C. Les Grecs puis les Romains jusqu'au 1er siècle avant J.C. Le pays amorça le déclin après l'envahissement des régions côtières par les Vandales en 455 puis celle des Byzantins à partir de 533. Arrivent les Arabes, dès 641, qui prirent la Cyrénaïque puis la Tripolitaine. A partir de 1551, la Cyrénaïque et la Tripolitaine changèrent d'allégeance et passèrent sous la domination Ottomane. Au XXe siècle, c'est la confrérie des Senoussia qui entreprit la résistance contre les Italiens qui en ont fait une « province italienne » en 1939. Après la Deuxième Guerre mondiale, la France et la Grande-Bretagne se partagèrent le contrôle de la Libye. Les garnisons françaises sont restées jusqu'à 1955 au Fezzan. La Libye grâce à l'ONU, a accédé à l'indépendance le 24 décembre 1951. Le royaume comprenant les 3 régions historiques à savoir : la Cyrénaïque, la Tripolitaine et le Fezzan dirigé par le chef de la Confrérie des Senoussia qui prit le nom de Mohamed Idris 1er al- Senoussi. La Libye rejoignit la Ligue arabe, en 1953 et les Nations unies en 1955. La découverte, dès 1958 des puits de pétrole allait changer et modifier les positions de la Libye.

La Libye un système de gouvernance tribal

C'est ainsi qu'intervient le coup d'Etat du 1er septembre 1969 renversant la monarchie par le capitaine Mouamar Kadhafi, âgé de 27 ans, qui proclama la République Arabe libyenne sans effusion de sang. Son régime durera 42 ans dont nous reparlerons, après la partie concernant le système tribal qui a prévalu dans une « certaine gouvernance du pays.

La Libye s'est construite autour de la tribu, source de légitimation. Elle constitue la clé de voûte du système de gouvernance tribale. Elle joue un rôle d'adhésions des loyautés et des allégeances. La contextualisation du tribalisme libyen est importante pour comprendre les événements actuels et de leur cours à venir. La question qui se pose est de savoir si l'héritage historique tribal entrave l'édification d'un Etat. Le sujet est tellement complexe que la Communauté internationale n'a pu trouver un consensus sur la création d'un Gouvernement d'entente nationale. Si on peine à faire sortir la Libye vers les horizons de l'espérance, c'est que rien ne se fera sauf si on tient compte de ce particularisme pour reconstruire un Etat, c'est-à-dire créer un nouvel Etat. Le système semble être complexe et difficile à déchiffrer en raison de la nature fermée de la société. Les deux tribus arabes les plus importantes et les plus influentes viennent de la péninsule arabique : La tribu des Béni Soleïm installée en Cyrénaïque et sur la région côtière orientale de la Libye. Celle des Banou Hilal a occupé l'Ouest autour de Tripoli.

Les Amazigh ont occupé les régions montagneuses du Djebel Nefoussa et de la région côtière de Zouara. Pour clarifier notre étude, nous présenterons les tribus les plus influentes.

En Tripoli, la tribu la plus importante, dans l'Est de la Libye est celle des Warfalla. Elle y joue traditionnellement un rôle central. Celle des Qadhadfias, plus petite et insignifiante, située en bordure de la région de Syrte, au centre du pays, n'a pris le rôle politiquement central et dominant que lorsque Kadhafi, l'un de ses membres ait pris le pouvoir. Il fallait des alliances pour se maintenir au pouvoir. Quant à la tribu de Zinten où Seif el Islam est gardé prisonnier, elle devient une force politique et militaire après la chute de Kadhafi. Durant dix-huit ans (1975/1993), l'alliance Qadadhfa et Warfalla, se transformèrent progressivement en une véritable force hégémonique. Profitant de la nouvelle alliance, les Warfalla ont infiltré les institutions, l'administration, l'armée, la diplomatie, la sécurité et les comités révolutionnaires. Les Warfalla tenteront un coup d'Etat mais échoueront.

Le chemin vers un nouvel Etat démocratique

Comment se frayer le chemin d'un nouvel Etat démocratique ? Aller à la table des négociations pour amorcer une transition douce loin de tout conflit pouvant naître. La compétition pour le pouvoir doit revêtir un sens élevé de maîtrise de soi. On peut souffler l'idée de la mise en place d'un gouvernement d'entente nationale expurgé de toute forme de vengeance tant il est vrai que c'est l'Unité de la Libye qui est menacée. L'organisation d'un référendum sur le projet de Constitution et donc la préparation d'élections législatives représentées par des candidats qui reflètent l'équilibre des forces en présence selon un dosage intelligent, répondant aux attentes légitimes des Libyens. Si le conflit persiste, il donnera l'occasion à des organisations terroristes comme Ansar al-Sharia (AAS) à Benghazi et à l'IS Darna et Syrte de combler ce vide. Par ailleurs, ce conflit politique entre les deux entités politiques revendiquant, chacune, sa propre légitimité et les luttes intestines entre milices rivales peuvent profiter à l'Etat islamique (E.I) qui gagne du terrain. Sa zone d'influence va de Syrte en se prolongeant vers le Sud. Cette confluence de facteurs permet aux éléments extrémistes violents d'utiliser des plates-formes en Libye, pour mener des attentats dans la région du Maghreb.

Une nouvelle République légitimée par les urnes

Les revendications concurrentes de légitimité structurent aujourd'hui, la vie politique en Libye. Entre construction d'une nouvelle République et solde de l'héritage du passé, la Libye se heurte à un dualisme du pouvoir provoquant une certaine instabilité. Il faut dire que sur le plan religieux, la structure tribale pratique un Islam traditionnel et populaire véhiculé par les réseaux des Zaouïas. Est-ce que la situation actuelle peut offrir une place à la négociation et au compromis ? La tribu reste un acteur important du paysage politique libyen, en lui fournissant des loyautés incontestables, en vue de construire un Etat où le pouvoir soit partagé entre les forces légitimées par les urnes conformément à une feuille de route admise par l'ensemble des belligérants.

L'Algérie voisin incontournable dans l'issue de la crise

Aujourd'hui plus que par le passé, dans ce délitement et insécurité, l'impact sur les voisins peut se comprendre par la porosité des frontières, dans une aire sahélo-saharienne où les groupes armés ou criminels opéreront, dans cette zone sans difficulté. L'Algérie et la Tunisie, au Maghreb sont les plus exposées au terrorisme et aux trafics d'armes, de drogues, d'automobiles, et autres?

Du côté du Mali, du Niger, du Tchad et de la Mauritanie, c'est la même préoccupation. C'est d'autant plus vrai que l'attaque du site gazier de Tiguentourine près d'In Amenas confirme cette thèse. L'Algérie de par son voisinage stratégique et son équidistance par rapport aux parties en conflit, constitue un acteur incontournable.

La voie diplomatique de l'Algerie réconfortée

«C'est dans ce cadre que le président Abdelmadjid Tebboune a reçu, ce samedi 20 juin 2020, en audience M. Fayez Al Sarraj, président du Conseil présidentiel du Gouvernement d'Union nationale(GNA), à la tête d'une importante délégation. Cette rencontre de haut niveau fait suite à celle de Salah Aguila, président du Parlement et futur successeur de Khalifa Haftar. Cette reprise du dialogue entre les frères libyens est la résultante des efforts consentis par l'Algérie, pour asseoir les bases d'une « réelle solution politique, garantissant l'intégrité et la souveraineté nationales, loin de toute confrontation et intervention militaires étrangères».

Il faut rappeler que le GNA, reconnu par les Nations unies, « rejette toute réunion de la Ligue Arabe sur le conflit qui l'oppose, depuis un an, aux forces du maréchal Haftar. La Libye a rejeté l'invitation de l'Egypte à tenir une réunion d'urgence du Conseil de la Ligue Arabe en visio-conférence » la semaine prochaine, selon l'AFP. Les forces du maréchal Haftar ont subi plusieurs revers et chassées, ces dernières semaines du nord-ouest de la Libye. L'instauration d'un cessez-le-feu durable, en Libye, passe par le retrait de la ville stratégique de Syrte, des troupes de Haftar. Ankara et Moscou tentent de trouver une issue pour parvenir à un cessez-le-feu en Libye. L'Administration Trump et ses alliés du Golfe continuent de soutenir Haftar, alors qu'une résolution britannique, réclamant le cessez-le-feu est restée lettre morte. sur la table du Conseil de Sécurité.

En conclusion on peut dire que la Libye, par sa position géostratégique en Méditerranée, au carrefour des routes terrestres entre le Maghreb et le Machrek et le Sahel et la Méditerranée, constitue un Eldorado de l'or noir et source énergétique pour l'Europe et ses concurrents. L'Egypte de Sissi prévient que la ville stratégique de Syrte et même d'Al Joufra pourrait mener les forces égyptiennes à une intervention dans la région. Il s'agit là d'une ingérence et une menace grave pour la sécurité de la Libye et la paix internationale. Contre toute attente, le Président Erdogan, avec les troupes de Fayez Al Sarraj, ont infligé de lourdes pertes à l'armée du maréchal Haftar dont l'échec signe la fin des hostilités. Certainement la Turquie s'est concertée avec les USA, en tant que membre de l'OTAN. De même qu'elle ait fait la même chose avec la Russie. La base navale de Misrata et la base aérienne constituent un enjeu stratégique de la Turquie en Méditerranée. Peut-on affirmer que ce qui se passe en Libye n'est autre qu'une guerre par procuration des multinationales du pétrole? Le pétrole finance le conflit en Libye à en voir l'ENI et Total. Mais la solution ne peut être que diplomatique et ce qu'a fait et continue de faire l'Algérie, en tant que voisin pivot pour tenter d'éviter l'escalade de la guerre. L'enjeu est multiple et l'Algérie tente de rallier les parties belligérantes à ses thèses pour éloigner toute tentative de déstabilisation de la région qui pourrait affecter le climat des affaires où personne ne sera gagnant. Dans cette équation à plusieurs variables, l'Algérie est la mieux présentée comme clé de solution à ce conflit qui risque, à tout moment, de connaître des évolutions gravissimes pour les peuples de la région de la Méditerranée et du Sahel surtout que le poids des migrants rend les relations inter-états, des plus complexes. En attendant le chemin est tout tracé par la diplomatie algérienne, en concertation avec toutes les parties concernées. La dynamique engagée par l'Algérie dans toute la discrétion renvoie à une diplomatie désintéressée qui a donné ses résultats à se rappeler la question des otages américains, lors de la Révolution iranienne.

* Docteur. Chercheur Universitaire. Ancien ministre

Bibliographie :

1-Moncef Djaziri : «Tribus et Etat dans le système politique libyen» Outre-Terre n°23

2-R.Bocco : «L'Etat contourné en Libye : tribalisme, clientélisme et révolution in économie pétrolière» Revue Genève Afrique n°2vol 26

3-Ben Lamma Med Faraj : «Immuable et changeante- La géo- politique libyenne de l'après Kadhafi-Machrek/Maghreb n°214. Paris 2012.

4- Med Ben Lamma : «La structure tribale en Libye facteur de fragmentation ou de cohésion ?» Fondation pour la recherche stratégique-Paris Juillet 2017.

5-Jean François Daguzan et Jean Yves Moisseron : «La Libye après Kadhafi-essai de prospective géopolitique du conflit libyen» Hérodote n°142 Paris 2011.

6-Juliette Bessis : «La Libye contemporaine» L'Harmattan, Paris 1986.

7-Flavien Bourrat : «L'impact de la crise libyenne sur les autres pays du Maghreb» IRSEM.

8- Archibald Gallet : «Les enjeux du chaos libyen» CAIRN politique étrangère Revue défense nationale2015.

9- Wolfram Lacher : «Families, Tribes and Cities in the Libyen Revolution» Middle East vol XVIII Winter 2011.

10-www.axl.cefan.ulaval.CA/afrique/libye.htm