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Les grandes puissances face à la crise

par Fouad Hakiki *


La crise en Russie

 

Quelque 300.000 chômeurs supplémentaires ont été enregistrés en Russie (**) en janvier, portant à 6,1 millions le nombre total des demandeurs d'emplois. Les chiffres du chômage devraient poursuivre leur hausse lors des prochains mois, en raison des responsables gouvernementaux ayant prévenu que le mois d'avril risquait d'être très mauvais. L'on prévoit désormais une contraction de 2,2 % de l'économie en 2009, alors que les prix du pétrole et des matières premières sont en chute après une décennie de croissance.



La Fed change de politique



A l'occasion d'un discours prononcé ce mercredi devant le National Press Club, Ben Bernanke, président de la Réserve fédérale américaine (Fed) a affirmé que le plan de relance de 787 milliards de dollars, promulgué mardi par Barack Obama, était «approprié», tout en soulignant que les mesures prises (pour relancer la première économie du monde) devaient aller de pair avec la stabilisation du secteur bancaire : «Quelles que soient les mesures qui devront être prises à un moment ou un autre, il y a une volonté très nette des autorités de laisser les banques aux mains de capitaux privés ou de n'intervenir que sur une période la plus courte possible», a-t-il ajouté, laissant donc entendre qu'il était opposé à toute nationalisation d'établissements en difficulté. Il n'a pas manqué d'indiquer cependant que le taux de chômage aux Etats-Unis va dépasser la barre des 8 % à court terme, contre 7,6 % en janvier. La Fed a ainsi - et pour la première fois dans son histoire - opéré un tournant historique dans la conduite de sa politique monétaire avec l'apparition d'objectifs économiques chiffrés de croissance, d'inflation et d'emploi à long terme.

Créée en 1913, la Banque centrale américaine a, d'après ses statuts, des objectifs généraux de politique monétaire compatibles avec la stabilité des prix et un niveau d'emploi maximal. Contrairement à elle, la Banque centrale européenne a depuis sa création en 1998 l'unique mission d'assurer la stabilité des prix, elle ne se fixe qu'un objectif chiffré d'inflation. Le choix d'objectifs chiffrés - une croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) de 2,5 %, à 2,7 %, une hausse annuelle des prix de 1,7 % à 2,0 %, et un niveau de chômage limité entre 4,8 % et 5 %.- est donc une rupture historique dans la politique monétaire américaine.

Le président de la Banque centrale européenne (BCE) Jean-Claude Trichet a, quant à lui, écarté hier (vendredi) les risques de déflation à court et moyen terme dans la zone euro et répété que des taux d'intérêt nuls comme aux Etats-Unis comportaient des «inconvénients». Alors que l'euro glissait face au dollar, il s'échangeait à 1,2609 dollar. La monnaie unique a été entraînée à la baisse après la publication de l'indice composite des directeurs d'achat (PMI) en zone euro, synthétisant l'activité des secteurs manufacturiers et des services, qui a touché un nouveau plancher record en février, à 36,2 points contre 38,3 points en janvier.



Le G4 européen de ce dimanche

 

La Chancelière allemande, Mme Angela Merkel, a invité pour ce dimanche 22 février, les dirigeants des trois pays européens (France, Royaume-Uni, Italie) qui, avec l'Allemagne, composent le G4 et participent au G20. Dans les faits, la préparation du G20 - à Londres, le 2 avril prochain, pour réformer le capitalisme financier mondial - a déjà fait naître deux fronts, les Européens continentaux face aux Anglo-Saxons (Royaume-Uni, Canada, Australie), qui ne veulent pas d'une surrégulation qui nuirait à l'activité économique. Les pays émergents espèrent, eux, plus de pouvoir dans les institutions internationales - Fonds monétaire international (FMI), Banque mondiale, Forum de stabilité financière, Comité de Bâle.

Ce G4 sera en réalité... un G10 ! Car, comme le Président français avait obtenu un siège au G20 de Washington pour les Espagnols et les Néerlandais, ceux-ci seront nécessairement conviés ce dimanche au G4. Or, l'on devra aussi ajouter la présidence tchèque de l'Union européenne et les patrons des institutions de l'UE : d'une part, M. Trichet pour la BCE et d'autre part, M. Barroso pour la Commission européenne. Et, comme l'on doit aussi inclure le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui préside l'Eurogroupe, le Forum des ministres des Finances de la zone euro, ça sera un G10.

Mme Merkel avait envoyé, le vendredi 20/02, aux capitales européennes ses propositions de conclusions pour la réunion de dimanche : coordonner les plans de relance économique et lutter contre le protectionnisme, pour protéger le marché intérieur européen. Le gouvernement chinois qui avait déjà indiqué la semaine dernière qu'il n'envisageait pas un mot d'ordre «Achetez chinois», à l'instar de la clause controversée «Buy american» (Achetez américain) du plan américain de relance économique, ne manquera pas de réagir. En effet, à la Une du China Daily (un quotidien officiel chinois - en anglais), des experts ont critiqué la clause américaine comme étant de nature à créer des barrières commerciales et à heurter les grands pays exportateurs : «Le protectionnisme commercial va grimper (...) La tendance va durer un certain temps», souligne le journal.



Les multinationales réduisent l'emploi en Chine



En Chine, 27 % des entreprises étrangères ont déjà commencé à réduire leurs effectifs en raison de la crise économique, selon une agence officielle citée par le China Daily ce vendredi. Et selon une enquête de l'agence de ressources humaines FESCO (intermédiaire dans le recrutement d'employés chinois par les entreprises étrangères), 70 % d'entre-elles prévoient une baisse de leurs embauches. L'étude de FESCO a été menée auprès de 356 de ses clients, présents dans tous les secteurs et dans toute la Chine, précise le China Daily. Les secteurs les plus sévèrement frappés sont les finances, les télécommunications et les industries des technologies de l'information.



Mais la Chine sécurise ses matières premières à l'étranger



Echaudés par leurs pertes dans les institutions financières américaines, les gestionnaires chinois des réserves de change - 1 950 milliards de dollars accumulés en 2008 - envisagent d'en affecter une partie à une politique d'acquisitions à l'étranger. Au Brésil, où Xi Jinping, le dauphin du Président chinois, Hu Jintao, a signé jeudi avec le président Ignacio Lula da Silva des accords sur l'énergie et les minéraux - Petroleo Brasileiro négocie l'obtention de 10 milliards de dollars de financement de la China Development Bank, pour exploiter des réserves offshore récemment découvertes. Le patron de China Investment Corporation (CIC), le fonds souverain chinois doté à sa création en 2007 de 200 milliards de dollars de réserves, est en visite en Australie - le CIC est en lice, au côté d'un gros sidérurgiste d'Hunan et du groupe britannique Anglo-American, pour investir dans Fortescue Metals, le troisième exportateur de minerai de fer australien.

Le 12 février, le directeur général de Total, Christophe de Margerie, déclarait que le fonds chinois entré au capital du groupe pétrolier français en 2008 a « légèrement augmenté sa participation » et est « plus que bienvenu » - le fonds en question est la State Administration of Foreign Exchange (SAFE), l'administration rattachée au ministère des Finances chinois qui gère directement les réserves en devises chinoises et procède à ses propres investissements à l'étranger, notamment en bons du Trésor américain.



L'évolution du pétrole



Les effets du plan de relance américain (787 milliards de dollars) sur l'activité et donc la consommation de pétrole sont encore incertains. «Le vif recul de la demande depuis l'année dernière risque de se prolonger au moins durant les trois premiers trimestres de l'année», préviennent les experts de l'OPEP dans le bulletin mensuel de l'organisation.

Falah al-Amiri, président de la SOMO (organisme public chargé de vendre le pétrole irakien), ne voit pas le baril remonter à 70-75 dollars avant deux ans. Les pétroliers occidentaux s'attendent eux à des prix beaucoup plus bas au cours de cette année. Ainsi Paolo Scaroni, administrateur-délégué de la compagnie italienne Eni, pense qu'il restera proche de 40 dollars.



L'or ne connaît pas la crise



L''or est connu pour être une «valeur refuge», une protection contre l'incertitude... Mais quels sont les effets de la crise sur la demande en or ? L'or a atteint un nouveau record, vendredi 20 février, à 994,45 dollars l'once - après celui, jamais atteint de tous les temps, du 17 mars 2008, à 1.032,70 dollars - ignorant le regain du dollar dans lequel est libellé le prix du métal jaune.

(Évolution des prix de l'or par rapport aux indices boursiers depuis 2001.)

Alors, les économistes se posent la question de savoir s'il y aura un retour à l'étalon-or - dont Richard Nixon avait annoncé unilatéralement l'abandon le 15 août 1971 - est-il plausible ?

(Evolution du cours de l'or depuis 2000.)




(*) Economiste

(**) Voir La Russie impactée par la crise dans Le Quotidien d'Oran du 19/02/2009