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Avec l'affaire Merah, nous sommes au cœur de la problématique du droit
pénal, particulièrement celle de la cour d'assises. Juger l'abominable en
respectant les fondements du droit d'une civilisation humaniste est
certainement l'une des exigences les plus difficiles dans une démocratie.
Surtout lorsque à la personnalité affirmée de l'accusé se rajoute celle, très
particulière, de l'avocat de la défense. Si le tribunal correctionnel est
souvent imagé par l'expression « Commedia dell'arte », car c'est le résumé des
conflits et haines de la société, théâtralisés par le jeu des envolées lyriques
contradictoires, la cour d'assises est, par contre, le lieu d'une dramaturgie
profonde. Tout d'abord parce que les crimes sont le plus souvent d'une nature
si odieuse qu'ils renvoient aux plus bas instincts de la société. Des larmes et
douleurs insoutenables y sont étalées, parfois dans l'écoute insoutenable des
détails du crime, jusqu'à la nausée. Ce fut le cas pour le procès d'Abdelkader Merah auquel on reproche d'avoir « fabriqué » le monstre
assassin que fut son frère, Mohamed Merah. Mais la
dramaturgie habituelle s'est renforcée par la présence d'un second acteur de
cette pièce de théâtre, l'avocat, Eric Dupond-Moretti, grand maître du barreau
et célébrissime pour ses coups de colère, sa pugnacité et sa violence verbale.
La question qui se pose est bien évidemment de comprendre pourquoi cela se peut
et constitue le fondement d'un procès en assises. La douleur des familles, non
satisfaites du verdict qu'elles trouvent clément, ne peut justifier que l'on
critique les agissements de l'avocat, même si leur sentiment est qu'il les
provoque. Essayons de comprendre ce qu'est un procès en cour d'assises afin de
mieux cerner le déroulement de cette affaire judiciaire qui peut choquer si on
n'en a pas toutes les clés.
La cour d'assises, un rappel rapide En droit, l'infraction pénale est une action qui contrevient aux lois qui ont défini certains actes comme attentatoires aux règles de la société. L'ordre de gravité détermine la compétence du tribunal pénal. Le délit (vol, violence, diffamation?) mène au tribunal correctionnel alors que ce qui est qualifié de crime mène vers la cour d'assises (meurtre, enlèvement?). La cour d'assises est donc une juridiction compétente pour les affaires criminelles. Ce petit rappel rapide du droit justifie que le procès se déroule devant une cour d'assises, lieu où le prononcé des condamnations est plus sévère en peines d'emprisonnement et en indemnités éventuelles. La justice est toujours rendue « au nom du peuple » mais la cour d'assises va plus loin en demandant à ses représentants de prononcer eux-mêmes la culpabilité ou l'innocence, ce qu'elle organise par la convocation d'un jury populaire. Attention, le tribunal concerné par l'affaire Merah est une cour d'assises spéciale composée de magistrats uniquement. Mais nous ferons une entorse à la réalité des faits car ce qui nous intéresse dans ce développement est de décrire la particularité habituelle d'une cour d'assises. Le comportement des deux principaux acteurs auraient été le même dans une cour d'assises habituelle. Le décor est ainsi planté par une solennité impressionnante que l'architecture des locaux, dans de nombreux cas encore, nous rappelle avec sévérité. L'affaire Merah s'est déroulée au Palais de justice de Paris, un lieu qui porte la marque de la justice royale lorsque le souverain avait pouvoir de justice. L'accusé, un monstre froid Abdelkader Merah est le frère de l'assassin, Mohamed Merah, qui a abattu de sang froid des innocents et n'a pas hésité un seul instant à ôter la vie à de pauvres petits enfants, aux portes d'une école juive. Il est accusé d'avoir été « la main qui a façonné le criminel ». La justice lui reproche d'avoir nourri la haine d'un petit frère, totalement dénué d'un sens de réflexion capable de lui assurer une indépendance d'esprit. Il lui aurait également suggéré les actes et les cibles ainsi qu'apporté soutien et logistique. Tout au long du procès, l'accusé fut arrogant, avec un silence dédaigneux et à aucun moment il n'a pris en compte la souffrance des parties civiles dont il ne soutenait même pas le regard. Un monstre froid qui fait face à une foule médusée qu'il existât une pareille créature sur terre. C'est lui qui l'a initié et armé d'une haine féroce envers tous ceux qui sont supposés être les « ennemis », au nom d'une religion que ces abrutis ne connaissent pas plus que la grammaire ou l'arithmétique. Abdelkader était surnommé le « Ben Laden » de son quartier et se promenait avec son habit aussi ridicule que ses prêches, en caïd, la seule reconnaissance sociale à laquelle pouvait accéder ce délinquant notoire. L'avocat, une star du barreau, brillant et exaspérant L'avocat Eric Dupond-Moretti est la star actuelle du barreau, il détient le record des acquittements pour des affaires jugées désespérées. Il est omniprésent dans les médias, est sollicité par tous les accusés supportant des charges lourdes et il provoque ainsi l'exaspération du public. Eric Dupond-Moretti ne semble vouloir défendre que ce qui lui lance un défi majeur, soit des affaires impossibles. Il a connu la notoriété lors de la célèbre affaire d'Outreau où il réussit à prouver l'innocence d'un groupe de personnes accusées de crimes sexuels envers des enfants. C'est un personnage rude et qui ne lâche rien. Avec une barbe qui rajoute à sa sévérité apparente, tous les adjectifs communément attribués aux ours en colère lui conviendraient. Bougon, féroce, jamais le sourire et les mots en perpétuelle attaque dirigée vers l'interlocuteur, quel que soit le propos, quelle que soit la question. Il fait le spectacle et l'avocat est un « bon client » pour les chaînes de télévision et radios qui se l'arrachent. Il n'est jamais conciliant, toujours clivant et très efficace lorsqu'il est dans la confrontation féroce. On l'accuse de jouer un rôle médiatique pour sa propre satisfaction personnelle. C'est probablement en partie vrai, mais c'est oublier le rôle de l'avocat. L'avocat dans une affaire criminelle n'est limité par aucune contrainte. Son rôle n'est pas de dire la vérité mais de défendre son client, par tous les moyens. Un avocat, même si cela peut paraître choquant aux lecteurs non formés aux fondements du droit pénal, doit user de tous les moyens pour acquitter son client. Il peut heurter et remuer le couteau dans les plaies ouvertes de la partie civile, parents et proches. Il a tous les droits car son système de défense et sa plaidoirie ne peuvent être freinés par aucune contrainte si ce n'est le respect des magistrats et certaines règles de convenance (et encore!). *Enseignant A suivre |
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