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Au moment où
le Premier ministre, lors du débat à l'APN concernant le PLF 2022, annonce que
l'objectif du gouvernement est de cibler les subventions supposant une large
concertation sociale et un système d'information fiable en temps réel de la
répartition du revenu national et du modèle de consommation pour déterminer les
couches défavorisées, tout en ne pénalisant pas les couches moyennes par un
nivellement par le bas, (voir A. Mebtoul www.
google-1992), cette présente contribution est une brève synthèse, d'une
brûlante actualité, d'un rapport remis à l'ancien gouvernement le 14 septembre
2012 et de l'étude que j'ai dirigée en décembre 2013 pour l'Institut français
des relations internationales (IFRI), sur les enjeux géostratégiques et de
gouvernance de la sphère informelle, réactualisée dans la revue « stratégie »
de l'IMPED/MDN en octobre 2019 et dans l'ouvrage collectif édité par l'Institut
de stratégie de Barcelone (en français-anglais-espagnol 2019).
1-L'Etat algérien subventionne un grand nombre de produits de première nécessité, comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant. En Algérie, de celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n'existant pas de système ciblé de subventions. Dans plusieurs rapports entre 2010/2017, la Banque mondiale fait remarquer qu'en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. A cela s'ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques et les réévaluations montrant la non-maîtrise de la gestion des projets où selon les données officielles du Premier ministère (source APS), l'assainissement du secteur public marchand durant les 25 dernières années a coûté au Trésor l'équivalent de 250 milliards de dollars et le coût des réévaluations entre 2005/2020, 8.900 milliards de dinars, environ 66 milliards de dollars dont plus de 80% sont revenus à la case départ. Nous avons les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d'investissement (ANDI, ANSEJ) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages (exportation et création de valeur ajoutée interne). Pour le pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux, les subventions servent de tampon social pour juguler la hausse des prix internationaux, bien avant le retour à l'inflation depuis 2020. Ainsi, les différentes lois de finances depuis de longues années proposent des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat en matière de subventions. Or, comme je l'ai analysé dans plusieurs contributions nationales et internationales, le montant des subventions et des transferts sociaux a eu un impact peu perceptible au niveau de la population. Ainsi se pose le problème de l'efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final. La mise en place de subventions ciblées suppose à la fois une large concertation sociale loin de la pression des couches rentières et un système d'information fiable au temps réel mettant en relief la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales. Les subventions généralisées faussent l'allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d'avoir une transparence des comptes, fausse les normes de gestion élémentaires. Les prévisions, tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissent au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Pour les prévisions 2022, les subventions implicites, constituées notamment de subventions aux produits énergétiques et des subventions de nature fiscale, représentent environ 80% du total des subventions et que les subventions explicites représentent un cinquième du total des subventions, étant dominées par le soutien aux prix des produits alimentaires et aux logements. Il est prévu 1.942 milliards de dinars, soit 19,7% du budget de l'Etat contre 24% en 2021 et 8,4% du PIB dont les aides aux ménages pour 567,7 milliards de dinars, 315,5 de soutien aux produits de base, 105,3 pour l'électricité/gaz/eau; 131,7 de soutien à l'éducation, 332,5 pour le soutien aux pensions, 361,1 pour la santé, 247 pour l'habitat, 196 pour l'aide aux moudjahidine et 207,6 pour les catégories sous-défavorisées où en plus il est prévu d'alimenter les caisses de retraite de retenir 3% de la taxe pétrolière, ce qui donne environ 63 milliards de dinars. Il est utile de préciser que le déficit des caisses de retraite (CNR) qui devrait atteindre 690 milliards de dinars en 2021, le nombre de retraités dépassant les 3,3 millions, la CNR enregistrant un taux de cotisation de sécurité sociale, estimé à 2,2 travailleurs pour chaque retraité et pour un équilibre, le taux de cotisation devrait atteindre cinq travailleurs pour un retraité. Comme subventions indirectes, le PLF 2022 prévoit que les traitements, indemnités, émoluments, salaires, pensions et rentes viagères bénéficieront d'un abattement proportionnel sur l'IRG à 40% qui ne peut être inférieur à 12.000 dinars/an ou supérieur à 18.000 dinars/an (soit entre 1.000 et 1.500 dinars/mois). Le projet souligne également que les revenus qui n'excèdent pas 30.000 dinars bénéficient d'une exonération totale de l'IRG, tandis que les revenus supérieurs à 30.000 et inférieurs à 35.000 dinars bénéficient d'un deuxième abattement supplémentaire. Les revenus supérieurs à 30.000 et inférieurs à 42.500 dinars des travailleurs handicapés moteurs, mentaux, non-voyants ou sourds-muets. Il est aussi proposé de faire bénéficier les cessions de logements collectifs constituant l'unique propriété et l'habitation principale, d'une réduction d'impôt de 50%. 2.-Quels sont les conditions de l'efficacité de la politique de subventions ciblées et comment reconnaître une personne qui travaille dans la sphère informelle n'étant pas répertoriée dans les statistiques officielles et ayant un revenu? Depuis quelque temps, avec une inflation rarement égalée entre 50/100% pour les produits non subventionnés, comme en Egypte, on assiste pour certaines catégories qui connaissent une détérioration de leur pouvoir d'achat, dont des enseignants et d'autres travaillant dans la sphère réelle, pour subvenir à leurs besoins, font du travail au noir après leurs heures de travail. Paradoxe, on a pu assister à des enfants de milliardaires, bénéficier des allocations décidées par l'Etat pour les jeunes chômeurs car non répertoriés. L'action louable au profit des zones d'ombre serait un épiphénomène face à la détérioration du pouvoir d'achat de la majorité de la société. Or, le système algérien de protection sociale, les modalités des transferts sont tellement complexes que plus personne ne sait qui paye et qui reçoit. On ne connaît pas le circuit des redistributions, notamment les redistributions entre classes d'âge, les redistributions entre générations et encore moins bien les redistributions entre niveaux de revenus ou de patrimoine. Or, le principe de justice exige que l'on réponde correctement à ces questions. Cela demande d'avoir un système d'information crédible en temps réel et de repenser les mécanismes de transferts et de redistribution afin de les faire reposer sur des critères objectifs, parfaitement transparents au niveau de la branche ou au niveau national, et ce qui relève de l'Etat et des autres collectivités publiques et posant l'urgence de de comprendre l'essence de la sphère informelle qui permet des consolidations de revenus. La sphère informelle intimement liée à la logique rentière, servant à court terme de tampon social, contrôle des pans entiers de l'économie, utilise des billets de banques au lieu de la monnaie scripturale (chèques) ou électronique entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars, selon le président de la République. La politique de subventions ciblées est difficilement réalisable, techniquement impossible, sans un système d'information fiable en temps réel, mettant en relief la répartition du revenu national par couches sociales et par répartition régionale : combien sont-ils à percevoir moins de 20.000 DA par mois net ? Combien sont-ils à toucher entre 20.000 et 50.000 DA? Combien sont-ils à être payés entre 50.000 et 100.000 DA ? Il faut avoir des réponses précises à ce genre de questions. La dominance de la sphère informelle, dont l'essence renvoie au mode de gouvernance, entretient des liens dialectiques avec les malversations, expliquant que des mesures bureaucratiques ont peu d'effets pour son intégration. Que nos responsables visitent les sites où fleurit l'informel de l'Est à l'Ouest, du Nord au Sud et ils verront que l'on peut lever des milliards de centimes à des taux d'usure mais avec des hypothèques, car il existe une intermédiation financière informelle. Les mesures autoritaires bureaucratiques produisent l'effet inverse et lorsqu'un gouvernement agit administrativement et loin des mécanismes transparents et de la concertation sociale, la société enfante ses propres règles pour fonctionner qui ont valeur de droit puisque reposant sur un contrat entre les citoyens, s'éloignant ainsi des règles que le pouvoir veut imposer. Face à la concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière, renforçant le sentiment d'une profonde injustice sociale, l'austérité n'étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, reflet du divorce État/citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. Du fait de la forte consommation intérieure, il sera difficile d'assurer le niveau des exportations actuelles des hydrocarbures traditionnelles à l'horizon 2030, au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants, ne pouvant donc plus assurer l'actuelle protection sociale en cas de non-dynamisation des sections hors hydrocarbures. En résumé, toute protection sociale durable existante, des droits mais également des devoirs, passera par l'élévation de la production et de la productivité. A l'avenir, l'existant des droits mais également des devoirs, le patriotisme de tout algérien se mesurera par sa contribution à la valeur ajoutée nationale. Dans ce cadre, les plus hautes autorités du pays reconnaissent que le système d'information est à revoir, ne permettant pas des actions et prévisions fiables, le dossier des subventions étant un sujet très sensible, a des incidences économiques, sociales, politiques et sécuritaires. Face aux tensions budgétaires, sociales internes et géostratégiques au niveau de la région, les lois économiques étant insensibles aux slogans politiques, attention aux promesses utopiques de versement de salaires sans contreparties productives et des mesures hâtives populistes qui risquent de mettre en péril la sécurité nationale. *Dr et Professeur des universités, expert international |