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Washington a finalement jeté
l'éponge dans ses efforts, longs et tortueux, d'instaurer la paix entre Israël
et les Palestiniens. Vous ne trouverez aucune reconnaissance officielle de
cette décision. Les USA soutiennent encore formellement la solution
des deux Etats pour mettre fin au conflit. Israël ne veut pas de la solution des «Deux Etats» Mais le récent engagement de l'administration d'Obama à renouveler l'arsenal militaire d'Israël, pour un montant de 38 milliards de dollars sur une période de 10 ans, tout en poursuivant de manière ostensible «la paix» montre de manière claire à quel point cette politique est en banqueroute. Pendant deux décades, les leaders israéliens et leurs soutiens néo-conservateurs aux USA, décidés à tout prix à construire et à étendre les colonies de peuplement sur le sol palestinien, ont tout fait pour saboter les efforts américains publiquement affirmés. Israël n'a pas payé le prix de ce sabotage. Maintenant, avec ce paquet sans précédent d'armements, les USA ont montré qu'Israël restera impuni? pour l'éternité ! L'alliance militaire entre les USA et Israël a été pendant longtemps en contradiction avec l'intention déclarée des présidents qui se sont succédé à Washington d'encourager la paix en Terre sainte. Chaque administration qui a occupé la Maison Blanche a préféré la solution de jouer sur les deux tableaux ; soutenir la solution des deux Etats tout en récompensant de manière généreuse, avec des armes mortelles, un Etat-client incorrigible qui a travaillé aussi rapidement qu'il le peut pour saboter une telle solution. Cette dualité, qui continue, a semblé atteindre son plus haut niveau de «surréel» au cours de ces toutes dernières semaines. D'abord, le Président Obama a annoncé le nouveau deal militaire, avec sa promesse de livrer des avions de guerre et d'autres équipements militaires, en citant l'alliance militaire «inébranlable» avec Israël. La semaine suivante, aux Nations unies, Obama a déclaré : «Israël doit reconnaître qu'il ne peut pas occuper en permanence et coloniser les terres palestiniennes». Ensuite, il s'envole vers Israël pour les funérailles de Shimon Peres, et pour rendre hommage à l'ancien Président d'Israël, lauréat du prix Nobel de la paix, il parla d'un homme qui a fort bien compris «la tâche inaccomplie du processus de paix israélo-palestinien (Le souvenir de Peres est différent chez les Palestiniens qui le considèrent comme le premier pionnier de la construction de colonies de peuplement et l'auteur de la brutale attaque contre le Liban, sous le nom de code ?'Les Raisins de la colère'' en 1996)». Peu après les funérailles, le gouvernement de Netanyahu a approuvé, sans le moindre signe de vergogne, une nouvelle colonie dans les territoires occupés, poussant le département d'Etat a «condamner de manière forte» l'action qu'il a qualifiée de «très troublante». De belles paroles et le surarmement d'Israël pour les effacer Des mots aussi forts résonnent, malgré tout, comme vides de tout sens face à un seul chiffre : 38 milliards. Avec cette toute récente promesse d'aide militaire, les USA ont donné leur approbation à l'impunité d'Israël et à sa colonisation sans fin des terres palestiniennes, son occupation militaire de la rive occidentale et ses attaques périodiques avec des avions F16 et des hélicoptères Apache utilisant des missiles Hellfire contre les civils de Gaza. Il est vrai que les roquettes primitives, et parfois mortelles, lancées par Hamas, provoquent le feu israélien, et les enquêtes sur les droits de l'homme ont découvert que les deux côtés ont commis des crimes de guerre. Mais la puissance explosive d'Israël dans la guerre de 2014 contre Gaza, alimentée en grande part par l'aide militaire américaine et son soutien politique, a excédé la puissance de feu de Hamas par coefficient estimé à 1.500 pour 1. Suivant une estimation, toutes les roquettes de Hamas, mesurées en puissance explosive, étaient égales à douze des bombes d'une tonne qu'Israël a fait tomber sur Gaza. Et il en a fait tomber des centaines de ces bombes, et tiré des dizaines de milliers d'obus, de roquettes et de coups de mortiers. Dans cette action, il y a eu presque plus de 250 fois de civils palestiniens que de civils israéliens tués. Maintenant, Gaza étant coupée de la rive occidentale, et les Palestiniens confrontés à de nouvelles vagues de colonisateurs, et alors que l'occupation militaire dure depuis un demi-siècle, les USA ont choisi de ne pas exercer de pression sur son allié qui échappe à tout contrôle, et au lieu de cela, de réapprovisionner ses forces armées de manière massive. Cela veut dire que nous sommes arrivés à quelque chose qui est un moment historique (quelque peu ignoré). Après toutes ces dizaines d'années, la solution des deux Etats, aussi imparfaite qu'elle ait été, devrait être déclarée défunte et on devrait considérer que les USA sont les complices de cette mort. En d'autres termes, l'administration d'Obama a offert la victoire, qu'ils ont cherchée pendant deux décennies, aux leaders israéliens et aux néo-conservateurs qui n'ont cessé d'être les champions de cette voie. Les grands maîtres du chaos Il y a vingt années de cela, la droite dure pro-israélienne aux USA a conçu le noyau dur de la stratégie qui a aidé à la capitulation américaine. En 1996, une groupe de travail, conduit par les néo-conservateurs Richard Perle (futur président du Conseil de la politique de défense), David Wurmser (futur conseiller principal de Dick Cheney pour le Moyen-Orient), Douglas Feith (futur sous-secrétaire d'Etat à la Défense) et d'autres ont rédigé un document politique destiné à Benjamin Netanyahu, alors en voie d'être nommé Premier ministre israélien. Ce document, intitulé «Une rupture claire et nette : une nouvelle stratégie pour renforcer le Royaume», soutenait qu'Israël rompt avec son acceptation du processus de paix signé à Oslo, et à son accent sur les concessions territoriales. Les ingrédients essentiels de ce document incluaient l'affaiblissement des voisins d'Israël, par le changement de régime dans l'Iraq de Saddam Hussein et la mise au ban de la Syrie et de l'Iran. Les recommandations des auteurs furent loin d'être une simple liste de vœux pieux, vu qu'un grand nombre de ces auteurs allaient tenir des positions d'influence dans l'administration de George Bush. Pour imposer la vision de la paix selon Israël, changer les régimes politiques Comme le journaliste Jim Lobe l'a remarqué en 2007 : «Le groupe de travail, qui était présidé par Perle, a soutenu l'argument que le changement de régime en Iraq -thèse dont Feith était parmi les plus ardents défenseurs au Pentagone- permettrait à Israël et aux USA de modifier de manière décisive l'équilibre des forces dans la région, ce qui permettrait à Israël de rompre de manière totale avec le processus d'Oslo (ou avec tout cadre qui l'obligerait à abandonner des territoires en contrepartie de la paix) et, de cette manière à renforcer le royaume contre les demandes territoriales palestiniennes». En d'autres termes, dès 1996, ces néo-conservateurs avaient déjà imaginé ce qu'il allait advenir de la désastreuse invasion de l'Iraq en 2003. On pourrait argumenter que ni les «néo-cons» ni Netanyahu ne pouvaient avoir prévu le chaos qui devait en résulter avec un Iraq craquelé et une Syrie s'effondrant essentiellement dans une guerre civile et une violence horrible, avec des civils bloqués et sous bombardements constants, et avec la plus grande crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale, prenant dans ses griffes l'Europe et le monde. Mais on aurait tort, car certains des défenseurs «néo-cons» des changements de régime avaient projeté, dès le début, que le chaos serait une partie essentielle du processus. Michael Ledeen de l'Institut de l'entreprise américaine avait écrit dans la «National Review», pendant la préparation de l'invasion de l'Iraq : «On ne peut que souhaiter que nous transformions la région en chaudron, et le plus rapidement possible, s'il vous plait !» (En 1985, à titre de consultant du Conseil de sécurité nationale et d'Oliver North, Ledeen a aidé à négocier le marché «armements contre otages» avec l'Iran, en organisant des réunions entre des marchands d'armes et Israël). Plus tard, Ledeen a écrit sur le Wall Street Journal : «La guerre ne doit pas prendre fin à Bagdad. Nous devons renverser les Etats terroristes à Téhéran et à Damas». Les «néo-cons» ont obtenu exactement ce qu'ils voulaient en Iraq, mais beaucoup moins en Syrie et en Iran. Leurs récentes tentatives -avec Netanyahu comme leur principal porte-parole- de bloquer l'accord de l'administration d'Obama avec l'Iran sur le problème du nucléaire de ce pays, ont été descendues en flammes. Pourtant, il est frappant de penser combien leur stratégie de changement de régime et de chaos a aidé à transformer notre monde et le Grand Moyen-Orient pour le pire, et de se souvenir que son ultime objectif, du moins dans le début, était essentiellement d'éviter à Israël de poursuivre un accord de paix avec les Palestiniens. Bien sûr, il y avait d'autres bénéfices que les «néo-cons» avaient imaginés alors comme partie de leur tentative historique de redessiner la carte du Moyen-Orient. Le contrôle de certaines des vastes réserves de pétrole de cette région était l'un d'entre eux, mais, bien sûr également, on ne peut pas affirmer que cela était une «mission accomplie». Seule la partie israélienne du plan semblait avoir réussi comme prévu. Un plan israélien réussi : le chaos s'est installé au Moyen-Orient Nous sommes à ce stade vingt années plus tard ! Tout autour de la Terre sainte, les Etats s'effondrent, ou du moins leurs fondations tombent en poussière, et les actions d'Israël indiquent clairement qu'il n'est pas disposé à aider à améliorer la situation de quelque façon que ce soit. Il a visiblement l'intention de poursuivre une politique de colonisation, de violations permanentes des droits de l'homme, et de domination absolue des Palestiniens. Ce sont des réalités sur le terrain pour l'établissement desquelles le précédent Premier ministre, Ariel Sharon, Netanyahu, la droite israélienne et ces «néo-cons» américains se sont battus si durement. Une succession de leaders à Washington -du moins ceux qui n'ont pas eux-mêmes conçu cette politique- ont été joués comme des idiots. A suivre... *Professeur à l'Ecole Anenberg de journalisme et de communication de l'Université de la Californie du Sud, USA, (publié sur Huffington Post le 18 octobre 2016, traduit par Mourad Benachenhou) |