Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

L'infrastructure civique en Afrique: Matrice territoriale d'un développement situé, résilient, incarné et géopolitiquement stratégique

par Pr. Rédha Tir*

Introduction



L'Afrique vit, à son rythme et dans ses tensions, une reconfiguration profonde. La poussée démographique s'accélère, les villes s'étendent sans relâche, et les économies restent arrimées à des logiques extractives qui se répètent. Dans ce contexte mouvant, les repères classiques du développement - croissance du PIB, équilibres macroéconomiques, flux d'investissement - apparaissent de plus en plus désajustés. Ils mesurent sans capter. Ils comptent sans comprendre. Ni la justice sociale, ni la stabilité politique, ni même la soutenabilité écologique ne peuvent plus leur être subordonnées.

À l'heure où l'Afrique affronte les défis entremêlés de la mondialisation fragmentée, du recul des principes de souveraineté, et d'un modèle de développement historiquement exogène, une transformation de fond s'impose. Le continent ne peut plus se contenter d'indicateurs abstraits et d'agendas dictés de l'extérieur. Il lui faut redéfinir sa trajectoire à partir de ses propres dynamiques, de ses territoires, de ses besoins humains, et de ses aspirations historiques. C'est dans cette perspective que l'infrastructure civique s'impose comme une matrice territoriale d'un développement situé, résilient, incarné et géopolitiquement stratégique. Non pas une simple addition d'équipements ou de services, mais un système structurant - au croisement des mobilités, des savoirs, de la connectivité et de la gouvernance - capable de traduire en actes la souveraineté politique, l'intégration stratégique et la puissance économique que le continent revendique.

Ancrée dans les réalités locales tout en répondant aux exigences globales, cette infrastructure civique devient le socle d'une nouvelle souveraineté : une souveraineté vécue, construite par les peuples et pour eux, nourrie par des choix technologiques autonomes, des financements maîtrisés, et des normes élaborées à l'échelle africaine. Elle n'est plus l'outil secondaire du développement ; elle en devient le levier central, la condition même d'un avenir africain maîtrisé.

À rebours des doctrines standardisées, cette réflexion avance une hypothèse rarement mise au centre : penser le développement africain à partir de ce qui le traverse silencieusement - l'infrastructure civique. Ce que l'on désigne ici ne se limite pas à des équipements visibles - centres communautaires, jardins partagés, bibliothèques de quartier, dispensaires collectifs. Il s'agit aussi des formes sociales, des cadres d'organisation, des pratiques d'animation et des routines de gouvernance qui les rendent vivants. L'infrastructure civique n'est pas un supplément d'âme : elle est une colonne vertébrale souvent invisible. Elle donne chair à une citoyenneté concrète, soutient des formes distribuées de gouvernance, et active une économie des communs.

Appuyé sur les travaux critiques de figures telles que Jackson, Ostrom, Tirole, Blanchard, Mazzucato, ou Cirella, mais aussi sur les rapports d'organismes comme l'OCDE, la CEA ou les Communautés économiques régionales, cette réflexion propose une lecture du développement qui s'ancre dans les pratiques, les lieux et les liens. Il ne s'agit plus de projeter des trajectoires depuis le macro vers le micro, mais de partir des textures du quotidien pour penser des formes de prospérité post-croissance, redistributive et habitée. En ce sens, l'infrastructure civique devient un levier stratégique : elle permet de contourner les injonctions hors-sol des bailleurs, d'interroger les normes ESG déterritorialisées, et de défier les promesses creuses d'une croissance sans ancrage.

Elle entre aussi en résonance avec une mémoire longue. Les dispositifs communautaires africains - qu'il s'agisse des tontines, des maisons de palabres, la tadjmaat, des régulations coutumières des terres ou des communs pastoraux - fonctionnent déjà sur des principes de coopération, de gouvernance partagée et de transmission. Penser l'infrastructure civique comme une continuation de ces formes - et non comme une innovation plaquée - permet de renouer avec une intelligence territoriale souvent sous-estimée.

Ce faisant, elle devient un outil critique. Non pas seulement pour gérer le présent, mais pour redonner aux communautés locales le droit de nommer leurs besoins, de façonner leurs institutions, et de construire leurs propres avenirs depuis leurs propres ancrages.

I. Fabriquer la résilience depuis les territoires : infrastructures de l'incertitude, ancrages populaires et mémoire collective

1.1 - L'économie de l'incertitude et la territorialisation des réponses

Les observations de Giuseppe T. Cirella, dans son travail sur les chocs d'incertitude en Afrique, révèlent une donnée essentielle : les trajectoires économiques du continent sont régulièrement secouées par des perturbations violentes - conflits armés, événements climatiques extrêmes, épidémies, ou encore effondrements institutionnels. Ces ruptures, souvent simultanées, fragilisent les modèles de gestion centralisée, qui peinent à suivre le rythme des crises. Là où le pilotage étatique s'englue, d'autres forces s'activent.

Ce ne sont ni des institutions officielles, ni des projets structurants. Plutôt des agencements discrets, spontanés, enracinés dans la vie locale. Dans de nombreuses villes subsahariennes, les habitants ont tissé, par nécessité, des formes d'entraide organisées : des marchés tenus collectivement, des réseaux informels de solidarité, des pratiques de redistribution souples. Sans budget, sans administration formelle, ces initiatives ont, à maintes reprises, absorbé les chocs mieux que les dispositifs prévus à cet effet.

L'infrastructure civique, dans cette configuration, tient lieu de socle. Elle ne se contente pas d'exister : elle lie, elle redistribue, elle soutient. Ce sont des lieux sans statut figé, qui s'ajustent à l'urgence. Ce jour-là, ils accueillent une réunion d'habitants ; le lendemain, ils servent de dépôt alimentaire ; en période de crise, ils deviennent refuge. Cette plasticité n'est pas un hasard. Elle découle d'un ancrage. Des gestes transmis, des routines partagées, des alliances forgées dans la durée.

Ce n'est pas seulement la débrouille, ni un pis-aller face à l'absence de l'État. C'est une intelligence du quotidien. Une manière d'habiter l'incertitude, non pas en la subissant, mais en la transformant en apprentissage partagé. Une capacité à s'organiser, sans projet d'en haut, mais avec une mémoire du lieu, et une solidarité qui, elle, ne flanche pas.

1.2 - Urbanisation informelle, gouvernance des marges et reconquête civique

Le rapport Africa's Urbanisation Dynamics 2025, publié par l'OCDE, rappelle une donnée incontournable : l'essentiel de la poussée démographique à venir se concentrera dans les villes africaines - mais pas dans les centres planifiés. Ce sont les marges, les interstices, les zones périphériques mal desservies qui absorberont cette croissance. Et pourtant, l'urbanisme officiel continue de se déployer comme s'il pouvait ignorer cette réalité. Les projets de grande envergure, portés par des logiques de compétitivité et d'attractivité, prolongent souvent les déséquilibres qu'ils prétendent corriger.

Pendant ce temps, une autre ville prend forme. Elle n'est pas issue de plans d'architectes, ni d'appels d'offres internationaux. Elle se construit à partir du quotidien. Dans ces territoires ignorés, les habitants bricolent des réseaux d'eau entre voisins, cultivent des jardins sur des friches, organisent l'entretien des rues, créent leurs propres écoles. Ces initiatives n'ont pas de label, mais elles remplissent des fonctions vitales. Elles incarnent une pratique de la ville qui ne dépend pas d'un permis, mais d'une présence.

Ce qui se joue là dépasse la simple compensation. On ne parle pas de pallier l'absence de l'État, mais de produire autre chose. Une ville tissée depuis le sol. Une trame civique qui réunit les gens, relie les usages, et inscrit la gouvernance dans la proximité. Cela rejoint le droit à la ville tel que l'avait envisagé Henri Lefebvre, et que prolongent aujourd'hui les réflexions critiques sur les communs urbains : faire de l'espace un bien partagé, un lieu de débat, un champ de négociation collective.

Dans cette reconquête silencieuse des périphéries, ce ne sont pas seulement des services qui s'inventent. Ce sont des formes de légitimité. Une manière de dire : la ville nous appartient aussi. Non pas en opposition frontale, mais en construction parallèle. Et dans cette lente émergence, dans ce patient travail d'habiter, une autre manière de faire démocratie prend corps.

1.3 - Gérer les conflits par les communs : médiations locales et capacité démocratique

Le rapport OCDE « Identifying local conflict trends in north and westafrica »de 2024 en dresse le constat sans fard : dans plusieurs régions d'Afrique de l'Ouest et du Nord, de nouveaux foyers de tension apparaissent. Pas dans les capitales. Aux marges. Là où les frontières s'effilochent, où les périphéries débordent. Ce ne sont pas simplement des histoires de groupes ou de religions. Pas seulement. Il y a aussi le sol qu'on se dispute, l'avenir qu'on refuse à la jeunesse, les services publics qui ne sont plus qu'un mot.

Et puis, l'État - souvent trop tard, parfois absent. Alors les communautés s'organisent. Non pas avec de grands mots. Avec ce qu'elles ont. Des formes de justice proches, des sentinelles citoyennes, des moments de parole entre acteurs qui, d'habitude, ne se parlent pas. Ce ne sont pas des alternatives à la justice officielle. Plutôt des relais. Des ponts. Des manières de faire exister une norme là où plus rien ne fonctionne.

Ces pratiques, dans leur simplicité, rappellent les principes des communs décrits par Elinor Ostrom. Rien d'abstrait. Juste une gestion collective, des règles co-construites, des dispositifs qui épousent le réel. Ils ne cherchent pas à contrôler. Ils s'adaptent. S'ajustent. Se reconfigurent selon les besoins, les urgences, les désaccords. Tout repose sur le lien. Sur la confiance. Sur ce qui tient quand le reste s'effondre.

Pas question ici d'effacer le conflit. On le reconnaît. On le fait parler. On lui donne un espace, une forme. C'est ainsi que ces dispositifs permettent d'éviter l'irréversible. Ce sont des lieux où l'on apprend à ne pas être d'accord - sans rompre. Une démocratie qui ne passe pas par les urnes, mais par la parole tenue, l'écoute pénible, la coexistence sans illusion. Et c'est peut-être cela, au fond, qui la rend nécessaire.

II. Reconnaître l'informalité comme infrastructure sociale : entre apprentissage civique, services publics ancrés et transformation structurelle

2.1 - Faire de l'informel un levier, pas un défaut

Le rapport Africa'sDevelopment Dynamics 2024 - Skills, Jobs and Productivity livre un chiffre qui en dit long : plus de huit travailleurs africains sur dix évoluent dans le secteur informel. Ce n'est pas un résidu du passé, ni un dysfonctionnement à corriger. C'est une réalité vivante, mouvante, qui structure la vie économique et sociale d'un continent entier. On y échange, on y innove, on y survit - mais surtout, on y invente.

Dans ces zones grises, souvent mal vues par les institutions, se logent des formes d'intelligence collective, des solidarités anciennes et des adaptations rapides que peu de dispositifs formels égalent. L'économie informelle n'est pas un écart à la norme : elle est le lieu où les règles sont repensées à l'échelle humaine. Entre débrouille, entraide et circulation discrète des savoir-faire, elle dessine des logiques hybrides. Pas illégales - situées.

L'infrastructure civique, dans cette optique, ne cherche pas à faire entrer l'informel dans des cases. Elle ne le corrige pas. Elle l'écoute. Elle propose des outils, des espaces, des formes de coordination souples. Elle n'impose rien : elle accompagne. Et ce faisant, elle transforme l'informel en ressource - en point d'appui pour une formalisation ascendante. Pas une normalisation imposée. Un ajustement partagé.

C'est par les lieux, les usages, les pratiques que cette mutation prend corps. Un centre social ouvert devient atelier de coopération. Un espace partagé sert de fabrique à règles communes. Une dynamique de quartier organise la mise en réseau de travailleurs dispersés. Rien n'est automatique. Tout se négocie, se tisse, se modifie au fil du temps. C'est là, dans cette attention fine aux formes locales, que réside la vraie puissance de transformation.

2.2 - Des espaces d'apprentissage partagés pour une économie des capacités

La pensée d'Amartya Sen nous invite à sortir du carcan habituel des indicateurs économiques. Ce qu'il propose, ce n'est pas d'empiler des chiffres, mais de se demander : dans quelle mesure une personne peut-elle réellement choisir la vie qu'elle souhaite mener ? C'est cela, les « capabilities ». Et c'est à cette question très simple, mais terriblement exigeante, que répondent les infrastructures civiques quand elles deviennent des lieux d'apprentissage vivant.

Dans bien des contextes, ces lieux ne ressemblent pas à des écoles. Ce sont des ateliers de quartier, des bibliothèques partagées, des fablabs bricolés, des centres d'éducation populaire installés dans un ancien dépôt ou une maison abandonnée. Mais ce n'est pas leur apparence qui compte. C'est ce qu'on y fait, ce qu'on y apprend, ce qu'on y transmet - souvent sans tableau ni diplôme.

Là, les savoirs ne sont pas descendus. Ils circulent. Ils se croisent. Ils s'échangent. On y apprend à réparer, à discuter, à coopérer. On y mêle le geste et la parole. L'expérience et la mémoire. Le présent et le possible. Ces espaces n'obéissent pas à un programme unique : ils épousent les formes de vie, les langues, les gestes du territoire. Ils offrent une respiration là où l'institution ferme la porte.

Ce que l'infrastructure civique rend possible ici, ce n'est pas seulement l'acquisition d'une compétence. C'est la fabrication d'une capacité à faire. À dire. À décider. Ces lieux d'apprentissage informel deviennent alors des fabriques discrètes d'autonomie, des lieux d'émancipation partagée, où le savoir ne vaut que s'il peut circuler, transformer, relier. Rien n'y est figé. Et c'est précisément ce qui les rend nécessaires.

2.3 - Vers une formalisation ascendante et choisie : santé, éducation, logement et mobilité comme socles civiques

Les politiques publiques qui visent à formaliser l'économie informelle échouent souvent avant même d'avoir commencé. Leur langage est extérieur, leur méthode surimposée, leur cadre normatif sourd à ce qui existe déjà. Elles projettent des schémas administratifs sur des territoires où d'autres régulations - tacites, locales, souvent efficaces - sont déjà à l'œuvre. Et cette ignorance, plus que tout, produit de la rupture.

À l'inverse, l'infrastructure civique avance autrement. Elle ne commence pas par la norme. Elle part du geste, de l'usage, de ce qui fonctionne. Elle observe, écoute, puis construit à partir de là. C'est une formalisation lente, ascendante, qui ne gomme pas l'existant mais le travaille. Des marchés gérés par les usagers eux-mêmes, des mutuelles communautaires, des espaces de régulation participative ou d'échange local : voilà des points d'ancrage où l'informel devient moteur de reconnaissance.

Il ne s'agit pas ici d'encadrer depuis le haut, mais de consolider ce qui, déjà, régule depuis le bas. En renforçant les pratiques autochtones, en respectant les temporalités des usages, cette approche rétablit une confiance minimale. Celle qui manque quand l'État impose sans dialoguer. Elle réduit la distance, évite le conflit, et ouvre l'espace à une gouvernance partagée, souple, située.

On le voit concrètement dans des lieux que les politiques classiques oublient : des centres de santé communautaires où se mêlent soins préventifs et savoirs vernaculaires ; des écoles qui transmettent autant la langue locale que les codes formels ; des initiatives d'habitat coopératif qui sécurisent le logement tout en mutualisant les ressources ; ou encore des systèmes de mobilité pensés à l'échelle du quartier, accessibles, participatifs, et reliés aux pratiques réelles de déplacement.

Ce sont là des points d'appui. Des ancrages. Ils ne remplacent pas les institutions : ils les rendent possibles. En tissant le quotidien avec les fonctions essentielles du service public, ces formes de formalisation par le bas recréent un tissu institutionnel là où il s'était effiloché. Elles permettent à une collectivité d'habiter la santé, l'éducation, l'habitat, la mobilité - non comme des services reçus, mais comme des dimensions gouvernées ensemble.

Et c'est précisément cette intégration progressive, depuis les usages vers la norme, qui esquisse un autre paradigme. Un cadre fondé sur la confiance, sur l'ajustement au lieu, sur la réciprocité sociale. Un cadre où le droit ne s'impose pas, mais s'élabore. Où la règle ne punit pas, mais organise. Où l'État ne surveille pas, mais soutient.

III. Gouverner par les communs : l'infrastructure civique comme laboratoire de souveraineté distribuée

3.1 - De la gouvernance des ressources naturelles à la gouvernance des lieux

Quand Elinor Ostrom a proposé une autre façon de penser les communs, ce n'était pas un manifeste. Juste des cas, observés avec soin. Des gens ordinaires, qui, faute de tutelle étatique efficace, s'étaient mis à gérer ensemble ce qu'ils partageaient : l'eau, la forêt, le poisson. Pas de modèle universel, mais des règles locales, négociées, tenues. Et ça tenait.

Ce qu'elle montrait là, c'est qu'une communauté, si on ne l'en empêche pas, peut prendre soin d'un bien collectif. À sa façon. Et que cette façon, souvent, fonctionne. Ce que l'on oublie, c'est que cette logique ne vaut pas que pour les ressources naturelles. Elle vaut aussi pour les lieux. Pour ces infrastructures qui ne sont ni des produits, ni des services - mais des espaces habités.

Une maison de quartier. Un dispensaire. Un marché public. Ce ne sont pas que des bâtiments. Ce sont des points d'ancrage. Et quand la communauté s'y engage — pas comme usager, mais comme partie prenante - quelque chose bascule. Le lieu cesse d'être administré : il devient gouverné. Collectivement. Sans formalité, peut-être. Mais avec rigueur.

Le droit d'usage ? Il se fabrique en marchant. Les règles ? Elles s'inventent à partir des conflits, des besoins, des habitudes. La surveillance ? Elle est mutuelle, parfois informelle, toujours située. Il n'y a pas de schéma tout fait. Juste une attention constante à ce qui se joue, à qui vient, à comment on partage. Et ce partage, s'il tient, fait du lieu autre chose qu'un service : une institution populaire, même sans statut.

Ce n'est pas de l'idéologie. C'est de la pratique. Un mode de présence au lieu. Une manière de coexister, sans mode d'emploi.

3.2 - Polycentrisme et gouvernance imbriquée : contre l'alternative entre État faible et privatisation

Elinor Ostrom, toujours elle, ne se contentait pas de penser les règles locales. Elle proposait autre chose : une vision de la gouvernance où plusieurs centres de décision coexistent. Se croisent. Se complètent. Un système polycentrique. Pas un État tout-puissant. Pas non plus un marché dérégulé. Autre chose. Plus fluide, plus réaliste. Moins propre.

En Afrique, cette approche résonne. L'État central, souvent à bout de souffle, ne suffit plus. Trop loin. Trop abstrait. Mais privatiser ? C'est renoncer. Ce qu'on observe, c'est un entre-deux. Des systèmes entremêlés, qui fonctionnent parce qu'ils s'appuient sur des articulations fines : entre la ville et le quartier, entre la coopérative et la mairie, entre les habitants et l'administration locale.

L'infrastructure civique devient ici un pont. Elle relie les échelles. Elle n'est pas seulement un lieu : elle est interface. L'endroit où les logiques communautaires croisent les cadres municipaux. Où les expérimentations locales remontent vers les politiques publiques. C'est dans cette imbrication que réside la possibilité d'une souveraineté partagée. Non pas concentrée en haut. Distribuée. En réseau.

Des expériences concrètes le prouvent déjà. Dans certaines villes — en Afrique du Sud, au Kenya - des municipalités reconnaissent les initiatives venues d'en bas. Elles les intègrent, sans les dénaturer. Ce ne sont pas des projets pilotes : ce sont des formes de gouvernement à plusieurs mains. Ce sont ces gestes-là, discrets mais décisifs, qui déplacent la question de la puissance. Gouverner ne veut plus dire imposer. Cela veut dire accueillir. Composer. Soutenir ce qui pousse.

Et cette approche entre aussi en écho avec d'autres travaux. Notamment ceux du rapport Les Grands Défis Économiques (Blanchard, Tirole, 2021), qui appellent à revaloriser les biens publics. À redéfinir ce qu'est un choix collectif. Pas dans une salle close, mais à travers des institutions capables d'incarner la volonté sociale. Transparentes. Réactives. Ancrées.

Dans cette perspective, l'infrastructure civique n'est plus l'outil d'une politique. Elle devient le lieu même de son élaboration. Un espace de délibération, d'essai, d'apprentissage commun. Pas un guichet. Une fabrique.

Elle ne reproduit pas la démocratie. Elle la rend possible.

3.3 - Réinventer la citoyenneté par les usages et les attachements

Dans bien des contextes africains, la citoyenneté est une idée floue. Non parce qu'elle manquerait de définition juridique, mais parce qu'elle s'éloigne du vécu. Les papiers sont là - parfois. Les droits, en théorie. Mais dans les faits : peu d'accès, peu d'écoute, peu de réponse. Les institutions paraissent lointaines. Les appartenances se brouillent.

Et pourtant, il y a des lieux. Des espaces. Des pratiques. Là où l'infrastructure civique existe, une autre forme de citoyenneté prend corps. Rien d'abstrait. Juste des usages réguliers. Des réunions. Des soins partagés. Des formations informelles. Des discussions sans formalité. Et peu à peu, par ces gestes répétés, quelque chose s'installe. Une présence. Un ancrage. Un sentiment de faire partie.

C'est cette expérience concrète qui façonne une citoyenneté habitée. Pas celle des textes constitutionnels. Celle du quotidien. Celle qu'on éprouve en allant, en revenant, en prenant soin. Michael Shapiro l'a bien dit : ce sont les lieux qui produisent du civique, plus que les règles. Ce n'est pas le droit qui crée l'engagement, c'est l'engagement qui, parfois, redonne vie au droit.

Être citoyen, dans ces espaces, ce n'est pas brandir une carte ou réciter des devoirs. C'est s'attacher à un lieu. Le reconnaître. Le maintenir. Le défendre, parfois. C'est y revenir. S'y inscrire. Participer à sa tenue. On parle peu, souvent. On agit. Et dans ce faire - modeste, répétitif, ancré - se fabrique une légitimité.

Ce type de citoyenneté n'a pas besoin d'être proclamé. Il se tisse. Il s'inscrit dans la durée. Il n'exige pas l'uniformité : il tolère les marges. Il préfère la permanence à la mobilité, l'usage au statut, la mémoire au décret. Il pousse là où le droit officiel ne prend pas racine.

Et c'est cette citoyenneté-là, enracinée, située, qui devient la matrice d'une souveraineté populaire autrement distribuée. Décentrée. Construite non dans les hautes sphères, mais à même le sol. Dans les lieux où le politique, souvent, ne regarde plus.

IV. L'infrastructure civique : vecteur d'un développement enraciné et d'une prospérité post-croissance en Afrique

4.1 - L'infrastructure civique comme valeur publique territorialisée

Mariana Mazzucato, dans The Value of Everything, interroge une évidence trop rarement questionnée : qu'est-ce qui a réellement de la valeur ? Pas en théorie, pas sur les marchés, mais pour la vie commune. Sa réponse n'a rien d'abstrait : ce qui compte, c'est ce qui contribue - à la solidarité, à la stabilité, à la possibilité d'exister ensemble.

Sur le continent africain, beaucoup de lieux échappent à cette reconnaissance. Une maison de quartier, un centre de soins géré localement, une régie communautaire : tout cela produit du lien, soutient la cohésion, renforce la capacité à tenir dans la durée. Mais ces effets-là, les indicateurs classiques ne les voient pas. Ils n'ont pas de prix. Pas de ligne dans les budgets. Pas de case dans les bilans.

Et pourtant, ils comptent. Ils réduisent les violences. Augmentent les taux de scolarisation. Amortissent la précarité énergétique. Rien de spectaculaire. Mais une présence continue. Une action de fond. Une valeur qui se transmet par l'usage, par la confiance, par l'habitude.

Ce que ces infrastructures produisent, ce n'est pas de la croissance au sens traditionnel. C'est de la continuité. De la disponibilité. De l'autonomie partagée. Une prospérité qui ne repose pas sur l'accumulation, mais sur l'entretien. Qui ne cherche pas à extraire, mais à préserver.

Tim Jackson, dans Care Economy (2025), va dans ce sens. Il propose de penser la richesse à partir des liens humains, des formes de soin, de l'accès aux conditions de vie dignes. Ce qu'il nomme prospérité, ce n'est pas un chiffre - c'est une intensité relationnelle. Une capacité à prendre soin, de soi, des autres, du lieu.

Dans cette perspective, l'infrastructure civique n'est pas seulement un service. C'est un tissu. Elle rend visibles celles et ceux qu'on oublie. Elle stabilise les parcours. Elle réduit l'incertitude. Par sa forme même - modeste, proche, accessible - elle redéfinit ce que peut être une économie : pas une addition de transactions, mais un ensemble de relations soutenables.

4.2 - Budgets participatifs et fiscalité relationnelle

Dans le rapport Les Grands Défis Économiques (Blanchard, Tirole, 2021), une idée revient avec insistance : la transparence fiscale est une condition de la légitimité démocratique. Tant qu'on ne voit pas où va l'argent, on se méfie. Tant qu'on ne comprend pas les choix, on résiste. Cette équation, sur le continent africain, prend un tour local.

L'infrastructure civique permet de la rendre tangible. À travers des jurys citoyens, des comités de quartier, des cercles de planification ouverts, le budget cesse d'être un document lointain. Il devient terrain. Il entre dans les discussions, dans les arbitrages collectifs. Ce n'est plus une donnée technique : c'est un espace politique.

Quand les collectivités adoptent des formes hybrides de gestion - un peu institutionnelles, un peu communautaires, souvent coopératives - une dynamique différente émerge. L'argent n'est plus qu'une ressource. Il devient levier. Et dans cette boucle, entre ce qu'on donne et ce qu'on reçoit, la légitimité se reconstruit. Pas par discours. Par expérience.

Tim Jackson, encore lui, insiste sur ce point : la confiance dans les institutions ne se décrète pas. Elle se gagne. Et elle se gagne là où les politiques publiques soutiennent les interdépendances : soins, accueil, culture, réparation. Là où la dépense devient acte de soin. Geste de lien. Réponse à une attente partagée.

Alors la fiscalité change de sens. Elle n'est plus contrainte. Elle devient engagement. On accepte de contribuer non parce que c'est la loi, mais parce qu'on en voit la trace. On sait à quoi elle sert. On y reconnaît un bout de soi, un bout de son quartier, un bout de ce qui nous tient ensemble.

Et quand les budgets participatifs s'articulent à ces infrastructures vivantes - quand ils s'appuient sur ce qui existe déjà, sur les lieux partagés, les pratiques locales - ils cessent d'être une procédure. Ils deviennent une manière d'élargir la démocratie. Une redistribution qui dépasse l'argent : une redistribution du pouvoir de nommer ce qui compte.

4.3 - Corriger les inégalités spatiales par la densité relationnelle et l'économie du soin

La carte des inégalités n'est pas abstraite. Elle se lit dans l'espace. Elle se ressent dans le corps. Certaines zones concentrent tout - infrastructures, services, mobilité. D'autres, rien ou presque. Déserts médicaux, isolement logistique, invisibilité statistique. Ce n'est pas une fracture passagère : c'est une architecture durable. Un ordre du monde inscrit dans les territoires.

Et dans ces espaces délaissés, les discours de justice spatiale n'ont que peu d'écho si rien ne vient s'y poser. Ce qu'il faut, ce n'est pas simplement distribuer plus. C'est organiser autrement. Amener du lien. Créer de la présence. Ce que certains appellent "proximité", ici, se traduit par un tissu relationnel. Une densité d'échanges. Des formes de présence active.

L'infrastructure civique, là, joue un rôle décisif. Elle ne comble pas un vide par des équipements standard. Elle tisse. Elle relie. Elle s'ajuste aux formes locales. Une école partagée dans un lieu sans administration. Un centre de soins monté avec les moyens du quartier. Un espace commun où se croisent des générations, des métiers, des mémoires.

Ce sont des lieux de soin. Pas uniquement au sens médical. Au sens large : prendre soin d'un territoire, d'un voisin, d'un lien. Ce que Tim Jackson appelle care economy, c'est aussi cela. Une économie fondée sur la relation, sur la répétition, sur la reconnaissance mutuelle. Pas de rentabilité immédiate. Mais une stabilité lente. Un attachement durable.

Ces lieux ne compensent pas les inégalités : ils les travaillent. En leur sein, la notion même de développement change. Ce n'est plus une course à l'équipement. C'est une lente élévation par la confiance, l'interconnaissance, le partage de responsabilités. Ce qu'on gagne, ce n'est pas une ressource. C'est un ancrage. Un rythme. Une manière d'habiter, ensemble.

V. Relier les territoires : l'infrastructure civique comme moteur d'intégration régionale et de solidarité transnationale

5.1 - Interopérabilité territoriale et solidarité régionale

L'intégration régionale ne se décrète pas depuis des traités ou des conférences. Elle commence dans les usages. Dans les circulations concrètes. Entre villes secondaires. Entre marchés frontaliers. Entre pratiques proches, de part et d'autre de frontières dessinées ailleurs. C'est là que se joue une solidarité réelle. Pas dans les communiqués. Dans les habitudes, les réseaux, les gestes.

Et pourtant, les politiques publiques restent prisonnières d'un imaginaire centralisé. L'intégration est pensée depuis le sommet, comme une addition d'États. Peu de place pour les interconnexions locales. Peu d'attention aux liens tissés entre territoires qui partagent une même géographie sociale, une même langue, une histoire migratoire entrelacée.

L'infrastructure civique pourrait devenir le moteur d'une autre logique. Une logique d'interopérabilité. Pas celle des systèmes numériques, mais celle des lieux. Des expériences transférables. Des pratiques adaptables. Des formes de gouvernance qui, sans être uniformes, peuvent dialoguer. Une école coopérative ici peut inspirer une régie de quartier là-bas. Un marché communautaire d'un côté de la frontière peut s'accorder avec son équivalent de l'autre côté.

Ce n'est pas une duplication. C'est une reconnaissance mutuelle. Un alignement partiel, volontaire, ancré. Ce sont ces proximités opérationnelles qui permettent d'envisager une souveraineté partagée. Une souveraineté non concentrée, non exclusive, mais distribuée dans les lieux. Capable de s'appuyer sur des formes de vie concrètes.

Cette approche rompt avec la logique de l'intégration par en haut. Elle privilégie l'horizontalité. Le maillage. Les résonances entre espaces vécus. Ce ne sont pas les institutions qui précèdent les alliances. Ce sont les pratiques qui les rendent possibles. Et dans ce sens, l'infrastructure civique agit comme un langage commun - local, modulable, transmissible.

5.2 - Réseaux apprenants et diplomatie civique

On parle souvent d'apprentissage comme d'un processus linéaire. Un savoir qu'on transmet, un cadre qu'on applique. Mais sur le terrain, les savoirs circulent autrement. Ils s'échangent entre pairs, se recomposent dans l'action, s'adaptent aux contraintes. Ce sont des savoirs mobiles, fragmentés, situés. Et ce sont eux qui font vivre les infrastructures civiques.

Ces lieux ne se contentent pas d'abriter des services. Ils deviennent des espaces d'apprentissage partagé. Pas au sens scolaire. Au sens social. On y apprend à organiser un groupe, à tenir une assemblée, à construire un budget, à gérer un conflit. Ce sont des savoirs discrets. Mais ils circulent. Ils se transmettent par l'expérience, par l'observation, par le tâtonnement.

Dès lors, ces infrastructures ne sont pas isolées. Elles forment des archipels. Des réseaux souples, interconnectés, qui apprennent les uns des autres. Pas en reproduisant. En s'inspirant. En traduisant localement ce qui a fonctionné ailleurs. Une bibliothèque coopérative en inspire une autre. Une mutuelle de quartier partage ses méthodes. On échange des pratiques, pas des modèles.

Ce tissage forme ce qu'on pourrait appeler une diplomatie civique. Pas institutionnelle. Pas verticale. Une diplomatie par le bas, fondée sur la reconnaissance mutuelle des savoirs pratiques. Ce sont des alliances silencieuses, mais actives. Des liens construits entre territoires, sans qu'un État n'ait à intervenir.

Et dans certains cas, ces réseaux viennent pallier ce que les institutions régionales n'arrivent pas à faire. Là où l'intégration formelle piétine, la circulation des savoirs continue. On mutualise des outils, on co-forme, on adapte. On avance, lentement, mais solidement. Pas dans les conférences, dans les coopérations quotidiennes.

Cette diplomatie civique n'a pas besoin d'ambassades. Elle a besoin d'écoute, de réciprocité, de patience. Et d'espaces pour que les initiatives se reconnaissent, se renforcent, s'articulent. Ce sont ces réseaux-là, souvent invisibles, qui redessinent les contours d'une souveraineté habitée. Non pas imposée, mais construite - d'un lieu à l'autre.

5.3 - Vers une souveraineté continentale distribuée

L'intégration régionale n'a pas à suivre le schéma vertical qu'imposent souvent les institutions. Elle peut émerger d'en bas. Non pas comme un bloc, mais comme un maillage. Non pas par décret, mais par tissu. C'est dans les infrastructures civiques que cette autre dynamique trouve appui. À travers elles, les ambitions de la ZLECAf s'ancrent dans les lieux, se traduisent en actions concrètes, portées par celles et ceux qui vivent les frontières au quotidien.

Ce qu'elles rendent possible, ce n'est pas une uniformité. C'est une compatibilité. Une interopérabilité souple, entre formes de solidarité différentes mais connectables. Une souveraineté fragmentée, mais reliée. Construite à partir des pratiques, des coopérations, des projets partagés. Pas dans les sommets - dans les marges, dans les interstices, là où l'Afrique s'organise déjà sans attendre. Mais cette construction répond aussi à une nécessité plus profonde. Un besoin de réparer. De recoudre ce que l'histoire a brisé. Les frontières héritées de la colonisation, les déséquilibres structurels, les rapports faussés au commerce mondial : l'infrastructure civique ne les efface pas, mais elle permet de les travailler. Elle rend possible la négociation. Elle ouvre des voies de cohabitation. Elle donne corps à une souveraineté qui ne cherche pas à dominer, mais à tenir ensemble.

C'est là que résonne le sens profond du panafricanisme. Pas comme un mot d'ordre idéologique, mais comme une pratique quotidienne. Une capacité à prendre soin. De ses territoires. De ses interdépendances. De ses institutions. Ce que Tim Jackson appelle une souveraineté du soin. Loin des logiques d'extraction, loin des injonctions extérieures. Une souveraineté enracinée, lente, patiente. De là peut émerger autre chose. Une Afrique polycentrique. Fédérative. Ancrée dans les lieux et non dans les discours. Une prospérité partagée, sans course à la croissance. Une puissance discrète, mais active, qui se tisse dans les quotidiens. Et qui, pas à pas, esquisse un avenir commun à l'échelle du continent.

Conclusion

Penser l'infrastructure civique, ce n'est pas proposer une alternative technocratique. Ce n'est pas un modèle, encore moins une recette. C'est un déplacement. Une manière de regarder autrement ce qui, souvent, échappe aux radars du développement. Ce qui ne s'évalue pas, mais se vit. Ce qui ne se programme pas, mais se maintient. Au fil des jours. Des usages. Des liens.

Elle n'est pas la solution à tout. Mais elle change les questions. Elle oblige à revenir aux lieux. Aux temporalités longues. Aux savoirs non écrits. À ce qui s'invente depuis le quotidien, loin des grandes infrastructures, loin des récits dominants. Ce qu'elle révèle, c'est la part silencieuse de la souveraineté : celle qui se construit sans déclaration, mais par l'enracinement.

Dans un continent où les ruptures se multiplient - climatiques, politiques, économiques - la résilience ne viendra pas seulement de l'investissement ou de la réforme. Elle viendra de la capacité à préserver ce qui lie. À entretenir ce qui soutient. À reconnaître que la richesse ne se mesure pas toujours, mais qu'elle se ressent : dans un lieu ouvert, dans un soin donné, dans un service accessible.

L'ère nouvelle qui s'ouvre pour l'Afrique ne peut être celle d'une insertion passive dans l'ordre mondial, ni celle d'une dépendance perpétuée. Elle doit être celle d'une maîtrise affirmée de son destin, appuyée sur une gouvernance renouvelée, des institutions souveraines et une vision stratégique du développement. Cette ère nouvelle passera par la capacité du continent à faire émerger un modèle propre, où l'infrastructure civique, en tant que système incarné de services, de savoirs et de solidarité territoriale, devient l'ossature d'un projet africain intégré.

Ainsi, la réussite ne se mesurera plus seulement en croissance, mais en souveraineté consolidée, en puissance économique partagée, en intégration effective des espaces africains. Elle ne sera ni immédiate ni linéaire. Mais elle est à portée, à condition de la penser non comme un aboutissement lointain, mais comme une construction politique et technique en cours, résolument ancrée dans les réalités du XXIe siècle. C'est dans cette voie - exigeante, stratégique, profondément africaine - que réside l'opportunité d'un véritable basculement historique pour le continent.

Cette réflexion n'appelle pas à centraliser, ni à déléguer. Elle appelle à mailler. À relier les échelles. À articuler les communautés et les institutions. À faire circuler, entre les marges et les centres, une puissance discrète, mais décisive. Celle qui vient de l'infrastructure civique. Celle qui rend possible, dans les plis du territoire, une autre manière d'être ensemble.

*Ancien Président du Conseil National Économique, Social et Environnemental (CNESE)-Algérie