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Ta proposition
d'un atelier de discussion n'est pas inintéressante, sauf qu'un débat prend du
temps alors que les événements risquent d'aller plus vite que nous.
Je pense, bien sûr, à ce qui arrive au bled. On assiste depuis ces dernières semaines å un double processus de dégagisme (côté peuple) et d'entrisme (côté institutionnel et côté personnel). L'intervention du chef des armées nous conforte dans l'idée qu'il n'y aura pas de confrontation avec le peuple, l'armée semblant vouloir encadrer les procédures de transition avec ou sans l'actuel gouvernement. Un certain nombre d'opposants ou gens de ladite société civile semblent durcir le ton en invoquant le dégagisme anti-système. Cette posture est candide, mais peu réaliste. Si l'on doit identifier tous ceux qui ont profité du système, aussi bien en haut de la hiérarchie qu'à tous les échelons de la société, il y aura beaucoup de têtes à abattre. De Gaulle, au lendemain de l'amnistie, a changé de stratégie en renonçant à punir tous les traîtres, ce qui aurait fait diminuer, disait-il, la population française de moitié !... Tous les commis de l'Etat de l'Algérie actuelle ne sont pas des malfrats. Il y en a qui ont fait leur boulot autant que faire se peut. Bien sûr, on peut s'interroger sur les magistrats qui, sans être complices du régime, ont été empêchés de sévir contre les prédateurs à milliards visés par les médias depuis vingt ans. Certains ont eu le courage de démissionner, ils ne furent, certes, pas nombreux. Mais nous aussi, avons été lâches d'avoir laissé faire, nous contentant d'en débattre en privé, au café du coin ou à la maison. C'est pourquoi la menace proférée par la rue, de régler les comptes aux prédateurs, est contre-productive, car il faut un long et fastidieux travail d'investigation pour savoir qui a fait quoi, au sein du gouvernement s'entend. Et puis les prédateurs avérés résisteront à mort à leur éviction s'ils se savent poursuivis, alors qu'ils accepteraient volontiers de quitter le bateau en toute sécurité, et de couler des jours heureux avec leur butin placé à l'étranger. Partant de là, il n'est pas inutile d'associer les composantes de l'Etat (pas les ministres ni ceux qui détiennent une fonction politique, mais les directeurs nationaux et régionaux, les walis, etc.) sous réserve d'inventaire. Le fait est que l'Etat nouveau ne naîtra pas ex nihilo, sinon c'est le chaos assuré des mois, voire des années durant (salaires ou retraites non assurés, services publics bloqués, comme la distribution de gaz, d'électricité, d'eau, etc.). On pourrait alors regretter le bon vieux temps de Boutef. Je pense à un gouvernement provisoire d'un an maximum (concocté de fonctionnaires en exercice et de nouveaux venus) qui aura pour triple tâche: 1/ d'assurer les affaires courantes, 2/ de construire une nouvelle Constitution inaugurant la Deuxième République (celle de la légalité contractuelle, se substituant à celle de la légitimité historique) avec le concours de juristes compétents (droit public interne, droit constitutionnel, etc.), 3/ d'organiser de nouvelles élections, encadrées par la nouvelle donne institutionnelle. Les candidats seront alors choisis en fonction d'un éventail ideologico-politique forcément restreint, au contraire de la cour des miracles offerte par les 54 partis issus du pluralisme à la Chadli de 89, où on a vu le parti de la protection des animaux jouxter celui de la mer intérieure ... Pour l'instant, il faut un homme fédérateur, un chef d'orchestre pour faire aboutir cette transition. La rue, que je sache, restera divisée sur le choix d'un leader: d'une part, les leaders canoniques, ceux des partis d'opposition, ne sont apparemment pas en odeur de sainteté (considérés à tort ou à raison comme étant «en rupture de connivence» avec le système); d'autre part, un leadership pouvant sortir des conclaves en cours, en petits comités, ne peut naître sur une base improvisée, et risque de traîner en longueur, jusqu'au pourrissement (voir ce qui se passe d'ailleurs avec les » Gilets Jaunes»). Il faut donc un chef, déjà canonisé par des fonctions régaliennes antérieures, et surtout reconnu comme intègre. Je ne connais que deux oiseaux rares de cette qualité: le premier est Boudiaf en voulant à la fois lutter contre les islamistes et contre ceux qui leur en ont donné naissance, à savoir la mafia politico-militaire (Jacques Attali, alors banquier à Londres, informa discrètement son «ami» Larbi Belkheir de ce que le président Boudiaf était en train de fouiner dans les comptes bancaires détenus en Suisse par certains colonels. Il fut assassiné une semaine après). Le second est Zeroual qui, å défaut d'être assassiné, a été empêché de continuer sa mission d'assainir la situation d'embrasement en s'y prenant autrement que par le ratissage å la hussarde. Je ne suis pas devin, mais il pourrait être l'homme providentiel, sachant qu'il a une double légitimité, auprès du peuple, et auprès de l'armée (pas celle des carriéristes, mais celle des jeunes officiers qui sont majoritaires). Je ne vois pas d'autre solution que celle du réalisme et de la sagesse. Penses-tu que la rue m'entendra ? |
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