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La pratique de
l'enseignement constitue la mission première de toute faculté des sciences de
la santé et la qualité des enseignements dispensés doit être, plus que jamais,
au cœur des préoccupations des enseignants hospitalo-universitaires (HU), des
doyens des facultés de Médecine, des conseils pédagogiques nationaux et des
autorités facultaires.
L'effort pédagogique de toute faculté des Sciences de la santé doit être centré sur les apprenants et les apprentissages d'autant qu'il existe une relation significative entre la qualité de l'enseignement dispensé et l'apprentissage en profondeur réalisé. De plus, toute faculté des Sciences de la santé est responsable de l'ensemble du cheminement pédagogique de ses apprenants et pour toute la durée du cursus de la formation médicale, et dont le but ultime est de fournir à la société des professionnels de la santé compétents et autonomes. En matière de formation médicale, les problématiques des facultés de médecine sont de l'ordre des pratiques pédagogiques, car ces dernières jouent un rôle fondamental dans la qualité des enseignements et des apprentissages. Les pratiques pédagogiques forment un continuum entre les activités, méthodes et stratégies d'enseignement, d'apprentissage et d'évaluation en contexte des Sciences de la santé. À cet effet, si l'un des éléments des pratiques pédagogiques fait défaut, c'est toute la formation médicale qui en subit les conséquences pédagogiques par son impact sur la qualité de l'interactivité et la dynamique des enseignements et des apprentissages, et dont la conséquence est le manque d'attraction des étudiants dans les amphithéâtres. Donc, l'absentéisme des apprenants c'est aussi une question de pédagogie. Évidemment d'autres facteurs environnementaux et socioculturels, gravitant autour de la formation médicale, interviennent fortement pour favoriser l'absentéisme des apprenants des Sciences de la santé. L'absentéisme des apprenants des Sciences de la santé représente un véritable fléau en l'absence des bonnes pratiques pédagogiques. Ces dernières représentent un levier fondamental à l'amélioration de la qualité des apprentissages et des enseignements en milieu de santé. De plus, il y a tout lieu de soutenir qu'enseigner, en milieu de santé, n'est pas aussi simple qu'on le prétend, mais une activité beaucoup plus complexe, car « personne ne commence par bien enseigner, enseigner à l'université ça s'apprend », selon Herbert Kohl. Le but de cette contribution est de fournir des pistes de réflexion sur le phénomène de l'absentéisme dans les amphithéâtres des Sciences de la santé, mais aussi dans un but pédagogique à des fins d'apprentissage au service de la communauté des médecins HU. Pour ce faire, restons centrés sur la composante pédagogique, car l'environnement d'apprentissage, la culture d'apprentissage chez les apprenants, la culture d'enseignement chez les médecins HU, la qualité des programmes disciplinaires, la disponibilité des ressources documentaires, le recours à des ressources documentaires extra-universitaires, la politique de gestion pédagogique par les responsables facultaires, les impacts de l'action syndicale des étudiants, la communication interpersonnelle des médecins HU et surtout la qualité des curriculums de formation joueront également un rôle très important sur l'engagement et la motivation, autant des enseignants HU que celle des apprenants. En effet, un nombre important d'enseignants HU sont aux prises avec des étudiants qui éprouvent des problèmes de motivation, et dans une moindre mesure, ils vivent des difficultés liées à des attitudes et à des comportements particuliers en amphithéâtre. Le degré de motivation des étudiants est à son plus haut à leur arrivée à la faculté de Médecine, mais il se détériore tout au long des études parce que la nature évolutive de la motivation suggère qu'elle peut être liée à des facteurs intérieurs ou extérieurs à l'apprenant. Il est envisageable que les pratiques pédagogiques puissent, à défaut de l'augmenter, contribuer à maintenir le niveau de motivation initial des étudiants. La finalité sociale de toute formation est que l'enseignant enseigne et l'apprenant apprenne. À cet effet et même dans des contextes et des conditions défavorables, le médecin HU a plus de chance de réduire le phénomène de l'absentéisme par des pratiques motivationnelles reliées à la personne de l'enseignant et au processus d'enseignement grâce à des pratiques pédagogiques simples et efficaces. Ainsi, il est difficile d'agir sur les éléments extérieurs et les facteurs peu contrôlables de l'environnement d'apprentissage, car ces dernières ne relèvent ni de l'autorité morale ni de la compétence administrative du médecin HU. Par ailleurs, la qualité de la formation médicale est en net recul malgré les efforts consentis par le corps des enseignants HU, mais cela ne signifie nullement que les anciennes générations de médecins ont été mieux formées que celles d'aujourd'hui, pédagogiquement parlant. Il est d'emblée important de signaler que les enseignants HU ne sont pas responsables du recul de la qualité de la formation médicale en Algérie, car malgré un contexte très défavorable, il est important de leur rendre hommage tout en continuant à s'investir en enseignement et dans la formation médicale. Pour ce faire, il est plus que fondamental de valoriser autant le statut des enseignants HU, l'acte d'enseigner et les pratiques pédagogiques en contexte des Sciences de la santé. De plus et étant responsables en partie de la motivation des apprenants, les enseignants HU sont très engagés à s'investir pour procurer des apprentissages et des enseignements de qualité, mais ils n'utilisent simplement pas les bons outils pédagogiques pour y parvenir, en l'absence de formation en pédagogie des Sciences de la santé. Il est également important de signaler d'emblée que ce n'est pas l'expertise ou les connaissances disciplinaires des enseignants HU qui sont mises en cause, mais les processus d'enseignement en termes des stratégies et d'encadrement pédagogique des apprentissages, car l'enseignement se décline souvent selon un modèle traditionnel basé sur la transmission quantitative des connaissances au sein d'exposés magistraux unidirectionnels. De plus, l'acte d'enseigner est souvent plus ou moins planifié, voire improvisé, et parfois fait appel au bon sens et à l'intuition. Le bonheur de tout médecin HU est de procurer un enseignement de qualité, interactif et dynamique à ses apprenants. Pour ce faire, le nouveau paradigme stipule que la connaissance ne se transmet pas, car la tête de l'apprenant est une boîte noire. La connaissance se construit grâce à des activités d'apprentissage variées d'autant que l'apprentissage découle de la participation des apprenants, à chaque séance de cours et cela, quelle que soit la méthode d'enseignement. Les qualités personnelles d'un enseignant HU renvoient à des dimensions affectives qui font appel à la relation pédagogique notamment les attitudes à l'égard des étudiants et la communication interpersonnelle. En effet, la qualité des relations avec les étudiants conditionne le climat en amphithéâtre, favorise l'adhésion et la motivation des apprenants, et accentue et renforce l'autorité morale et pédagogique de l'enseignant HU parce qu'elle repose sur la confiance et le respect. Selon une enquête sur les caractéristiques de l'enseignant HU qui favorise l'engagement et la motivation des étudiants, l'enthousiasme pour la matière et l'enseignement sont arrivés en première place. Les autres éléments qui figuraient dans la liste étaient : la pertinence de la matière, une organisation adéquate de la matière, un niveau de difficulté approprié du contenu, l'implication active des étudiants, la variété des activités d'apprentissage, l'établissement d'une relation pédagogique avec les étudiants ainsi que l'utilisation d'exemples appropriés, concrets et compréhensibles. Du côté du contexte général des apprenants, ces derniers ont comme but ultime les passages des différents paliers et modules disciplinaires pour l'obtention de leur diplôme de médecine, et se consacrent par la suite au concours de résidanat. À cet effet, l'évaluation des apprentissages pourrait jouer un rôle de levier efficace à promouvoir des apprentissages selon les normes docimologiques en vigueur. Pour ce faire, les modes et les outils d'évaluations des apprentissages doivent être adaptés à la réalité du terrain de la formation médicale et en tirer profit de ce contexte, car les apprenants sont devenus stratégiques et ils apprennent selon les outils docimologiques d'autant que le modèle d'évaluation le plus fréquent est le mode sanctionnant à la fin de chaque programme disciplinaire. Par principe, l'évaluation doit être au service des apprentissages et non pas un outil de contrôle ou de sanction. Pour ce faire également, il est important d'adopter une évaluation formative, continue et soutenue par de la rétroaction efficace à partir du référentiel des compétences. Ces dernières sont évaluées par une panoplie d'outils d'évaluation classique et moderne pour couvrir l'ensemble des compétences acquises et développer chez l'apprenant, d'où le double intérêt de former les enseignants HU à l'évaluation des apprentissages et à varier les outils d'évaluation des apprentissages. Hélas, l'outil d'évaluation sous la forme de questions à choix multiples (QCM) est le plus répandu. Il évalue souvent les connaissances factuelles et les connaissances de base lorsqu'il est bien construit alors que la pratique médicale est basée sur la résolution de problèmes grâce au processus de raisonnement clinique (RC). Ce dernier est le fondement au cœur de la pratique médicale des professionnels de la santé. Il ne suffit pas de résoudre un cas ou un problème clinique, mais de démontrer les habiletés de RC à synthétiser puis à exploiter les informations obtenues pour prendre des décisions diagnostiques, d'investigation et thérapeutiques. Le RC est très peu évalué par l'outil QCM. De plus, les banques des QCM sont recyclées à chaque examen et concours. Elles sont connues des apprenants et font office d'activité commerciale juteuse, car on peut se les procurer juste à côté de chaque CHU. Finalement, oui l'absentéisme dans les amphithéâtres des Sciences de la santé, c'est précisément une question de pratique pédagogique qui nécessite un investissement en formation à la pédagogie pour être levier contre ce fléau. Hélas, l'absence de valorisation de l'acte d'enseigner et de la reconnaissance institutionnelle de l'investissement en enseignement constitue une barrière ou un obstacle majeur à l'implication et à l'engagement volontaire des enseignants HU à se former en pédagogie, car selon Elbe « enseigner et apprendre sont des activités interchangeables. On ne peut enseigner sans apprendre et on ne peut apprendre sans enseigner ». *Docteur. Conseiller et concepteur en pédagogie des sciences de la santé **Docteur. Faculté de médecine d'Alger |
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