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« Maintenant l'homme a les
deux coronavirus dans le sang et ils se multiplient dans ses voies
respiratoires. Et leur matériel génétique se mélange. Un nouveau coronavirus
est né. Un virus qui se transmet facilement et qui cause une maladie très grave
» Déon Meyer
Le Covid-19 a remis les pendules à l'heure. Chacun pour soi et Dieu pour tous. L'heure est au confinement lugubre, à la distanciation sociale, à l'hygiène corporelle, à la protection individuelle. Les Etats se bousculent, les peuples s'affolent. La famine pointe à l'horizon. La mort ou la misère? L'économie mondiale ralentit, le pétrole ne trouve plus preneur, les denrées alimentaires ne s'exportent plus, leurs prix flambent, les dirigeants s'affaissent. Ils attachent leur ceinture de sécurité, s'occupent des détails, oublient l'essentiel, fuient leurs responsabilités, se réfugient dans le mensonge. D'un menu « dopé » à cent dollars à un menu « infecté » à dix dollars, de la viande sucrée à la chorba sans sel, de la « zerda » à la « touiza », de la manifestation de rue à la retenue dans la maison, de la zizanie à la tyrannie, de la tyrannie au confinement, du confinement au défoulement, l'Algérie se cherche encore et encore. D'une agriculture tournée vers la Méditerranée à une agriculture dévitalisée par le Sahara ; des « bidonvilles » des années 60 à des béton-villes » des années 2000. Depuis près d'un demi-siècle, l'approvisionnement en nourriture et en médicaments des villes et des campagnes est tributaire des revenus pétroliers et gaziers et du marché international. D'une « urbanisation » sauvage des campagnes à l'orée de l'indépendance et à la faveur d'une manne financière providentielle, on assiste à une « ruralisation » rampante des villes affamées et assoiffées. La responsabilité des élites militaires et civiles est pleinement engagée. L'indépendance n'est pas un butin de guerre à partager mais une responsabilité à assumer. Le noyau dur du pouvoir postcolonial est constitué des éléments de l'Armée et de l'Administration. En effet, la colonisation, en excluant les Algériens du système économique, social et politique, a empêché la formation d'une bourgeoisie nationale dynamique. La bourgeoisie capitaliste autochtone, de par sa position subordonnée et sa faiblesse ne pouvait jouer un rôle fondamental dans le processus de construction de l'Algérie indépendante. Ce rôle incombe à l'Etat, c'est-à-dire à l'administration. Face à la désorganisation de la société civile, à son manque de dynamisme tributaire de la colonisation, seul l'Etat constitue une entreprise structurée, rationnelle, efficace, capable de relever le défi de la modernisation économique L'Etat apparait dans ces conditions comme le seul instrument de gestion et se substituant aux individus et au groupe, leur impose sa propre conception des choses par les décisions qu'il prend à leur place. L'organisation sociale étant ainsi faite favorise la dynamique d'un processus de transfert des pouvoirs de la base et de leur centralisation au sein des appareils de l'Etat. N'ayant pas d'autres moyens d'intervention que par la transmission d'ordres formels, l'Etat multiplie les lois, les décrets, les circulaires et les organes de contrôle créant de toutes pièces un système tentaculaire administratif : la bureaucratie étouffant toute initiative de production ou d'investissement. Faut-il changer de fusil d'épaule? Rien n'est moins sûr. Les forces de l'inertie sont prépondérantes, les force vives insignifiantes. «Il faut écouter les vieillards. Il y a toujours dans ce qu'ils disent un peu de vérité. Mais il ne faut leur obéir, car ils ont perdu ce qui faisait la force, la jeunesse » Auguste Detoeuf. Une opération de légitimation du pouvoir n'implique que les buts fixés ainsi que les moyens utilisés pour les atteindre soient en harmonie avec les buts et les moyens reconnus par la société. Cela suppose qu'un discours cohérent exprime cette harmonie. La solution : enterrer et faire le deuil du consensus social primitif (statu quo) pour un suicide collectif et amorcer un débat pour la réalisation d'un nouveau consensus (changement) pour un sursaut collectif salutaire. Dans un pays évolué, économiquement développé où les citoyens «libérés de la peur et de la tyrannie» participent légalement et individuellement à leur destin collectif comme l'ont montré admirablement les Turcs pétris par une civilisation ancestrale, l'Etat correspond à leur état, à leur degré d'évolution physique et mentale. Par contre dans un pays chômé et payé, les institutions sont des coquilles vides. Elles ne sont que des courroies de transmission des ordres venus d'en haut. Elles ont été créées ex nihilo. Elles ne doivent rien aux citoyens, elles doivent tout au pouvoir. Elles ne sont pas financées par la contribution des citoyens mais par la confiscation des richesses énergétiques. L'Etat n'est jamais responsable de l'organisation collective, de ses pouvoirs de gestion ou de discipline, de ses moyens de contraintes ou de progrès, mais bien les hommes qui l'ont conduit là où il en est, qui le fabriquent, le consolident ou l'affaiblissent, le supportent ou le condamnent. L'Etat vaut ce que valent les citoyens. « Les hommes ont l'Etat qu'ils méritent». Nous avons les dirigeants que nous méritons car nous sommes un peuple dont on peut acheter la conscience et que l'on peut tromper impunément et indéfiniment. Comme disait Pascal : « On nous traite comme nous voulons être traités ; nous haïssons la vérité, on nous la cache ; nous voulons être flattés, on nous flatte ; nous aimons à être trompés, on nous trompe ». Un pouvoir qui dispose sans retenue d'une manne pétrolière et gazière sans rendre compte à personne n'a pas besoin de citoyens mais de sujets qui attendent tout de lui. Si l'on veut réaliser la possibilité de l'Algérie de rompre avec le syndrome autoritaire, une analyse en profondeur des rapports entre les élites et le peuple est indispensable Les réflexes et les ambitions de la puissance publique sont toujours le reflet de la nature des hommes qui en ont la charge. En Algérie l'Etat n'est pas un arbitre, il est partie prenante des conflits Si l'Etat est apparemment amoral voire immoral dans son action, c'est-à-dire dans ses lois, dans ses procédures et dans les fins qu'il poursuit, c'est que les hommes, tour à tour responsables de ces lois, de ces procédures et de ces fins y ont projeté leur propre égoïsme, leur appétit de puissance et leurs propres carences. C'est à l'ombre d'une économie rentière que prospèrent des régimes autoritaristes. C'est sur une classe laborieuse que s'adosse une démocratie. A la différence de la dictature, elle n'est pas gratuite, elle est payante. Elle ne tombe pas du ciel, elle s'arrache à la terre. Le travail est un pesticide à la dictature et un fertilisant à la démocratie. Une population tiraillée entre la stabilité politique prônée par le régime s'appuyant sur l'adage «mille ans de tyrannie valent mieux qu'une minute d'anarchie» et la quête d'une dignité en se détachant du système militaro-rentier en vertu du principe « mieux vaut vivre un jour debout que toute une vie à genoux pour ne pas dire à plat ventre ». Tout système qui prétend imposer d'en haut le bien de tous malgré toutes les résistances se transforme en oppression dont la violence (même au sein des familles) et la gabegie (au plus haut sommet de l'Etat) en sont les résultantes. Questions : est-il certain que l'Etat autoritaire soit le meilleur constructeur de la nation? Est-il certain que les populations sont incapables de voir où se trouvent leurs intérêts ? Est-il certain qu'elles sont incapables d'accepter les sacrifices que la construction de la nation exige ? Ces populations seront-elles nécessairement plus incapables que les élites qui prétendent être les authentiques interprètes de leurs intérêts? Malheureusement, les peuples sont résignés, il faut survivre et donc se taire. Mais la liberté n'est pas morte, elle attend son heure. Car « Sans liberté, il n'y a pas de dignité ; sans dignité, il n'y pas de justice et sans indépendance, il n'y a pas d'hommes libres » (clamé Patrice Lumumba). Un peuple sans dignité est un peuple sans avenir. Les seules perspectives rassurantes pour le peuple algérien est de vaincre sa peur et de gagner sa vie à la sueur de son front c'est-à-dire rompre pacifiquement mais énergiquement avec l'Etat militaro-rentier maniaco-dépressif prisonnier du sein maternel et de la camisole de force passant de l'euphorie à la violence qu'il est difficile de stabiliser souffrant d'une maladie incurable dont l'issue est fatale. A suivre |
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