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Des campagnes de ramassage ont lieu régulièrement: Ces enfants SDF qui squattent les rues

par Rachid Boutlélis

Combien sont-ils ces enfants à Oran, ou dans d'autres villes du pays, qui errent dans les rues parce que, pour la plupart, ne disposant pas de domicile fixe ? Aucune institution n'a malheureusement pu se prononcer avec exactitude sur leur nombre.

Aucune statistique n'a pu être établie à cet égard, en partant du principe que l'on ne saurait inclure dans des données officielles une situation qui n'est pas censée exister.

Les services de police de la sûreté de wilaya ont procédé au ramassage de 210 enfants à Oran à l'issue de plusieurs opérations menées au cours de l'année dernière. Il y a quelques jours, d'autres enfants ont été ramassés au niveau des arcades de la rue Larbi Ben M'hidi. Ces enfants ne sont en fait que l'arbre qui cache la forêt car ils sont beaucoup plus nombreux et leur nombre va crescendo au fil des jours.

Afin de tenter de juguler ce phénomène, les services de police ont donc mis les bouchées doubles à travers une autre opération de grande envergure de ramassage dans les rues et artères de la ville. Selon des sources proches de ce dossier, les parents, quand ils sont identifiés, sont convoqués par les enquêteurs de police chargés de ce volet. Ils sont astreints à expliquer la présence de leurs enfants à des heures indues et en permanence dans les rues de la capitale de l'Ouest. Ceux dont les parents ne se sont pas manifestés pour diverses raisons, sont placés dans les centres spécialisés, notamment celui pour garçons sis à la cité Djamel. Ils seront orientés ultérieurement en fonction des résultats des procédures judiciaires initiées dans ce contexte parallèlement à cette opération.

Un grand nombre de ces enfants a intégré le monde du travail à un âge précoce, sans parler de ceux qui ont carrément versé dans la petite délinquance. Leur recensement pose d'énormes problèmes à Oran à l'instar des autres villes du pays. Même certains pays développés, qui s'efforcent de recenser ces enfants sans domicile fixe, ont buté sur de grosses difficultés. La principale raison est qu'une grande partie de ce travail est « invisible», cachée dans le secteur non structurel, à l'intérieur des maisons, au foyer même de l'enfant ou encore dans les champs. Dès lors, les estimations peuvent présenter d'énormes différences. Toujours est-il que le phénomène des enfants sans domicile fixe, SDF, ou/et travailleurs à Oran, est constaté de visu dans les marchés et autres endroits publics. C'est généralement la pauvreté qui pousse ces bambins à travailler, avec l'accord de leurs parents dans la plupart des cas, qui sont en majorité chômeurs ou sous-employés, ou encore à la recherche d'un travail avec un revenu sûr.

 L'ironie du sort veut que c'est à leurs enfants qu'on offre des emplois, car faciles à exploiter et ne rechignant pas devant un salaire dérisoire. « J'ai proposé à son père un travail dans mon atelier de confection. Je lui ai fait comprendre qu'il ne sera pas assuré et évidement non déclaré à la caisse de retraite. Moi-même j'exerce dans la clandestinité», a confié le gérant d'un atelier, installé dans un quartier populaire de la ville, qui emploie des mineurs des deux sexes.

Ce cas n'est pas isolé à Oran, où des dizaines d'enfants se font exploiter dans des usines et dans d'autres secteurs. Certains transporteurs privés font également appel à des adolescents en qualité de receveurs, sans se soucier manifestement des conséquences.

Le regard éveillé et constamment aux aguets, certains commencent à sillonner, dès les premières heures de la matinée, les rues et les cités de la capitale de l'Ouest. Leur mission est de faire les poubelles et autres dépotoirs pour ramasser des objets recyclables ou du pain rassis qu'ils fourgueront à leurs exploiteurs. Ces derniers, installés généralement dans les localités limitrophes de la ville, leur offrent en contrepartie le gîte et la nourriture avec, évidement, une ponction sur le prix du produit rapporté. Selon des recoupements d'informations concordantes, ces enfants sont issus en général de familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté, ou/et abandonnés dès leur jeune âge par leurs parents pour de multiples raisons relatives à de fâcheux concours de circonstances.

Cet état de fait a été constaté par les policiers chargés de la mission de ramassage, qui ont aussi relevé qu'un grand nombre de ces enfants n'a jamais mis les pieds dans un établissement scolaire. «Je n'ai jamais connu mon père. Ma mère m'a confié à une femme alors que j'étais encore bébé. Au début, elle venait de temps à autre me voir et donner de l'argent à la femme. J'avais à peine 6 ans lorsqu'elle a subitement cessé de venir me voir. Je n'ai plus entendu parler d'elle depuis. La bonne femme à laquelle m'a confié ma mère m'exige de travailler pour payer ma nourriture et le gîte, au même titre que d'autres enfants vivant chez elle et qui ont été abandonnés par leurs parents », a confié un jeune revendeur de sachets, âgé d'à peine 11 ans. Nombre d'enfants qui lui ont été confiés, plus de 20 ans auparavant, vivent toujours sous son toit. Elle a même réussi à unir deux couples d'enfants abandonnés, qui viennent lui rendre visite à l'occasion.

Près d'une centaine d'enfants, nés hors mariage et abandonnés par leurs parents, sont pris en charge chaque année par la direction de l'action sociale de la wilaya d'Oran. Certains sont placés dans des structures d'accueil au titre de la kafala et d'autres sont confiés à des familles postulantes. Un nombre dérisoire a été finalement récupéré par leur mère biologique.

Il importe de signaler dans ce contexte que des cellules de veille ont été installées dans le cadre d'un plan national pour la lutte contre la délinquance juvénile. Ces cellules sont assignées à porter assistance aux enfants abandonnés et les prévenir contre les dangers de la rue. Des possibilités de formation professionnelle en faveur des enfants exclus du cursus scolaire sont également incluses dans ce plan.