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La PME «moteur principal de la croissance»

par Brahim Lakhlef*

La stratégie d'un développement économique d'une nation, soutenue par une croissance continue, nécessite des moyens financiers, des investissements et des compétences. L'entreprise est au centre du dispositif visant l'évolution économique. Elle constitue un outil stratégique, vital et primordial dans toute économie qui se donne comme objectifs un développement réel, dynamique et durable. Elle est l'instrument incontournable pour la création des richesses d'un pays, pour une croissance continue et soutenue et pour la création d'emplois.

Les PME (petites et moyennes entreprises) constituent la majorité des entreprises d'un pays et possèdent un rôle considérable dans l'économie. En Algérie, le nombre des PME, à fin juin 2022, est de 1.320.664 PME, employant 3.220.661 salariés. Sur les 1.320.664 entités recensées, 56,19% sont constituées de personnes morales, le reste (43,79%) est composé de personnes physiques, 20,18% de professions libérales et 23,62% d'activités artisanales. Les PME contribuent en moyenne pour 55% du PIB hors hydrocarbures et réalisent en 2020, une VA de 10.626.46 milliards de dinars1.

Le nombre de PME/1.000 habitants est de 28 en Algérie, un niveau assez faible par rapport à la moyenne mondiale qui est de 45 PME/1.000, le Portugal 108, Slovénie 115, moyenne européenne 64 PME/1.000 habitants.

Dans l'Union européenne, par exemple, 99% des entreprises sont des PME qui emploient plus de 60% de salariés, participent à 53% dans la constitution de la valeur ajoutée et à plus de 45 % du chiffre d'affaires, 85% de nouveaux postes créés annuellement proviennent des PME.

L'OCDE considère fondamentalement la PME comme «une source considérable d'emplois et de revenus, mais aussi le moteur d'innovation et de croissance».

Le dynamisme des PME et leur capacité à s'adapter à la conjoncture placent ce type d'entreprises au centre de tout dispositif de développement et de croissance ou de lutte contre la crise.

Il n'y a pas de définition de PME universellement reconnue, la distinction des PME des autres entreprises, reposait initialement sur le nombre de salariés. Le volume du chiffre d'affaires et le total du bilan ont été intégrés par la suite, comme critères permettant de faire une classification des entreprises.

Des seuils ont été délimités facilitant une définition assez complète basée sur des critères mesurables qui établissent une distinction entre la petite et moyenne entreprise (PME), l'entreprise à taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises. Voyons quels sont les critères qui définissent une PME ?

La loi d'orientation sur le développement et la promotion de la petite et moyenne entreprise (loi N°17-02 du 10-01-2017) retient les critères suivants pour définir une PME : avoir entre 1 et 250 salariés, un chiffre d'affaires ne dépassant pas 4 milliards ou un total bilan annuel inférieur ou égal à 1 milliard et respecter les critères d'indépendance.

Cette loi a retenu des objectifs forts intéressants visant l'impulsion de la croissance des PME, l'amélioration de l'environnement et du taux d'intégration, la promotion de la sous-traitance, l'évolution de la compétitivité, la promotion de la culture entreprendre, l'innovation et l'accès au foncier et au financement.

Tenant compte des spécificités des PME, de leur dynamisme, de leur rapidité à s'adapter aux contraintes conjoncturelles, il est important de réserver à la PME une place primordiale dans les plans de croissance économique.

En effet, dans un environnement adéquat et favorable, l'entreprise produit, crée des emplois, investie et paye ses impôts, l'économie du pays se porte bien, le chômage baisse, la croissance et le niveau de vie s'améliorent, les recettes de l'Etat augmentent, la paix sociale est assurée, le gouvernement a atteint ses objectifs les plus nobles.

Par conséquent, l'entreprise devrait être au centre des préoccupations des dirigeants d'un pays et constituer l'épine dorsale de toute stratégie de croissance et de développement.

La démarche retenue par l'Union européenne pourrait nous être utile et constituer une référence ou un modèle à étudier et à adapter à l'environnement économique algérien. La qualité et l'efficacité des objectifs sélectionnés et leur impact immédiat sur la réalité des PME confirment la pertinence de cette démarche.

La Commission européenne a adopté un «Small Business Act», en quelque sorte une loi-programme applicable dans tous les pays de l'Union, comprenant des options stratégiques, des mesures concrètes et des objectifs à atteindre selon un échéancier.

Cette manière de faire est crédible et permet une évaluation mesurable pour éviter tout bilan irréaliste, comme c'est le cas, dans beaucoup de pays sous-développés.

Le «Small Business Act»2 européen (le SBA), est un dispositif dont l'objectif principal est de faciliter la vie aux PME, assurer leur promotion, faciliter leur financement, réduire leurs charges et placer les besoins des PME dans le centre des politiques de l'Union, conformément au principe : «Penser PME d'abord». Cette démarche devrait devenir «la norme» dans la définition des politiques économiques des pays européens.

Le «Small Business Act» vise à inciter les pays de l'Union à développer des politiques favorables aux PME.

Nous résumons succinctement les principes retenus par la commission et les mesures préconisées pour transformer ses principes en actions stratégiques.

1. Créer un environnement favorable à initiative, à la création d'entreprise où l'esprit d'entreprendre est récompensé.

2. Les PME qui déposent le bilan, mais dont la faillite est justifiée, auront des aides pour se relancer ou créer une nouvelle affaire. Une seconde chance est accordée aux gestionnaires ou propriétaires de ces PME en difficulté ou en faillite.

3. Rendre le principe «Priorité aux PME» effectif par la promulgation d'une réglementation qui agit favorablement sur l'environnement au profit des PME.

4. Assurer la réactivité des administrations aux besoins des PME. Etre attentif à leurs difficultés et réagir efficacement comme soutien permanent aux entreprises.

5. Adapter les outils des pouvoirs publics aux besoins des PME, notamment en leur facilitant l'accès aux marchés publics.

6. Assurer une meilleure exploitation des dispositifs d'aides au profit des PME.

7. Faciliter l'accès des PME au financement par l'amélioration et l'adaptation des différents instruments et en créant de nouveaux mécanismes.

8. Faire en sorte que le marché unique soit un espace d'opportunités concrètes pour le développement et l'expansion des PME de l'union grâce à une meilleure information et concertation sur les marchés.

9. Promouvoir la formation, l'adaptation des qualifications et l'innovation, facteurs déterminants pour l'amélioration de la compétitivité des PME et l'accès aux nouveaux créneaux.

10. Transformer les défis environnementaux en opportunités et non en contraintes.

11. Aider les PME à tirer profit de la mondialisation du commerce en améliorant constamment leur compétitivité.

La commission a retenu des actions à appliquer à court terme, par exemple, réduire les charges administratives de 25%, limiter les délais de paiement, faire en sorte que les délais de constitution d'une PME ne dépassent pas une semaine, créer des bureaux d'information et de soutien placés en Inde et en Chine, deux gros marchés émergents offrant des opportunités d'exportation.

Tenant compte de l'importance et du rôle d'une entreprise dans l'économie, Günter VENHEUGEN, ancien vice-président de la commission chargée des entreprises et de l'industrie de l'Union européenne qualifiait les entrepreneurs et les entreprises «de l'ADN économique pour développer la compétitivité et l'innovation en Europe».

Cette formule explique, à elle seule, la place réservée à l'entreprise et à l'esprit d'entreprendre dans l'économie et la stratégie économique de l'Union européenne.

La récente crise financière a démontré et a confirmé que le rôle des entreprises est fondamental dans l'économie, notamment le pouvoir qu'assument les PME dans la dynamisation de l'activité et le maintien ou la création des postes de travail.

Mais, leur capacité financière et la forte dépendance de l'évolution du marché les fragilisent dans les conjonctures très difficiles. C'est pourquoi, les pouvoirs publics doivent être très attentifs à l'évolution des PME.

Ces spécificités qui caractérisent les PME, expliquent la réaction rapide et énergique des pays de l'Union européenne, durant la crise financière de 2009, à mettre en place un dispositif d'aide et de soutien aux PME avec un suivi quasi-quotidien. C'est une question vitale pour l'économie d'un pays et la reprise de la croissance. En outre, le climat des affaires est très sensible aux mesures gouvernementales et peut contribuer au dynamisme des entreprises, comme il peut constituer un facteur de blocage, de contre-performances et d'étouffement de toute initiative innovante.

C'est pourquoi, la qualité managériale d'une entreprise et la qualité de la gouvernance d'un pays sont intimement liées. La cohérence et la complémentarité entre ces deux facteurs conduisent à la concrétisation des objectifs stratégiques des programmes de développement, notamment une croissance élevée et continue.

*Brahim Lakhlef (économiste) - Diplômé en économie, auteur de plusieurs ouvrages, notamment : la gestion d'une entreprise en difficulté (El-Djazairia-éditions), le tableau de bord pour piloter votre entreprise (Baghdadi-éditions).

1. Source : Bulletin d'information statistique de la PME. Ministère de l'industrie.

2. Site de l'OCDE et de la Commission européenne sur le SBA.