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Ce vendredi, la lune fait sa coquette

par Sid Lakhdar Boumédiene*

Le soir de ce vendredi 27 juillet le ciel va se parer d'un très beau bijou, une lune qui fera sa coquette, toute maquillée d'un rouge magnifique. Un événement très rare dans le ciel, une éclipse de lune va apparaître, la dernière s'étant produite en 2011. On dit qu'il s'agit d'une « Lune rouge ».

Mais cette fois-ci, la belle dame nous offrira le spectacle le plus long durant tout le 21ème siècle puisque les calculs astronomiques nous permettent une telle précision dans la prévision, soit près de 103 minutes en Europe et dans les régions avoisinantes. En comparaison, le 4 avril 2015 nous avions eu une éclipse de Lune qui sera la plus courte du siècle puisqu'elle n'aura duré que 4 min et 48 s.

Le phénomène sera plus ou moins visible en fonction des régions d'observation sur la Terre et se déroulera durant toute la soirée du vendredi jusqu'à samedi. En Afrique et en Asie, les populations auront droit jusqu'au maximum du processus soit près de quatre heures même si le cœur du phénomène ne durera pas plus que dans les autres régions du monde. De plus, contrairement à une éclipse du Soleil, celle de la Lune se déroule au même moment pour tous les observateurs.

La Terre a eu droit à une éclipse du Soleil ce 13 juillet 2018 mais hélas circonscrite à l'Antarctique Nord. Peut-être un avant-spectacle que la nature a voulu réserver aux sympathiques manchots. Cette fois-ci les billets sont offerts à une grande partie de l'humanité et la vedette en sera la Lune. Et comme pour une éclipse solaire, on verra l'ombre de la Terre mordre les bords de l'astre et apparaître sa rondeur qui progressivement avalera l'ensemble de la surface lunaire, un prélude à l'éclat de la couleur rouge de cette dernière.

Nous avons l'habitude d'observer la rougeur du satellite de la Terre, un phénomène qui se produit lorsque l'orbite de l'astre est très basse dans l'horizon, c'est alors la « Lune rousse » car la rougeur n'est pas dans sa force ultime comme dans une éclipse de Lune. Dans ce dernier cas, celui de vendredi, c'est ce même processus qui se produira mais il s'agira d'un alignement du Soleil, de la Terre et de la Lune et que notre planète s'interposera entre les deux autres. La couleur rouge sera bien affirmée lors de cette configuration astrale très rare et particulière.

La Lune se trouve alors privée de la lumière du soleil et reste plongée dans l'obscurité. En fait l'absence de lumière n'est pas totale car les rayons continuent d'atteindre la Lune à travers l'atmosphère de la Terre. Et dans ce cas, le filtre ne laisse passer que la gamme du rouge en bloquant celle du bleu. L'atmosphère se comporte ainsi comme un prisme qui réfracte la lumière mais à cette différence qu'il est sélectif dans le passage des couleurs issues de la fragmentation classique de la lumière blanche.

C'est d'ailleurs pour cela que la couleur rougeâtre sera plus ou moins affirmée car tout dépend des nuages et de la qualité de l'atmosphère. La palette des couleurs peut donc être variée. Une certitude, l'éclipse du 27 juillet rendra la Lune assez sombre car l'astre est à son apogée, c'est à dire dans sa distance la plus éloignée de la Terre et passant très proche du centre de l'ombre.

Ce vendredi, le ciel va donc nous offrir l'un de ses plus beaux spectacles pour ceux qui ont la chance d'être dans les zones géographiques privilégiées. Nous savons ce que ces phénomènes ont pu produire comme terreurs et rites sociaux à travers l'histoire humaine, rappelons quelques cas très rapidement.

Les grecs anciens pensaient que ces éclipses de Lune étaient dues aux visites que rendait Artémis (déesse de la Lune) à Endymion (roi d'Élide), son amant, dans les montagnes de Carie (l'actuelle Turquie). Comme tous les phénomènes cosmiques rares, les grecs anciens associaient l'éclipse de la Lune au présage de malheurs et ce fut toujours le cas pour les mythes des civilisations qui suivirent.

Tous les phénomènes extraordinaires supposaient la même interprétation d'annonce d'un malheur. Les Hébreux considéraient l'éclipse de la Lune comme l'interposition de la colère de Dieu d'où le nom « épée de sang ». Le peuple scandinave pensait que la Lune et le Soleil étaient un frère et une sœur. Ils marchent vite, une explication conséquente à l'observation de leur course dans le ciel, car poursuivis par deux loups féroces qui veulent les dévorer. Mais c'est surtout un monstre redoutable, Managarmer, qui dévore les êtres humains en y associant parfois la Lune et répand ainsi sur elle un flot de sang.

Nous retrouvons dans de nombreuses autres cultures des interprétations de ce même type, depuis le Lapon jusqu'aux confins de l'Asie, sans oublier les cultures précolombiennes (Civilisations d'Amérique centrale et du Sud avant l'arrivée de Christophe Colomb). Il est ainsi heureux que la science ait fait son œuvre pour nous offrir un grand spectacle sans que nous soyons obligés d'être envahis de terreur et de questionnements qui n'ont plus lieu d'être.

Un ballet va nous être offert et, contrairement à une éclipse solaire, il n'y a aucune précaution à prendre pour les yeux, le spectacle peut se voir à l'œil nu, à condition que le ciel soit dégagé. Nul doute que ceux qui possèdent des jumelles s'en serviront et que les astronomes amateurs se serviront de leurs lunettes afin de jouir d'un moment qui fait partie de leur passion du ciel. Pour les autres, particulièrement dans les régions où l'angle d'observation n'est pas propice, il restera les images sur Internet, en direct sur de nombreux sites. Mais ce 27 juillet un autre événement se couplera au spectacle, le rapprochement de la planète Mars, une concomitance heureuse qui ajoutera une touche supplémentaire de curiosité à l'égard du phénomène céleste. Du fait de sa distance la plus rapprochée de la Terre, Mars sera 1,8 fois plus brillante que la Lune et son diamètre aura l'impression de grossir pour la rendre encore plus visible qu'elle ne l'était.

Cependant des rumeurs persistantes sur le web avaient annoncé qu'elle apparaîtrait aussi grosse sinon plus volumineuse que le satellite de la Terre. Il n'en sera rien, la fausse rumeur n'a aucun fondement. Mars sera un point aussi distinctif qu'une grosse étoile, ce qui suffira à ravir les amoureux du ciel et de la science. C'est d'ailleurs pour cette raison que la manifestation estivale « La nuit des étoiles », qui dure en fait du 2 au 6 août, mettra particulièrement la planète Mars à l'honneur puisque celle-ci sera au plus proche de la Terre pour une observation plus aisée.

Régalons-nous de ce spectacle grandiose du ciel qui n'est là que pour nous enchanter et dont nous n'avons à craindre que de succomber à sa beauté.

*Enseignant