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Promotion de l'emploi entre objectifs et résultats

par M. T. Hamiani*

S'agissant du nombre de la population en chômage, et selon l'ONS, il a été estimé à 1,378 million de personnes (contre 1,440 million de personnes en septembre 2017 et 1,508 millionde personnes en avril 2017).

Le taux de chômage a atteint 9% auprès des hommes et 19,5% chez les femmes, tandis que des disparités significatives sont observées se lon l'âge, le niveau d'instruction et le diplôme obtenu. Le taux de chômage des jeunes de la tranche d'âge 16-24 ans a ainsi atteint 26,4% contre28,3% en septembre 2017,soit un recul de 1,9 point. Par ailleurs, la répartition des chômeurs selon le diplôme obtenu fait ressortir que 680.000 chômeurs n'ont aucun diplôme, soit près de la moitié de l'ensemble de la population en chômage(49,4%). Sur l'ensemble de la population en chômage, les diplômés de la formation professionnelle en constituent 25,7%, alors que les diplômés de l'enseignement supérieur en forment 24,9%. En moyenne, six (6) chômeurs sur dix (10) sont des chômeurs de longue durée, soit 59,2% cherchant un poste d'emploi depuis une année ou plus.

Les chômeurs sont toutes les personnes âgées de 16 à 59ans, sans travail et qui ont déclaré être disponibles pour travailler et ont entrepris des démarches, sur la période considérée, en vue de trouver un emploi.

L'emploi constitue à la fois un instrument de croissance et de protection sociale, et devrait se trouver au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Or, au-delà des souhaits et des actions ponctuelles, une stratégie inclusive et maitrisée n'existe pas encore en Algérie. Toute proposition d'agenda de réformes se veut globale afin de trouver un équilibre entre diverses tensions, notamment entre l'offre et la demande de travail, les attentes des entreprises et celles des chômeurs, entre ceux qui recherchent un travail et ceux qui en ont un, et entre les exigences du secteur formel et celles de l'informel. L'expérience rappelle que la mise en œuvre de cet agenda requiert les moyens de son ambition, à savoir un ancrage institutionnel fort et des sources de financement stables de la part du Budget de l'Etat, des partenaires au développement et du secteur privé.

Promouvoir l'emploi est une promesse faite par presque tous les politiciens de la planète. Cette promotion apparait des plus urgentes quand on voit que 59,2% des chômeurs cherchant un poste d'emploi depuis une année ou plus et qui vivent grâce aux combines et à l'informel dans les rues. Ce désarroi se perçoit plus globalement par le constat de l'ONS faisant état d'une augmentation du volume de l'emploi salarié notamment le salariat non permanent par rapport à septembre2017, avec un solde positif de 231.000 ainsi qu'une augmentation moins importante du volume des salariés permanents par rapport à septembre 2017 (hausse de51.000), alors que le volume de l'auto-emploi (les employeurs et les indépendants) a baissé de 74.000 personnes .Enfin, on comprendra à quel point la situation devient préoccupante quand on sait que le nombre des diplômés sortant des universités et CFPA qui arrivent chaque année sur le marché de l'emploi. Or, il n'existe pas encore une stratégie de l'emploi inclusive de la part des autorités .Celles?ci préfèrent réagir ponctuellement aux pressions sociales et économiques. Cette défaillance nuit non seulement à l'émergence de l'emploi décent, dans le sens où il puisse permettre aux travailleurs d'émerger de la pauvreté, mais elle présente également une source de tensions entre une minorité de privilégiés (ceux qui ont un travail décent et rémunérateur) et tous les autres.

La promotion de l'emploi présente un double enjeu pour un pays comme l'Algérie

Premièrement, l'enjeu économique car le tra-vail est le moteur de croissance de l'économie privée du fait de son abondance et des salaires compétitifs. Ce n'est pas un hasard si les secteurs les plus dynamiques ? ceux qui attirent les investisseurs sont les services, le BTPH (exception faite du secteur agricole, qui continue à croître moins vite que le reste de l'économie).

Deuxièmement, l'enjeu social car l'emploi constitue le meilleur moyen pour les ménages d'émerger de la pauvreté. Les normes auprès des ménages rappellent que le maintien du pouvoir d'achat par un emploi stable et rémunérateur demeure leur première priorité, bien avant les aides publiques ou l'accès à des biens sociaux. Pour un ménage démuni, l'accès à l'éducation n'a de sens qui si celui-ci lui permet de mieux vivre, c'est-à-dire d'obtenir un meilleur emploi et un salaire plus intéressant. Il convient de souligner que cet objectif de protection sociale par le travail ne répond pas uniquement à un souci d'équité. Il constitue aussi un élément prépondérant de la stratégie de la croissance accélérée. En effet, des travailleurs plus qualifiés et mieux protégés deviendront automatiquement plus productifs, ce qui permettra aux entreprises de devenir plus compétitives et de s'étendre, pour finalement embaucher plus de travailleurs. L'émergence de ce cercle vertueux devrait permettre de réussir son pari d'émergence économique et de réduction de la pauvreté.

Les contraintes qui nuisent au développement du marché du travail concernent tant la demande de la part des entreprises que sur la qualité de la main d'œuvre. Au risque de schématiser, mais avec l'idée d'aboutir à des propositions concrètes de réformes.

Bien souvent, il est invoqué que la faiblesse de la création d'emplois trouve son origine dans le manque de croissance des entreprises et que, dans ces conditions, l'accent doit être mis sur l'amélioration du climat des affaires. La politique de relance de l'emploi est privilégiée via l'encouragement à la créationd'entreprises, y compris des PME et des microentreprises ainsi que l'auto-emploi dans le secteur agricole qui représentent les principales sources d'emploi, à travers l'allègement des contraintes administratives qui nuisent à leur création et à leur extension et l'accès au financement. Cette approche est correcte mais réductrice car même les secteurs qui ont bénéficié d'une croissance relativement forte au cours de ces dernières années n'ont contribué que marginalement à la création d'emplois. En fait, les entreprises dynamiques ont souvent préféré favoriser les investissements dans les autres facteurs de production, notamment les biens en capitaux (machines). Si une entreprise embauche un travailleur, c'est parce qu'il va lui rapporter plus qu'il ne lui coûte ou qu'elle n'a pas la possibilité de le remplacer par un autre facteur de production plus rentable. Or, les données montrent que si les salaires pratiqués sont compétitifs, les travailleurs ne ressortent plus du lot en termes de coûts par unité produite en raison de leur faible productivité. Ce phénomène met en avant le besoin d'améliorer la productivité du travail pour continuer à attirer des entreprises nouvelles età développé des entreprises existantes tout en promouvant la création d'emplois.

Au-delà du déficit chronique de qualification de la maind'œuvre, la faible productivité du travail trouve également son origine dans l'inadéquation entre l'offre et la demande d'emploi, due à un cursus scolaire inadapté, aux exigences des entreprises. En outre, la formation continue et professionnelle ne reste qu'embryonnaire par rapport aux évolutions du monde du travail, alors qu'elle est essentielle pour assurer l'adaptation des travailleurs aux exigences du monde du travail. La formation ne s'arrête pas à la sortie de l'école et doit se poursuivre tout au long de la vie professionnelle. Malheureusement, la formation continue est en veille notamment pour les PME et les entreprises ainsi que pour les travailleurs opérant dans l'informel.

La politique de la promotion de l'emploi reste limitée avec quelques initiatives ponctuelles visant à promouvoir l'auto-emploi par des programmes de microcrédits en milieu urbain mais qui restent virtuellement absents dans les campagnes où pourtant le besoin se fait cruellement sentir. Il est bien souvent rappelé que pour sortir de la pauvreté, il faut travailler et que pour travailler il faut être productif. C'est donc dans cette logique que les solutions peuvent être trouvées. Le point de départ de cet agenda de réformes s'inscrit dans le besoin de renforcer la demande de main d'œuvre de la part des entreprises, y compris celles qui opèrent dans l'informel et l'auto-emploi, tout en incluant des actions visant à accroître la productivité du travail, notamment par une amélioration des compétences. L'accent est également mis sur la nécessité d'encourager l'accès au marché du travail, notamment pour les jeunes, par la mise en place de programmes d'appui à la formation ou la reconversion. En outre, la mobilité d'un emploi à l'autre, notamment en direction du formel, doit être facilitée en rendant plus flexible le cadre réglementaire. Enfin, il faut souligner l'importance de mettre en place de meilleures conditions sanitaires et sociales sur les lieux de travail.

D'emblée, il semble important de préciser que, dans un pays comme l'Algérie, la stratégie doit se concentrer sur les travailleurs de l'informel à travers une action triple portant sur : le rattrapage des exclus de l'école : l'assistance à l'auto-emploi et le développement des activités dans les campagnes (par la diversification des tâches agricoles etnon-agricoles). La création d'emplois passe non seulement par l'expansion des postes dans le secteur formel mais aussi, et surtout, par un système de mise à niveau des emplois informels qui doivent permettre l'émergence de jeunes entrepreneurs et ainsi propulser l'économie nationale vers une trajectoire accélérée de croissance.

Les autorités devraient agir sur trois leviers pour encourager la demande de travail (offres d'emploi) émanant des entreprises formelles. D'abord, il leur incombe de stimuler certaines activités économiques porteuses d'emploi, sans tomber dans le piège de la création artificielled'emplois, mais bien en mettant en place les conditions favorables à cet essor. C'est, en tout cas,l'ambition affichée de la stratégie de promotion du secteur privé. Elle doit, surtout, chercher à favoriser l'essor des PME, lesquelles sont les principales créatrices d'emploi, et ce dans une perspective dynamique, en réduisant leurs coûts de création et de fonctionnement.

Il ne faut pas négliger l'action sur la demande et l'offre de travail, lesquelles se confondent au vu de l'importance de l'auto-emploi.Ensuite, il paraît impératif de chercher à optimiser les complémentarités entre investissements en capital physique et qualification des travailleurs.

En d'autres termes, il faut encourager les entreprises, y compris celles opérant dans le secteur informel, à investir dans de nouvelles machines et technologies, en s'assurant, toutefois, que les entrepreneurs forment leur main d'œuvre pour une exploitation efficace de ces nouvelles acquisitions et développent ainsi des effets d'entraînement au sein de l'économie. Cette inadéquation entre qualification de la main d'œuvre et nouvelles technologies est perçue par des économistes comme l'un des principaux freins au développement. Cela impose une politique ambitieuse de formation professionnelle. Enfin, il est indispensable d'améliorer les canaux d'information facilitant la quête de personnel compétent. Les entreprises se voient contraintes de recourir à des réseaux informels dont l'utilité peut s'avérer, mais qui rallongent leur temps de recherche et privilégient des critères autres que la compétence. Pour qu'un marché de l'emploi fonctionne bien, une information homogène doit être mise à la disposition de tous, afin de réduire ces temps de recherche et d'éliminer les situations de rente dont jouissent certaines catégories de personnels capables d'obtenir des rétributions salariales supérieures à leur productivité.

La politique nationale de l'emploi, que le gouvernement a adoptée en 2008, reste l'unique référence en matière d'orientations et de stratégies pour promouvoir l'emploi et lutter contre le chômage.

Comment ces programmes sont-ils considérés ?

Les avis concernant l'évaluation de ces programmes représentent trois points de vue différents.

Les programmes sont essentiels et doivent être maintenus comme tels, ils doivent être révisés.Une nouvelle approche des politiques de l'emploi doit être conçue.

Maintien des programmes

Le maintien se justifie parce que les dispositifs fournissent une réponse concrète à un problème réel de chômage, en particulier parmi les jeunes. Ils ne sont donc pas seulement une source de revenus pour les chômeurs ? et leurs familles dans la plupart des cas ?, mais aussi une source de dignité, de respect et d'estime de soi. Ils contribuent fortement à l'insertion sociale des bénéficiaires, étant donné que l'emploi reste le moyen primaire permettant de satisfaire d'autres besoins. Pour les primo-demandeurs d'emploi, il s'agit de leur premier contact avec le monde du travail.

En plus d'influencer leur parcours de carrière (le premier contact), il peut aussi avoir une influence considérable sur leur future attitude face à la valeur du travail. Aussi, il est souligné le fait que le programme a créé des réseaux qui offrent l'avantage de couvrir une grande partie du territoire national. Un tel réseau offre une infrastructure d'emploi qui permet de développer des programmes pour une activité domestique, des travaux rémunérés ainsi que l'esprit d'entreprise. Les programmes pourraient même constituer un réservoir pour les PME de demain et contribuer à réduire les activités informelles.

1- Les programmes doivent être révisés

Contrairement au premier jugement, un deuxième avis souligne la nécessité de garantir des emplois permanents pour les chômeurs et de renforcer la relation entre la formation professionnelle et le marché du travail. Il doute également que les programmes soient suffisants compte tenu de l'envergure du problème du chômage des jeunes. Il déplore enfin un manque d'emploi réel dans le secteur économique et d'instruments d'observation du marché du travail.

2- Une nouvelle approche s'avère nécessaire

Enfin, le troisième point de vue s'interroge :À qui profitent les programmes ? Le gouvernement achète la paix sociale en redistribuant une partie de la rente (énergétique), tandis qu'il apaise les bénéficiaires en leur administrant simplement un analgésique. Concernant l'utilisation politique de ces mesures, il n'y aurait pas d'avantage mesurable, étant donné que ces programmes ne tiennent compte ni des besoins du marché ni de la main-d'œuvre au niveau local. Les divers programmes sont davantage axés sur la politique non économique. Il est vrai que les programmes ne créent que des emplois temporaires et qu'aucune information n'est disponible sur leur incidence à long terme ou sur leur permanence. Ils ne traitent donc pas les problèmes sous-jacents de l'économie réelle et ne soutiennent pas sa capacité à créer des emplois, mais posent plutôt les véritables problèmes. Un nouveau système politique devrait impliquer à la fois le secteur privé et le secteur public, une partie d'une approche cohérente et complète qui est une expression de volonté politique de promouvoir l'emploi dans des industries publiques et privées. Ces actions devraient résulter dans la mise en œuvre d'une stratégie pour l'emploi des jeunes : Il est à présent essentiel de développer une stratégie pour l'employabilité des jeunes, elle doit se fonder forcément sur une politique socio-économique globale essentielle et intégrée. Tous les partenaires doivent être impliqués dès le début dans le développement de cette politique ; la dimension locale doit être une préoccupation centrale pour la définition de politiques spécifiques pour les emplois convenant en fonction des diversités régionales.

* Cadre du secteur de l'emploi