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Les bonnes opinions sont celles qui ne veulent que l'intérêt de la majorité, et
les mauvaises celles qui ne défendent que l'intérêt d'un parti. » Louis-Philippe
de Ségur
Alors à quelle majorité a-t-on affaire ? À celle dont l'intérêt est massivement général et qui sait taire ses taux ou à celle qui au doigt et à l'œil se compte ; à la levée de mains ? La Constitution est impersonnelle, abstraite et impérative. C'est un patrimoine textuel national que personne ne peut se convaincre de rendre sien. Elle « est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple? ». C'est de tout ce peuple qu'en fait le document tire son essence. C'est lui, dans son entièreté numérique et non pas la majorité juridique de ses unités, qui s'élève unique et souverain détenteur de pouvoirs. Même si la Constitution stipule solennellement que le président de la République « nomme le Premier ministre, la majorité parlementaire consultée et met fin à ses fonctions », le politiquement correct exige d'abord la présence d'une véritable représentativité parlementaire pour en consulter ensuite naturellement sa majorité. Il faut aller donc la chercher ailleurs que dans un hémicycle, cette majorité qui se niche dans le silence de celles et ceux qui n'ont pas de podiums, pas de micros et qui ne sont que le peuple avec ses segments, ses opinions publiques et ses espoirs. Consulter n'est pas prendre au mot l'avis donné. Ce n'est pas non plus un effort contraignant à formuler à quiconque une commande pour faire ou s'abstenir de faire un acte. Savoir déchiffrer un silence et interpréter un bruit, peut être une séance de consultation sans rendez-vous ni entremise. La majorité ne peut être que plurielle. Elle ne tend à s'exprimer que dans une coalition ou une alliance. Rarement homogène, exclusive et unique. Enfin, elle n'est pas la seule voix d'une personne s'intronisant au perchoir d'un parti. Fût-elle rébarbative, itérative et obstinée. Ce que disent l'un et l'autre, Ouyahia et Saadani, n'engage en fait que le désir circonspect du premier et la hargne hardie du second. Se prendre pour une majorité c'est amplifier à se crever les yeux la croyance qu'il existe plusieurs dieux. Plusieurs constitutions. Cette majorité que l'on suppose devoir consulter n'existe pas uniquement en chiffres et en lettres. Elle se loge tout simplement, au jour le jour, au gré de la circonstance la plus rentable. Celle qui garantira la survie de ses éléments. Elle n'a de constance que la feuille d'émargement au Trésor public ou à la popote du mandat. Car, au sens disparu, une majorité est un idéal commun et non un nombre banal étiqueté à l'un des labels de corporation ou un assemblage momentané de partis. Cette quantité, quand bien même admise et identifiée sous une carte d'adhésion quelconque, est toujours sujette à la mobilité des sièges et la migration des appartenances. Le président, élu au suffrage universel direct, peut changer l'un par l'autre et, ainsi, recréer une majorité. Il n'a pas de devoir à examiner le cas avec le parti, ni avec son leader mais avec la force politique qui le constitue. La sienne. Sa circonscription administrative n'est pas une localité. En vertu de quoi donc, le président est-il obligé à consulter une personne prétendant détenir à elle seule une majorité ? Si la Constitution l'oriente sans l'impératif de le faire quelque part en nommant le Premier ministre, la majorité parlementaire consultée, le même texte le fait autrement pour la nomination des membres du gouvernement qui se fera heureusement « après consultation du Premier ministre ». La rédaction des dispositions n'est pas faite sous forme impérative ou contraignante. Elle ne comporte pas « doit », mais se suffit aux verbes de l'action présente et dynamique dans un temps de l'indicatif sans que le «devoir» n'y soit. Il nomme?il met fin?il désigne?et non doit nommer ?. Dire être dans le secret des seigneurs, anticiper le remaniement ou forcer la main à le faire, reste à prendre parfois pour un délire narcissique quand il n'est pas une cataracte politique. Ainsi, l'on constate que loin aussi des cas de psy, des cas les dépassant existent en politique. Avoir l'assurance, toute l'assurance en soi ou en ses listes est un écart de vigilance trop exigible en pareilles situations. Le renversement, le retournement de vestes et le reniement restent toujours une probabilité à ne pas ignorer. L'histoire est là pour en témoigner. La justice nocturne et les congres concoctés dare-dare avaient bien désinstallé des personnes rassurées et démoulé des trônes. Quand il y a cette attitude de pouvoir aller au fonds des choses sérieuses sans nul égard aux personnes qui les œuvrent, c'est que l'on a la Raison pour raison. Ainsi, porter son jugement sur un produit ne vous ramène pas en tous cas à faire subir les foudres de la malfaçon détectée uniquement aux torts exclusifs de l'ouvrier. Il est nécessaire de faire l'identité d'abord du défaut, puis celle de ses causes. L'auteur restera lui aussi un produit émanant de l'environnement qui l'a vu naître et grandir. La différence entre les deux hommes est une question d'esprit. L'esprit d'Etat et le sans-esprit. Dans un monde quasi clos où l'information n'est distillée que de la source qui prétend être autorisée ou qui laisse croire en cela, rien ne peut se vêtir d'une authenticité ou avoir le sceau de la vérité. Le changement reste dans le vœu de ceux qui le veulent et y ont intérêt. Seul le vacarme partisan, la clameur de la meute ou quelques intentions dévoilées s'empressent à faire sortir la décision qui leur convient. Ils font de leur analyse un sens obligatoire pour les autres. Ils sont loin de la bonne communication. Une injonction suggestive de direction toute indiquée vers la satisfaction de la finalité, la leur, tissée de fils en rumeur, est insuffisante et maladroite. Ces porteurs de voix, semblables à un effectif instantanément missionné, croient convertir le tintamarre comme stratégie de communication et l'illusion comme une vue sûre et certaine. L'affranchissement de l'emprise de l'Etat et le transfert possible de rôles seront d'un apport appréciable quant à la recrédibilisation de ces formations politiques. La stratégie d'une communication adéquate reste absolument à redéfinir, plus particulièrement à l'égard de l'environnement, du sympathisant, du concurrent et de l'indécis. Une communication dans son sens hautement managérial irait impérativement, tel un appareil de conversion d'énergie, vers la réalisation des tâches tendant à rendre ami l'ennemi, la faiblesse une force, le manque une présence. Amadouer sa ferveur, décolérer et éviter l'irrespect est le signe des grands. Se suffire à chaque coup de gueuler ou de tomber sur « l'autre » va lentement vous faire perdre vos dents pour vous confondre à la simplicité d'une masse plate et sans méninges. Le parti, en tant qu'énergie renouvelable devra s'examiner en permanence pour distancer le défi inter-hommes et éliminer cette jalousie féministe d'être toujours le premier ou d'avoir le plus d'enrôlés. Du moins en quantité. C'est connu en toute évidence que le nombre ne fait pas l'importance d'une chose, parfois il la dilue dans le général, le compact et le banal. A la différence d'une armée régulière qui a le plus besoin d'hommes de troupe que de généraux, le parti doit s'investir dans l'apprentissage de la citoyenneté quelle que soit l'obédience de ses partisans. La grâce distraite de certains aristocrates du parti qui polluent sa sainteté originelle ne fera que haïr et mépriser toute la notoriété trinitaire que recèlent ses initiales. Les convenances politiques induites par la conjoncture actuelle ne doivent pas encore une fois être immolées dans les pugilats inutiles aux dépens de l'avancement démocratique. L'occasion est là de démocratiser davantage la pratique politique et s'ouvrir gentiment à l'autre sans intention de lui nuire ou tenter de le faire disparaître. La présence de l'un justifie celle de l'autre. Elle le corrobore et complète à moitié la moitié qui lui manque toujours. Sinon, vouloir agir en solo c'est se replonger dans une ère qui n'a plus de raisons ni d'adeptes. Crier son assurance possessive de la majorité quand on est un parti, c'est oser prendre tout le peuple pour un acquis incontestable. Que l'on cesse d'abord d'accentuer la division dans un climat géopolitique que tous les partis définissent pourtant de gravissime et de dangereusement menaçant. L'on ne court pas à la conquête du pouvoir en faisant peur aux siens ou en les attaquant. L'heure n'étant pas à ce genre de règlement de compte ou à ce p'tit jeu de calculette plus qu'elle n'est à la clairvoyance et à l'ouverture vers soi et envers l'autre. Quand on parle de majorité, on va croire forcément qu'en face subsiste une minorité. En langage politique ou parlementaire, cette minorité se traduit indéfiniment par « opposition » alors que toute opposition, la pire disons, n'est jamais là où l'on croit. Idem pour la majorité. C'est le citoyen électeur, donc majeur, qui est censé faire naître la majorité dite parlementaire et ce citoyen est toujours arithmétiquement minoritaire face à tout un peuple. Par conséquent, vous n'êtes pas, Messieurs des partis, ce peuple ni sa majorité. |
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