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Les tayabates el hammam et la Régence

par Mimi Massiva

Ces sorcières du hammam avaient pourtant prédit le dessèchement des mamelles en pleine fertilité des vaches. Les plus populaires ont été brûlées, les plus virulentes internées et les plus comiques tolérées pour vernir la vitrine. Les idiotes n'avaient jamais compris comment en frottant simplement un puits rempli de déchets que la nature a mis des millions d'années à enfouir dans ses entrailles, on faisait jaillir le génie pour muer un gros douar moyenâgeux en une grande nation du XXIème siècle. Il a fallu la chute brutale de la baraka pour que la Régence se mette à surfer sur le même créneau. Débiter le même blabla avec ceux qu'elle désignait avec mépris hier les tayabates du hammam. En y mettant le ronronnement adapté aux micros d'un pouvoir omniprésent et intemporel. Traduction, ce n'est pas raisonnable de tout miser sur le pétrole ; oui, la bureaucratie algérienne est une horreur, un goulag? Grosso-modo, il y a des manques qu'il faut combler, il faut se mettre au travail avec les mêmes caïds sans le pot au miel. Si le diable se niche dans les détails, il est surtout à l'œuvre là où le discours dissimule l'essentiel : vous allez payer plus que d'habitude et vous payerez en grinçant des dents ou avec le sourire. C'est ce qui existe ailleurs. En France par exemple, patrie de substitution des Algériens, pourvue d'institutions inconnues dans le monde arabo-musulman pas même en gestation. Humaniste envers ses nouveaux migrants qui ressemblent comme de gouttes d'eau à nos harraga clonés aux jeunes des banlieues parisiennes : musulmans, jeunes et mâles. La camera a du mal à viser une famille pour le gros plan et rassurer les blancs bobos que ce n'est pas une énième révolte de beurs.

Au même moment, Bruxelles renvoyait ses paysans se suicider sur les ruines de leurs fermes. Quant au moteur « allemand » qui s'est spécialisé dans l'incendie des refuges d'émigrés, on préfère ce sang chaud et frais à la construction de crèches pour booster une natalité en berne. « On a besoin d'eux ! Ils vont changer l'Allemagne », martèle la chancelière Merkel. Pourquoi avoir tant tardé ? Fallait-il détruire la Syrie, l'Afghanistan et l'Irak pour en profiter ? Voilà que les politiciens, contrairement à ce que pensait déjà Aristote, se présentent en humanistes non en corrompus. Une Europe pauvre, en crise et des experts qui avouent enfin : la croissance c'est fini ! On peut croire à cette charité chrétienne, le jour où ils accueilleront ces malchanceux dans les palais et jardins présidentiels où ils leur offriront le gîte et le couvert grâce à l'argent de leurs indemnités à plusieurs chiffres. Pour le moment, les SDF errants pèsent exclusivement sur les SDF de la République, ces électeurs désenchantés, dégoûtés par les promesses qui ne tiennent que le temps d'une publicité électorale. Peut-on croire une seconde que le corps noyé d'un petit garçon de 3 ans a transformé ses politicards en mère Thérèsa ? Eux qui ont sacrifié leur propre peuple à leurs ambitions personnels, peuvent-ils s'apitoyer sur le sort d'indigènes voués au déracinement sanglant avec la complicité de toutes les têtes « couronnées ». Ce genre de fuyards fait le bonheur des socialistes et des grands patrons. Les premiers s'assurent de leurs voix une fois régularisés et les derniers s'assurent que les salaires iront à la baisse inéluctablement. C'est mathématique, dira un économiste ; normal, dira un psychologue. Seul un attentat terroriste fait monter la popularité de François Hollande et à effet moindre, un bombardement au Mali? en Syrie ? Ah, si les islamistes terroristes n'existaient pas comment faire l'actualité sans s'y mouiller ? Obama a ses Mexicains qu'il a fissa régularisés pour assurer de prochaines victoires à son parti. La Banque c'est démocratique, elle compte sur sa gauche et sa droite. Tous ces présidents occidentaux ont été élus pour résoudre la crise, chuter la courbe du chômage, celle de l'insécurité, des conflits dans le monde, des inégalités, de la pollution, du réchauffement et les voila en pleine soupe de sorcières comme dit Genet : religion racisme, mariage homo, peine capitale, avortement , genre, charia, printemps arabe et humanisme frontalier. C'est déprimant d'entendre les médias de la Maison-Blanche à l'Elysée jusqu'à la Régence désigner les grains de sable qui sucent l'huile de la machine et le mode d'emploi pour s'en débarrasser. On a fini par dire à Alger : la cerise sur le gâteau, c'est fini ; à Paris, le peuple, c'est fini. C'est fini pour qui ?! Chez le premier, il n'y a jamais eu que de la salive dans le palais de la masse pavlovienne. Pour trouver la trace citoyenne chez le second, il faut remonter au général de Gaule obligé de s'exiler pour faire de la résistance à Hitler avec les adversaires de toujours, les Anglais. Hudson Lowe a demandé à Bonaparte : « Pourquoi les Français se battent-ils toujours pour de l'argent, et les Anglais pour l'honneur ?» La réponse de Bonaparte : « On se bat toujours pour ce que l'on n'a pas». (1) Aujourd'hui, les deux sont à égalité : ni argent ni honneur. Avant la crise de 2008, le parapluie doré des grands patrons était d'un chiffre, aujourd'hui il est de deux.

Sans honte, les économistes confirmés affirment qu'ils le méritent puisqu'ils ont redressé la situation. Comment ? En délocalisant et jetant des centaines, des milliers de travailleurs dans la rue. Certains, plus consciencieux, en congédiant les uns et gardant les autres à condition de geler leur salaire et l'obligation de faire en plus de leur labeur celui des expulsés. Il y a quelques années de cela, on pouvait parler du Sud et du Nord, des alignés et non-alignés, du KGB, de la CIA, de l'Orient, de l'Occident, de l'URSS, des sultans à vie et des présidents élus ?De nos jours, il y a ceux qui ont l'argent sans mérite et les autres condamnés à mériter leur misère. Ceux qui sont dans le réseau et les autres. Ceux qui auront toujours de la croissance à s'y noyer et ceux qui pourront toujours en rêver à en crever. Les oligarchies du Sud et du Nord ont fini par devenir compères et voisins. L'influence des premières dans le système capitaliste mondial a progressé de 5% à 19% de 2001à 2008 (2) Chez les uns comme chez les autres, ces nababs se recrutent essentiellement dans les familles et partis régnants depuis l'Arche de Noé. Les médias téléguidés appellent cela du multiculturalisme et pour cause, Paris, New York Londres ou Genève accueillent aussi bien les migrants de l'infortune que ceux de la fortune. En avril 2008, la presse britannique a publié la liste des résidents les plus riches d'Angleterre. C'est à la 21ème place qu'est apparu le premier Anglais. Comment les sujets de sa Gracieuse Majesté, descendants d'un Empire qui a dominé toute la planète, qui jouissent de la démocratie depuis des siècles, qui ont pratiquement déclenché l'ère industrielle, se sont-ils laissés distancer sur leur propre sol? et par qui ? Généralement des potentats qui ne portent en eux aucune trace de civilisation qui n'ont laissé germer aucune sur leur sol natal et qui ont assassiné toutes celles qu'ils ont envahies. Incapables d'inventer leur propre idéologie autre que d'accaparer le ciel et d'en faire leur chose.

Incapable même d'assurer le minimum pour lequel ils s'estiment dignes de régner : la santé, la nourriture et la sécurité de leurs sujets. Dans la presse(3), le président de la Commission nationale des mandataires explique la flambée des prix des légumes et fruits en ces termes : «?Cette flambée des prix était attendue? Durant les mois de juillet et août, nous avions trois fois la quantité disponible durant la même période de l'année passée? nous avions un grand problème d'excédent de produits, que nous avons été obligés de jeter dans l'incapacité de vendre localement ou d'exporter? le problème crucial dans notre pays. Nous n'avons pas de plan de culture et nous manquons d'estimations réelles de consommation de tel ou tel produit. Les agriculteurs sèment et produisent au hasard? Nous ne disposons d'aucun plan de gestion de pénurie? Nous ne sommes sollicités par aucune instance, même si nous sommes les premiers fournisseurs de fruits et légumes. » Des mots familiers qui expriment un vide sidéral qui n'épargne aucun domaine. Comment la Régence peut-elle gérer la pénurie quand elle n'a pas su gérer l'abondance ? L'abondance que n'importe quelle mère de famille aurait réglée avec un congélateur, à faire de la confiture, à profiter de la canicule pour déshydrater sécher l'aliment... Sans surprise, l'Etat a donc contribué au gaspillage qu'il reprochait pourtant à la foule dès le début de l'été. Il a rempli les poubelles de fruits et légumes qui ont fini par pourrir seuls dans leurs cageots. Résultat, avec l'achat d'un bouquet d'herbes et de légumes pour une soupe basique, populaire, un cadre y laisse la paie d'une journée en ce mois de septembre propice aux poches vides. Bénissons la caravane qui se contente de passer sans écraser les chiens qui aboient. Le porte-parole ne parle plus de miracles, de héros, de révolutions, mais de « stop siestes » de « stop fiestas » et « stop folies ». Traduction, moins avaler de nourriture subventionnée, payer plus d'impôts, de taxes, d'amendes? grosso modo devenir plus pauvres, plus responsables, plus vigilants et prier pour que seul flambe le prix de l'or noir.

On reconnaît que l'obésité a explosé ces dernières années surtout chez les femmes qui accouchent avec césarienne deux fois plus que la moyenne internationale (40%). Personne ne semble s'alarmer à part l'intéressée sur le billard. On ne sait pas quelle est l'espérance de vie des femmes en Algérie, le bled de tous les hasards. En Arabie saoudite où le système de santé est infiniment plus performant et les caisses plus remplies, les Saoudiennes ont la même espérance de vie que leur époux contrairement au reste du monde.

Toujours en cause l'excès du poids et les maladies qu'il engendre. Causée par les Serviteurs des Lieux Saints, la chute de la rente fera sans doute maigrir les Algériennes. L'obésité étant la maladie du pauvre et du déprimé, la bouffe comme la prostitution s'adapte au portefeuille. C'est l'arrière arrière grand-mère qui avalait son miel pur et fantasmait sur le sucre blanc. Au souk, un paquet de gâteaux coûte moins cher qu'une galette faite avec la farine importée et cuite dans le four express. Avant même que l'Etat parle de gaspillage, la nature avait entamé son canevas : les uns sont partis, les autres sont restés pour mourir ou s'enrichir.

Si la moitie des Algériennes ne trouvent pas de maris, les autres doivent faire des enfants à leur place puisqu'on frôle le million par an. Heureusement les wahhabites sont là pour nous vendre le mariage du « passant », el misyar. Homme ou femme, nous sommes condamnés à n'être que des passants. « La liberté, pour quoi faire ? », se demandait déjà Bernanos en 1945 en pleine euphorie dans une Europe victorieuse du nazisme. Pendant que Camus s'étonnait que le monde civilisé fête la bombe atomique. En Algérie, à part Kabylie et encore, aucune parcelle du territoire national ne peut survivre contre la Régence. Les bougnouls « parasites » sont obligés de se taire, de payer la disparition du matelas en devises et calmer la « jalousie » de l'Arabie qui s'est toujours méfiée de la conversion des Berbères. La ministre de l'Education, en cette nouvelle entrée, recommande d'apprendre aux enfants plus de watania (nationalisme). On doit en conclure que le problème principal est cette nation orpheline de ses bougnouls. Ferhat Abbas l'avait cherchée sauf au bon endroit. L'instruction et la santé, que demander plus ? Les tayabates en faisaient leur obsession. Les médias officiels et officieux inaugurent l'année scolaire avec l'inauguration de nouvelles classes, de cantines, de structures hospitalières, terrains de sport, etc. Pendant que des parents, pas spécialement riches, sont de plus en plus nombreux à se sacrifier pour mettre leurs gosses dans le privé, plus nombreux à remplir les avions d'Air-Nation pour aller se soigner hors-nation. Le drame algérien c'est sans doute ces deux montres qui affichent des heures diamétralement opposées avec des chiffres inconnus au camp adverse. Les Anglais et les Français qui ont depuis des siècles une infinité d'acquis par rapport aux Algériens, ne sont pas des passants, au pire ils stagnent et regardent derrière eux. La France n'est-elle pas la première destination touristique au monde grâce aux vestiges de l'ancienne Gaule. Le prestige de l'Angleterre n'a-t-il pas été enfanté par la reine vierge, Elisabeth, ancêtre de l'actuelle. Quand on est privé d'une infinité de choses, s'il est impossible de se battre sur une infinité de fronts, il faut copier. C'est-à-dire retrouver la mémoire et être fier de ce qu'on y trouve parce que c'est naturel. L'être humain, malgré les diverses croyances imposées par n'importe quelle régence, n'est finalement que le produit de la nature.

(1) Paul Lombard (Le Vice et la Vertu)

(2) Etude d'Ernst et Young (19 mai 2008) (La Haine de l'Occident, Jean Ziegler)

(3) El Watan (10 septembre 2015)