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Vahid l'a échappé belle !

par Mohammed Beghdad

On ne peut qu'être ébahi devant l'ahurissante défaite sur le score surréel de 7 buts à 1 des Auriverde face à la redoutable National Mannschaft en demi-finale de cette Coupe du monde cuvée 2014.

En observant les larmes des brésiliens, joueurs et supporteurs sous le choc, qui n'en revenaient pas, on a vite remonté le temps au véritable drame de 1950 avec cette défaite en finale face à l'Uruguay et la tragédie qui avait marqué des générations de ce peuple, le plus grand pays du football, pays du roi Pelé.

Et pourtant ce qu'appréhendaient les supporteurs de la Seleção au risque de se répéter, survint en cette cauchemardesque soirée du 8 juillet 2014 au stade Mineirão de Belo Horizonte en croisant sur sa route vers la finale, une fulgurante machine allemande qui broie tout sur son passage surtout lorsque tous ses clignotants sont au vert et lorsque l'occasion est propice pour redorer son blason en ne ratant pas l'opportunité d'écrire une autre page de sa fabuleuse histoire footballistique. C'est aussi cela le label des grands en général et de ce peuple germanique en particulier.

Le Brésil va sans doute se ressaisir comme après cette catastrophe de 1950, en arrachant hors de ses bases, en portant le record à 5 titres à la clé. Le seul miracle, c'est de ne pas lâcher prise en travaillant davantage sur tous les terrains de foot du pays et en formant sans cesse tous ces talents en herbe qui n'attendent qu'à être exploités. Donc tout le monde sait ce qui attend le Brésil. Il faut se remettre en cause en ne dormant pas sur ses lauriers. C'est une page qui se referme et c'est une nouvelle qui s'ouvre.

L'autre chose qui m'était tout de suite revenue à l'esprit, c'est la position très inconfortable de l'entraîneur Luiz Felipe Scolari qui au passage a été déjà champion du monde en tant que sélectionneur de ce même pays à la coupe du monde de 2002. Imaginons que 8 jours avant, c'eut été le scénario du match Algérie-Allemagne ! L'aurions-nous considéré comme une humiliation ou bien comme une défaite logique ? Quel aurait été le sort réservé à Vahid Hallilhodzic ? Il serait rentré au pays sous forte escorte sécuritaire. Aucune circonstance atténuante ne lui aurait été accordée. Dès la fin de la rencontre, la potence lui aurait été dressée sur une place publique du côté d'Alger.

En tous les cas, la salve de critiques et les tirs groupés qu'avait subi le désormais ex-sélectionneur national de la part de nos soi-disant experts en foot, au lendemain de la défaite face de la Belgique au cours du match de l'entame de cette coupe du monde, en disent long de ce qu'avait subi le malheureux bosniaque malgré une défaite étriquée. Pourtant si on regarde la différence de niveaux, on n'avait pas à rougir d'une telle défaite face à ces terrifiants outsiders diables rouges. Pour un match d'entrée, il était normal que coach Vahid ait opté pour une tactique défensive au regard des lacunes de la charnière centrale de notre défense dont les 40 millions entraîneurs algériens avaient soulevé avant le début de la compétition faisant craindre le pire.

A ce niveau, toute petite erreur commise est exploitable par l'adversaire, ça ne pardonne jamais surtout devant les coups de boutoir des joueurs de haut niveau qui évoluent dans de grands clubs comparativement aux nôtres. La question qu'on pourrait se poser : quel aurait été le rendement si jamais le sélectionneur national se serait-il appuyé sur des joueurs évoluant dans notre championnat national, produit de nos entraîneurs nationaux ? On avait même entendu quelques uns de ces entraîneurs demander aux joueurs de ne pas écouter Vahid et de jouer comme ils l'entendent ! C'est sûr que le match contre la Corée du Sud devait être différent, autant que ceux contre la Russie et l'Allemagne. A chaque match, sa stratégie. Si tu joues l'attaque à outrance contre la Mannschaft, tu risques de prendre une valise comme l'a vécue la Seleção en cette historique et mémorable soirée de ce mardi.

Cette raclée ne peut que réconforter Vahid dans tous ses choix tactiques face à des ténors à l'instar de Joachim Löw, d'abord entraîneur assistant de l'équipe d'Allemagne aux côtés de Jürgen Klinsmann d'août 2004 jusqu'à l'été 2006, puis depuis cette date, il a été nommé sélectionneur en chef jusqu'à nos jours. Si on scrute sa carrière de joueur, elle ne fût guère fameuse. Il avait joué presque 5 fois plus de matchs en seconde qu'en première division de la Bundesliga. Il s'est reconverti, une fois sa carrière achevé dans l'anonymat, aux aspects tactiques en réussissant hauts la main, tous ses diplômes d'entraîneur de l'école d'outre-Rhin. Ce sont la constance, la rigueur et la longévité de 10 années de labeur qui commencent à donner leurs fruits. On a parlé du réalisme allemand au cours de cette coupe du monde et c'est ce qu'on en train de constater admirativement. Elle n'est maintenant qu'à une ultime marche du sacre final, tout près du but comme cela était toujours le cas qui nous fait rêver non seulement dans le domaine du foot mais dans tous les autres secteurs.

Revenons à notre Vahid, qui en seulement trois années de contrat, a eu le mérite de remplir honorablement les objectifs qu'il s'était fixés avec la fédération algérienne de football. Il a apporté une certaine notion du travail en tentant, contre vents et marées, de révolutionner un peu soit-il les mentalités, surtout au point de vue de la discipline. Il n'a pas hésité à exclure certains joueurs du groupe. Il est vrai que la quasi-totalité des joueurs viennent de clubs où on se plie volontiers à ce strict règlement et où on ne rechigne en aucun cas à la besogne. Durant un stage en Suisse d'avant match, Feghouli s'était plaint de la charge du travail mais il a été remis tout de suite à l'ordre par Vahid qui ne badinait jamais avec cette discipline menée de mains de maître.

Cela a donné par la suite raison à Hallilhodzic. Cette préparation avait donc montré sur le terrain une équipe algérienne se battant sur toutes les balles lors de son dernier match contre l'Allemagne que ce soit durant le match ou au cours des prolongations. On ne peut que valoriser les performances de cette équipe nationale version Vahid qui a séduit par son jeu plaisant tous les experts mondiaux. Quand on voit ce qu'a fait la Mannschaft ultérieurement en sortant deux anciens champions du monde et néanmoins postulants potentiels au titre, on pense que Vahid l'a vraiment échappé belle.

Vahid n'avait pas comme mission de soigner le football national, il avait comme principale tâche de monter une équipe nationale compétitive en la qualifiant d'abord pour la coupe du monde et ensuite en passant au second tour de cette compétition. Si certaines voix commençaient à élever le ton en ayant pris pour cible le sélectionneur national, je pense qu'elles se trompent carrément de cible. A notre connaissance, la Faf dispose d'une assemblée générale, l'instance suprême et légiférante, au sein de laquelle ils sont soit membres à part entière ou indirectement représentés.

Il faut rappeler que quelques unes des prérogatives de l'assemblée sont l'adoption des programmes ainsi que les rapports d'activités et les bilans moral et financier de la Faf. Tout est donc clair comme l'eau de roche dans les statuts si on souhaite assumer son rôle de véritable membre actif. On ne doit pas montrer sa désapprobation en dehors des statuts, dans un plateau d'une chaîne de télévision ou dans une interview à un journal puis se dérober là où on a le droit d'exprimer son avis avec force. Il faut rappeler que le Bureau Fédéral de la Faf avec à sa tête son président, est un organe exécutif des délibérations de l'AG. Il a aussi le pouvoir de nommer ou de révoquer sur proposition du Président, les entraîneurs des équipes nationales et les autres cadres techniques. Comme on le constate fort bien, il dispose d'une très grande part de responsabilité qu'il se doit d'assumer. Par contre, les missions de la Faf, en dehors de s'occuper de la cerise sur le gâteau que doit être l'équipe nationale, sont innombrables. Les membres de l'AG peuvent intervenir lors de ses débats en influençant toutes les décisions prises en amont.

Comme il était prévu, Vahid nous a quittés en laissant sur leur faim une grande partie de ces supporteurs orphelins. Il nous a habitués à ses méthodes distinctes qui diffèrent de son prédécesseur en y apportant sa touche personnelle. Il a sans aucun doute marqué son passage dans notre pays. On n'est pas près de l'oublier de sitôt. Adopté comme il l'est, il a été même algérianisé comme plaisantent certains. Il a depuis longtemps fait son choix d'affronter d'autres challenges sitôt la coupe du monde terminée. Il a longtemps prévu de se turquiser. Pour quelques centaines de milliers de dollars de plus, il ne veut plus continuer avec nous malgré les appels pressants des plus hautes autorités du pays. Sûr qu'il ne veut pas être éloquent sur les véritables raisons de son départ quoique l'on lui ait offert un contrat en or massif à la suite de l'intervention du président de la république comme le laissent entendre certains journaux.

L'argent tout seul n'a pas l'air de faire son bonheur. Il ne pourrait pas garder longtemps tous ses secrets. Il viendrait le jour où sa langue commencera à se délier lorsqu'il ne serait plus soumis à ce lourd droit de réserve. Ce jour-là, le choc de ses révélations serait douloureux à supporter. Comme il le souligne dans son communiqué d'adieu, il relève le comportement indélicat d'une certaine presse qui n'a pas cessé de le stigmatiser, non seulement dans son travail, mais en s'étant prise à sa propre personne et à sa famille, ce qu'il n'oubliera et ne pardonnera jamais.

En quittant le pays, coach Vahid ne laissera aucun algérien indifférent. On continuera à suivre avec un plaisir certain les échos de sa nouvelle aventure sportive du côté d'Istanbul si les rumeurs de son recrutement se confirment. On lui souhaite le grand bonheur et toute la réussite dans ses nouveaux choix qui sont totalement à respecter. Espérons juste que les leçons qu'il nous a donnés soient retenues.