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Algérien lambda: cuvée 1990/2000

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Leur «école» est dite sinistrée. Faux ? Vrai ? Qu'importe. Bien qu'elle repose sur des bases théoriques démocratiques et sur un Savoir supposé ouvert sur le monde moderne (reste à voir de quelle modernité parle-t-on !) ses objectifs, portés davantage sur le quantitatif ne pouvaient qu'entraver, malgré toutes les bonnes volontés et les réforme (tte)s engagées continuellement, le développement qualitatif. Beaucoup de gosses au départ, pas mal d'adolescents exclus en cours de route, des bacheliers dont une (petite ?) partie de tricheurs et une (grande ?) partie de futurs chômeurs, et une université aujourd'hui classée, mondialement, parmi les dernières. Pas étonnant avec le climat de laxisme et de tolérance régnant au niveau de la sphère des «décideurs» ayant toujours peur de l'émeute, alors qu'au Libéria, on a vu cette année 0% d'admis à l'Université pour «insuffisance de résultats» chez 25 000 lycéens désireux d'accéder à la première année? On en est arrivé, suprême aberration, à voir des étudiants réclamer «l'accès au master sans condition» et des notes de «rachat» abaissées. Mais, pas de souci, ils y réussiront... comme certains de leurs camarades par le passé? et cela n'améliorera pas le classement mondial dans 10 ans.

Malgré les projets toujours «les plus grands d'Afrique», ils se font presque toujours «avoir» par des idées importées (ou d'arnaqueurs aux beaux discours tiers-mondistes) ou par des conseilleurs beaucoup plus affairistes que compétents ou sincères

Et, comment comprendre ? et la presse en fourmille d'exemples- qu'un chargé de la sécurité publique ou un magistrat ou un haut fonctionnaire, donc excellemment formé et «averti», tombe dans les griffes de la corruption minable, sachant pertinemment que son institution est, généralement, de plus en plus vigilante et outillée en ce domaine. Y aurait ?il donc un «trou» dans la formation des âmes pour des «prises de conscience», nous suffisant d'incantations religieuses ?

Les villes et villages sont parmi les plus sales au monde. A peine les chargés communaux du nettoyage sont-ils passés, laissant généralement les places presque propres, que la saleté reprend ses droits. Les bas-côtés des routes sont jonchés de détritus de toutes sortes? les sachets, les gobelets, les canettes et les bouteilles en plastique faisant désormais partie du paysage, donnant l'impression d'une «nouvelle agri-culture», d'autant que les couleurs sont diverses. En été, les plages à grand public sont, en fin de journée, pour les plus fréquentées, emplies de restes. Quant aux côtes, de plus en plus habitées, elles servent de C.e.t et de «déchetteries». Rien n'est épargné : même pas les endroits protégés. Faites un tour à l'aéroport international de la plus grande ville du pays? le soir. Interdit d'y fumer ! n'y pensez pas, le sol est jonché de mégots sous les yeux fatigués et démobilisés des agents de sécurité présents. Les hôpitaux ? Le (nouveau) ministre n'a -t- il pas menacé de fermer plus d'une dizaine d'entre-eux, tant les maladies nosocomiales font des dégâts. Regardez les toilettes des espaces publics (quand il y en a) ! Toutes déglinguées avec de l'eau partout? quand il y en a. De quoi se souhaiter une constipation afin de ne jamais les utiliser.

Comment comprendre les comportements inconscients des conducteurs d'automobiles sur les routes et les autoroutes qui, seulement pour se «poser» et «s'imposer», se conduisent en chauffards sans penser aux risques (mortels bien souvent) d'accidents. Comment comprendre ces gestes d'agressivité (et parfois d'agression allant jusqu'à l'utilisation d'armes pas seulement verbales : 14 815 affaires d'agression à l'arme blanche durant le premier semestre 2013 faisant 12 245 victimes, ceci selon la seule Police) suite à un simple regard incompris ou à un geste nullement malintentionné. Comment comprendre que dans certains quartiers, on en soit arrivé à des «lynchages» ? Comment comprendre la violence dans les stades et surtout les «gros» dépassements verbaux, ne respectant ni les familles devant leur téléviseur, ni les frères sur les gradins. Comment comprendre que l'on puisse faire souffrir (à l'hôpital ou à la maison) un malade incapable de s'exprimer clairement ou ne pouvant plus se défendre. Comment comprendre que l'on puisse abandonner à la rue ou à l'assistance publique, ses vieux parents ou, parfois, les expulser de leur propre logement? Parfois après les avoir violentés ? (2010 : 461 personnes âgées et ascendants maltraitées. 2011 : 2010 : 637 en 6 mois... ceci seulement pour les seuls cas recensés par la Gendarmerie)

Il y a pire : la méchanceté est en train de se généraliser chez le commun des concitoyens. Pour l'instant, circonstancielle, certes. Mais quand même inadmissible et intolérable. Bien sûr, elle est parfois compensée, quand il le faut, et en cas de «coups durs», par des élans (spontanés, on l'espère, on le croit) de générosité et de solidarité. Par contre, les (des) gens de pouvoir (politique, économique et même culturel et médiatique) sont devenus franchement mauvais ; un sentiment devenu presque normal chez eux. S'en rendent-ils compte ? On ne sait. Une attitude durable faisant désormais partie de la liste des «qualités du manager», le tout caché sous l'ombrelle de la rigueur, de la discipline, de la libre création, du professionnalisme... Sans cela, ils ne sont rien et ne se sentent pas «décideurs» ou «faiseurs» d'opinion.

Il y a, bien sûr, bien des raisons objectives à toute cette situation. Culturelles, sociales, économiques, historiques et, certains diront même politiques. Il y a, aussi, les multiples événements formateurs et/ou déclencheurs. Il y a, enfin, une certaine mauvaise éducation de plus en plus basée sur la «redjla», sur le «nif», sur la prise de possession et l'occupation de territoires (même, et surtout, appartenant à l'Etat, la chose la plus ignorée, la plus violentée), sur? L'animalité dans toute son horreur !

Malgré tout, ceci n'est pas grave (Ma âlich !), surtout quand l'Etat intervient avec rigueur et célérité pour réglementer, réguler et/ou sanctionner. Ce qui est de plus en plus rare, hélas.

Le drame, c'est qu'en plus d'être bêtes, sales et méchants, bien des gens sont prétentieux, vaniteux. Une fatuité, une suffisance sans nom surtout dès l'instant où leur est offert un «kouroi», un micro, une chaire, une arme, une plume, une émission, un guichet... Il s'oublient. Ils se lâchent. Personne et aucune action ne trouvent grâce à leurs yeux et leur langue se déchaîne contre l' «autre». A l'image de ce politicien, beaucoup plus «homme de politiques» qui, récemment interviewé, affirmait, sans retenue ni respect pour les autres, que «nous sommes supérieurs aux autres. Les Tunisiens peuvent mourir de faim. Les Egyptiens n'ont que le Nil mais ils sont plus de 85 millions. Le Maroc, c'est le régime féodal vendu à l'étranger ; la Libye, un conglomérat de petites tribus...». Oubliant qu'il y a peu, durant toute une décennie, plusieurs dizaines de milliers de ses concitoyens (100 000, 150 000, 200 000 ?) sont morts, assassinés parfois par le voisin, le frère? Une «tragédie nationale» qui ressemblait fort à une «guerre civile». Pour d'autres, crié sous tous les toits, jusqu'à en devenir gênant, c'est l'Algérie «qui a fait de lui (Mandela) un homme». «Lui» l'avait dit, en toute modestie, et par reconnaissance naturelle et spontanée, en 1990, à Alger lors d'un voyage. Nous, par contre !!!!!

Bêtes, sales, méchants? prétentieux... Mais pas tous, pas toujours, pas partout. Mais, heureusement, généreux jusqu'au sacrifice. Mais, heureusement, solidaires jusqu'à l'oubli de soi et des siens.

C'est qui, ces phénomènes ? Vous pouvez leur faire confiance, ils sont nés chez nous !