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Bouteflika, entre le devoir & le pouvoir

par Chaalal Mourad

«... Par l'œuvre de la concorde civile, le remboursement intégral des dettes, la récupération habile de ses prérogatives, à l'instar du général De Gaulle, monsieur Bouteflika a voulu personnaliser lui aussi le Pouvoir mais, sans pouvoir nous faire passer vers une 2ème République, l'œuvre fut incomplète, autrement, on lui aura dressé dans nos cœurs et sur nos places publiques des stèles en son honneur ; malgré les préjudices subis, le poids de l'injustice et l'aléatoire, je le remercie quandmême et lui souhaite un prompt rétablissement et rapide retour au pays...»

Sollicité depuis son exil à revenir «sauver le pays », non pas du terrorisme dont l'apaisement sécuritaire été déjà entamé par notre armée nationale via » la loi de la Rahma » mais, le faire sortir de sa solitude internationale, à l'instar de ce qu'a fait le général De Gaulle, qualifié alors » d'homme de la situation », revenu depuis « sa traversé de désert » comme disait Malraux, afin de sauver la France du bourbier algérien , a-t-on voulu peut être que monsieur Bouteflika fasse pareil pour l'Algérie des années 90 et comme lui, il eut aussi « sa traversé du désert ».

 15 années à la tête de notre diplomatie le présentent comme un connaisseur de la scène internationale, ses coups d'éclats lui confèrent une formidable aura, dans une Algérie à son zénith diplomatique, moult dossiers au titre desquels notre pays été ardemment sollicité, furent dénoués. Présidant la 29 me session de l'ONU de 1974, il expulsa les représentants du régime de l'apartheid ; La prise d'otage des ministres de l'OPEP de 1975 , puis celle des otages américains en Iran de 1980, avec l'humoristique lapsus »j'ai parlé avec l'avion» de feu »El Hadi Lekhdiri», monsieur Bouteflika alors, ministre conseiller à la présidence et feu Mohamed Seddik Benyahiya, ministre des A.E et où l'Ambassadeur Américain déclare que « le peuple et le gouvernement américains ont une dette éternelle envers l'Algérie.».

Hormis l'éclat de notre diplomatie les années 70/80 et les éloges faites à l'adresse de son chef, monsieur Abdelaziz Bouteflika, les contreparties pour l'Algérie en terme de développement hors hydrocarbures furent minimes sinon, tenter d'appuyer le peuple sahraoui dans sa lutte pour la libération, thème axial de notre politique étrangère depuis les années 60, essayant notamment de discorder les positions de certaines capitales influentes vis-à-vis des alternatives et propositions marocaines jugées »annexiste» en période de guerre froide , ou bien pousser certains de nos clients occidentaux à renégocier le prix du Gaz, les années 80 notamment.

 Une analyse personnelle me permet de dire que, même exilé, écarté, monsieur Bouteflika n'a jamais était tenté de faire dans l'opposition ou critiquer le pouvoir, qu'il connaissait assez bien ; Mieux, il n'est jamais resté loin des A.E du pays, contrairement à ce que pensent certains, il avait même parait-il, rendu service à l'Algérie durant les années noires. Vraisemblablement, monsieur Bouteflika a agi en un homme d'Etat et l'Etat lui devait au moins ça.

 Le sinistre 11 septembre chamboula la géostratégie occidentale et son approche du terrorisme religieux, il fut une aubaine pour notre régime, renié par l'occident des années 90, pour n'avoir pas comprit, pourquoi le processus électoral fut arrêté ! Il se sentait alors lâché par les amis auxquels il a réglé tant de dossiers, souvenez-vous ! Suite à la prise d'otage de 1994 de l'Airbus d'air France puis les attentats à Paris de 1995/1996, pas l'ombre d'avion planait sur les pistes de» Houari Boumediene», l'Espagne, restant la dernière et dont les représentations diplomatiques n'ont curieusement jamais quitté le pays, contrairement à d'autres. Depuis, le régime se sent obligé à ce pays. Face à une Algérie diplomatiquement affaiblie, mal défendue, le blocus n'a pas été difficile et comme disait le général De Gaulle « pour faire le blocus de Monaco, il suffit de deux panneaux de sens interdit ». Honnêtement, le rôle qu'a joué certaines capitales occidentales durant la tragédie nationale, fut néfaste, tel un trapéziste, ils sautaient d'une corde à l'autre au rythme de leurs intérêts ; Certains, Pensant que le FIS (dissout) allait gagner et que toute tentative de lui barrer la route été quasiment impossible, devaient alors se mettre en phase avec les nouveaux «patrons», la nouvelle » équipe gouvernante» de l'Algérie. D'autres, se sentant par contre redevables à notre régime, pour les services rendus les années 70/80 et craignant voir l'Algérie virer au noir sous la banderole du radicalisme, eurent un double langage, au moment où leurs chefs d'Etat exprimaient leur refus de l'arrêt du processus, les autres, les Ministres, les sécuritaires, disaient toute autre chose. Au début, notre régime reçu des signaux de la sphère occidentale qu'il avait interprété du type: «vu et approuvé », en paralysant notamment les mécanismes de l'Etat de droit dans sa lutte contre le terrorisme. A l'instar de ce qu'a fait l'Espagne à un certain moment, face à l'ETA, en transposant notamment, certains schémas de sa lutte antiterroristes; Selon un avis personnel, face à la violence incomparable du radicalisme religieux, des forces internes entraînèrent le régime dans la violence, au profit du radicalisme ainsi, qu'au bonheur des services étrangers, qui ficelaient durant, leurs dossiers sur les violations des droits de l'hommes dans notre pays, pour nous tordre le bras éventuellement, en toute état de cause, nous fûmes entraîné là où ces services voulaient exactement qu'on soit , là ou l'on est actuellement, un pays sans perspectives et en crises multiples, en plus, ils cherchent maintenant leur récompense dans cette Algérie pacifiée, pourvue d'une manne financière alléchante et qui sait être reconnaissante comme toujours. Quelque soient leur justificatifs, leurs alibis ou leurs tentatives de s'innocenter du sang coulé, de la douleur causée à notre peuple ainsi que, de l'image ternie de notre pays à l'étranger , le terrorisme religieux en est la cause principale, bien que l'approche du» tout sécuritaire» à un problème initialement politique ainsi que, l'ingérence malicieuse de certaines capitales de l'Europe sud-méditerranéenne et du moyen orient, sans aucun doute, furent les facteurs aggravants (F.A) de la crise algériennes des années 90.

Selon certains partisans du tout sécuritaire, l'Algérie de 1999 n'avait pas de problèmes internes, mais plutôt, de positions externes à défendre, d'image à récupérer, ce pourquoi on a fait appel à monsieur Bouteflika. Voulant lui faire jouer le rôle de chef de diplomatie sous couvert de celui du chef d'Etat, avec plein pouvoir à l'extérieur, mais à l'intérieur le terrain fut piégé, il rayonne mieux en extra-muros, le pensaient-ils, il avait comprit le manège, raison pour laquelle il cria sa célèbre allocution « je refuse d'être un ¾ de président ! ». C?est dans cette atmosphère que monsieur Bouteflika a réapparu sur la scène médiatique nationale, voulant changé quelque chose dans cette Algérie mal gérée, en faisant jouer sa diplomatie, lui qui avait compris avant les autres, que la crise algérienne présentait des F.A d'origines étrangères qu'ils fallait neutraliser, hélas, il se heurta à la réalité selon laquelle, le monde après le 11/09 avait totalement changé et que l'Algérie devait suivre.

 Dans les nouvelles relations internationales, le pétrole, ressource non renouvelable, ne suffisait plus à lui seul de faire la différence, il fallu miser sur l'antiterrorisme, cher à l'occident en plus, le terrorisme est une ressource renouvelable, inépuisable, qu'on peut instrumentaliser et améliorer, pour asservir les peuples, confisquer leurs devenir , destituer rois et présidents, en nommer d'autres , redessiner les frontières des pays et piétiner leur souveraineté.

Peut de temps de son investiture, il disait en ce qu'été le sens « ? j'ai trouvé un pays ouvert aux services étrangers, ils y jouaient comme au ping-pong, cela devra changer !», importante déclaration, émanant d'un homme d'Etat qui sait mieux que les autres, la capacité de nuisance de ses services. A l'instar du général De Gaulle, qui refusait d'octroyer un rôle à ces services, les espions les nommait-il, finalement monsieur Bouteflika, sous le poids du 11/09, fut contraint d'adopter d'autres choix, imposés notamment, par les rapports de force internes et externes ainsi que les accords internationaux, ratifiés par notre pays avant et après 1999. Le monde poste 11/09 est devenu dangereux et même Bouteflika avec tout son habilité diplomatique ne pouvait rien faire de plus, que de transmettre au monde une image d'une Algérie stable, forte, respectueuse des traités internationaux et essayer de jouer avec les grands au jeu du »Zorro, le justicier» qui tabasse les méchants mais, dont le masque lui cache totalement la vue pour y distinguer quoi que ce soi. La politique du prestige des années 70/80, ne tient plus devant notre humiliation quotidienne, vraisemblablement, nous avons un beau pays, où les ministres arrivent à parler aux avions et où les avions parlent aux innocents.

 Le Général De Gaulle, instigateur et 1er président de la 5eme République française, renforça le pouvoir exécutif et donc celui de la présidence de l république, il personnalisa parfaitement le pouvoir sans faire abstraction des institutions (à ne pas confondre avec l'individualisation du pouvoir propre au fascisme!) «..Le Pouvoir personnalisé s'accommode des structures constitutionnelles, le Pouvoir individualisé les détruit ou les ignorent?» (1).

 Par l'œuvre de la concorde civile, le remboursement intégral des dettes, la récupération habile de ses prérogatives, monsieur Bouteflika, à l'instar au général De Gaulle , voulu personnalisé lui aussi le Pouvoir mais, sans pouvoir nous faire passer vers une 2eme République, l'œuvre fut incomplète, autrement, on lui aura dressé dans nos cœurs et sur nos places publiques des stèles en son honneur ; malgré les préjudices subis, le poids de l'injustice et l'aléatoire, je le remercie comme même et lui souhaite un prompte rétablissement et rapide retour au Pays. Craignant que des forces internes exploitent sa maladie, pour se retourner contre lui , des »tires de sommation » leur furent adressés depuis l'étranger ; En guise d'assurance et pour les faire voir que les choses sont toujours entre les mains de monsieur Bouteflika et de son cercle , on rappela à l'ordre quiconque osait évoquait l'article 88; En plus, dans une Algérie politiquement régionaliste et à polarités diverses, ils ne défendaient que leurs postes, car si le président part, ils risquent de partir avec. L'homme fit ce qu'on attendait de lui mais, il a épuisé semble-t-il, sa capacité de manœuvre, pressé par la maladie, surprit par le printemps arabe qui faussa les calcules, mais surtout, trahit par son entourage, secoué par tant de scandales, les mauvais conseillés, les applaudisseurs, partisans du »laîche-bottisme» politique écœurant, qui trouvèrent sous son règne considération et honneurs. L'urgence, le devoir , pour lui ou le future président, c'est de balayer cette crasse nuisibles aux intérêts du pays, bourgeoisie parasitaire, mauvaise paysannerie, arriviste, envahisseurs de notre administration, qui font tout pour que l'Algérie loupe son développement, ceux-là, en sont pour quelque chose dans le pourrissement politique et économique de notre pays et enfin, nous rendre justice et respect. « Erved rasek ya ba ! », de quelles têtes parlait-il au juste, notre président ? Celles élevées au zénith et qui l'on trahit, ou des autres, humiliés et rabaissés mais, qui gardent pour lui, encore et malgré tout, de bonnes pensées ? Ceux-là, ont été éduqué à ne pas dénigrer leurs présidents. Il est à noter que, depuis la fin de l'ère de feu Chadli, la présidence a été notablement affaiblie, bien que l'ère de monsieur Bouteflika connu une récupération importante des prérogatives présidentielles. Si un jour, sous l'effet conjugué des pressions internes et externes, les algériens arrivent à choisir démocratiquement leur président de la République, selon les critères de la démocratie constitutionnelle (président choisi et non uniquement plébiscité !) dites-vous alors, que celle-ci (la présidence) est arrivée à un stade d'affaiblissement avancé, réduit à une institution démunie de toute volonté propre, réduite à ses aspects strictement protocolaires; À ce moment là, le vote sera libre et même nos amis occidentaux viendraient témoigner du bon déroulement et de la netteté du scrutin, comme ils l'on déjà fait au paravent.

(1) La personnalisation du Pouvoir dans les gouvernements démocratiques, par Albert Mabileau Revue française de science politique, vol ,10 1960.