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La 14 juillet et l'indigénat: Quand le maître invite, l'esclave ne peut refuser

par M.Boukherissa Kheiredine *

La France de Sarkozy redécouvre en cette fête du 14 juillet les sauveurs de la république. Ils sont maghrébins, noirs et colonisés, des «indigènes» sujets à l'incorporation obligatoire. Ce sont eux qui ont servi de chair à canon, de boucliers, de pare-feux et gilets pare-balles, pour que se libère la France du joug nazisme.

Un vent de négationnisme s'est emparé de la mémoire française depuis 1945, date des massacres qui ont fait plus de 45.000 victimes, pour faire disparaitre toutes traces de participation des maghrébins à la libération de la France vichyste. Ils étaient plus de 40 000 sacrifiés sur l'autel des inégalités raciales pour servir la cause qui à introniser De gaulle. Sans leur contribution la France n'existait pas. Elle était déjà annexée à l'Allemagne hitlérienne.

Ces oubliés de la république, du moins ce qu'ils en restent, viennent juste de recevoir un signe de reconnaissance.

Après 65 ans d'amnésie volontaire, les voir peut-être tous mourir comme le prédit Kouchner, pour qu'un semblant de justice soit rendu. La «décristallisation», forme de l'égalisation des droits à la retraite, votée en 2006, devient totale. Les Maghrébins, et particulièrement, les Sénégalais, sont enfin considérés comme combattants à part entière.

Est-ce un hommage ou un dédommagement ?

Si la fête nationale du 14 juillet 1790 consacre la naissance de la république et l'abolition de la monarchie, elle n'exclut en aucune manière l'anarchie mentale qui continue à coller aux tripes des pseudo-communards. De nombreux chefs d'état sont traditionnellement invités à la fête. Et en 1994, en signe de réconciliation, des soldats allemands sont invités à défiler sir les champs Elysées.

Le remake théâtral d'aujourd'hui est révélateur d'un sentiment de réanimation de la françafrique et de l'empire «fictif» réinstauré par Sarkozy. Douze chefs d'état africains sont conviés à la cérémonie. Pire encore, leurs armées défilent pour la circonstance. La France a besoin, dans sa déchéance actuelle, d'affirmer sa suprématie et son hégémonie. Sa politique est tachée de scandales et son économie agonise. Et c'est sur le dos de ses ex-colonies, francophonisés, qu'elle souhaite rebondir.

Serait-il possible qu'un jour, comme le précise un auteur avec qui je partage entièrement cette vue de l'esprit, que la France fasse défiler ses soldats à l'occasion de la fête de l'indépendance d'un pays africain. «A Rome, dira-t-il, on faisait défiler sous l'Arc de Triomphe les rois et reines vaincus pour affirmer l'autorité et la gloire de Rome. Ce n'est pas un acte simple, un défilé, cette marche au pas cadencé qui témoigne de la soumission intégrale aux directives du pouvoir et ceci n'a pas changé depuis Rome qui survit dans ses filles latines».

Peut-on rêver qu'un certain 5 juillet par exemple, en Algérie, un président français daignera-t-il assister à la célébration de notre fête nationale et conviera-t-il ses soldats à honorer de leurs présences les allées de l'avenue Zighout Yousef ou ailleurs, en signe de réconciliation. J'en doute !

La France aime cajoler les pays africains pour leurs soumissions et leurs abnégations à reconnaitre, indirectement, le rôle positif de la colonisation. Et c'est dans cet état d'esprit qu'évoluent actuellement nos politiques africaines.

* Président de la Fondation du 8 mai 45