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Pour la concrétisation du nouveau projet de Centre hospitalo-universitaire à Tlemcen

par M. Benkalfat *

Le projet d'un nouveau C.H.U. à Tlemcen, dont la réalisation est envisagée par les pouvoirs publics, est certainement un de ces grands projets structurants qui ne peut laisser indifférent t+/out un chacun et tout particulièrement les praticiens de la santé publique, conscients de l'enjeu qu'il représente à l'échelle de la wilaya, voire de la région extrême Ouest, dans sa partie Nord et dans les profondeurs Hauts plateaux et Sud de son aire d'influence.

La décision prise, quant à la réalisation de ce projet majeur, n'est certainement pas le fruit du hasard ou d'un mimétisme de quelque nature qu'il soit. Elle est tout au contraire, la résultante d'une volonté collective et d'une conviction profonde, manifestées maintes fois, à l'occasion de visites officielles au plus haut niveau, quant à la nécessité d'accroître les capacités d'accueil, eu égard au déficit chronique enregistré au niveau de l'actuel C.H.U., qui a depuis longtemps, atteint ses limites en terme d'offre de soins d'un niveau acceptable.

 Qu'il me soit permis de dire, que cette décision bien inspirée, est à mettre à l'actif de commis de l'Etat, d'un exécutif de wilaya qui s'est distingué par son esprit d'abnégation et par la force de l'argumentaire qui ont permis aux autorités centrales, de mesurer le degré de pertinence de ce projet vital pour la santé de nos concitoyens. Cette aimable prédisposition manifestée par les pouvoirs publics, ne saurait à mon sens, se limiter à l'inscription de ce projet. Elle doit obligatoirement s'inscrire, dans la permanence de l'action de concertation que symbolise l'engagement collectif du corps médical, dès lors qu'il a été sollicité pour exprimer son point de vue sur la consistance physique du projet en question et sa structuration en services.

 N'a-t-on pas dit dans un proverbe bien de chez nous que: «le maçon a beau s'ingénier à construire, il ne le fera pas aussi bien que celui auquel la bâtisse est destinée» !

 Cela veut dire, que le bureau d'étude conseil qui serait en charge du suivi du projet, se doit de travailler en étroite collaboration avec les utilisateurs de l'infrastructure, que sont : l'administration et le corps médical qui doivent obligatoirement s'exprimer sur les aspects de fonctionnalité des différents services, sur les commodités et les conditions d'accueil des malades.

 C'est là, un impératif et un acte de bonne gouvernance, dont l'administration en charge du projet ne peut faire l'économie. Si l'on considère que la réalisation et l'équipement de cette infrastructure d'une capacité de 800 à 1000 lits, nécessiteront pas moins d'une décennie, cela veut dire, que sa réception devrait intervenir en 2020, date à laquelle, la population de malades aura probablement plus que doublé.

 A noter aussi, qu'à cet horizon du moyen terme, Tlemcen devrait être en mesure d'assumer son statut de métropole régionale, que lui confère le Schéma National d'Aménagement et de Développement Durable du Territoire.

 Relever ce défi suppose bien évidemment, de meilleures aptitudes quant à l'offre de services de haut niveau et pour ce qui concerne le secteur de la santé publique, une garantie de soins de qualité tout au moins comparables à ceux dispensés par les hôpitaux français d'aujourd'hui.

 Dans cette hypothèse d'acceptation d'un retard d'une décennie par rapport à un pays développé comme la France, le C.H.U. de Tlemcen à l'horizon 2020, devrait être au niveau d'encadrement et de management hospitalier de celui de Montpellier en 2010.

 Cet exemple n'est pas fortuit dans la mesure où cette ville est jumelée à celle de Tlemcen, ce qui offre une opportunité aux universités des deux rives de la Méditerranée, d'engager une réflexion commune autour de cet objectif de gestion et de management qualitatif en milieu hospitalier.

 Cette proposition est formulée à titre indicatif pour dire qu'en fait, le défi qui se rattache à ce projet, ne saurait se limiter aux aspects strictement infrastructurels et d'équipements, au demeurant largement maîtrisés par les services déconcentrés de l'Etat.

 Plus que de respect de délais et de coûts impartis au projet, le vrai défi dans ce cas, est me semble t-il, celui de la formation de celles et de ceux qui seront appelés à prodiguer des soins de qualité et à gérer ce complexe hospitalier dans la conformité des normes et standards internationaux en vigueur.

 C'est à partir de cela, qu'on pourra mesurer le progrès qu'aura accompli notre pays, en vue de son alignement sur les pays dits développés, qui ont pour préoccupation essentielle, une offre de soins de qualité à l'ensemble de leurs populations.

 C'est en cela, que consiste le défi de cette «Algérie de demain », qui ne saurait traîner indéfiniment les tares d'un système de santé, dans bien des cas obsolète, parce que limité dans ses méthodes de gestion et peu attentif à la condition socio professionnelle des corps médical et paramédical.

 Au-delà de ces contraintes de natures multiples, les difficultés enregistrées dans la fonctionnalité de nos établissements hospitaliers, ne sont pas pour autant insurmontables, pour peu que soit dégagée, une stratégie d'acteurs qui tend à définir, les rôles des différents partenaires au sein d'une action concertée. En effet, les décisions qu'il convient de prendre, ne sauraient relever du seul domaine exclusif de l'administration, bien que celle-ci soit l'ordonnateur principal du projet en question.

 A défaut de cela, l'on serait probablement dans le cas de figure de cet hôpital d'Oran qui une fois achevé, après d'innombrables efforts et difficultés pour sa réalisation et son équipement, se trouve être en grande partie déserté par un corps médical qui n'a pas été associé à sa conception, pour ne retenir que cet aspect, évitant ainsi de sombrer dans une polémique sans intérêt par rapport à notre propos.

 Mais il faut dire aussi, que l'échec n'est pas forcément une fatalité algérienne. La réussite est bien souvent au rendez vous, chaque fois que l'action est conjuguée à la rigueur dans la maturation et le suivi du projet.

 Tel est le cas de l'hôpital de Aïn Temouchent dont la réalisation a été placée sous le regard attentif du bailleur de fond, en l'occurrence : la banque mondiale. Cette institution a imposé un chef de projet réalisation, confirmé par la suite par sa tutelle dans le poste de directeur et de gestionnaire principal de cet hôpital.

 L'on peut dire alors, que la réussite prend la signification d'une suite dans les idées, ce qui est antinomique de la dichotomie et de la parcellisation des responsabilités. C'est cet exemple, qu'il convient de méditer en désignant dans les meilleurs délais possibles : un chef de projet par voie de concours et un bureau d'études de niveau international pour la maîtrise d'œuvre. Il me semble utile que l'action du chef de projet une fois désigné, puisse reposer sur un conseil d'administration composé des différents secteurs concernés et sur un comité d'experts regroupant des professeurs de médecine, des universitaires et des ingénieurs dans les différents corps d'Etat. Si le conseil d'administration a pour mission habituelle, d'assister le chef de projet dans les différentes phases de la réalisation du projet, le comité d'experts quant à lui, devrait être chargé de concevoir un plan ressource humaine à l'horizon 2020.

 C'est là, me semble t-il, une mission principale qui doit déboucher sur l?engagement immédiat d'une formation dans différents domaines des corps médical et paramédical, si l'on veut éviter l'écueil de la réception d'une infrastructure de prestige, démunie de moyens d'encadrement.

 Le souci de sensibilisation des décideurs, quant à l'implication dans les plus brefs délais, de l'université, au titre de la formation de la ressource humaine, nécessaire au fonctionnement du nouveau C.H.U., m'a amené à faire une simulation sur les besoins à l'horizon 2020. Cette projection est à caractère tout à fait indicatif, dans la mesure où les propositions et les profils sont à préciser plutôt, au sein des travaux du comité d'experts.

 L'hypothèse formulée, pour une évaluation préliminaire est celle d'un centre hospitalo-universitaire composé de 50 services spécialisés, d'une capacité de 30 lits chacun. Si chaque service devait disposer d'un Professeur chef de service, de deux (2) Professeurs adjoints, de trois (3) Maîtres assistants, d'un chef surveillant médical, de deux (2) surveillants médicaux et de trente (30) infirmiers, les besoins globaux seraient de:

? 50 Professeurs chefs de services;

? 100 Professeurs adjoints;

? 150 Maîtres assistants;

? 50 Chefs surveillants médicaux;

? 100 surveillants médicaux;

? et 1.000 infirmiers.

Si l'on estime, que pour un bachelier, il faut 20 ans, pour accéder au grade de Professeur (7 années de médecine, 5 années de spécialité DEMS, 5 années pour le grade de docent et 3 années pour devenir professeur), l'on mesure l'ampleur de l'effort qu'il y a lieu d'entreprendre dès à présent, au niveau de la formation de ce corps médical.

 L'autre défi est celui de la formation paramédicale à raison de 100 infirmiers par an, mais pas seulement. L'on devrait également songer à former les managers dans les différents corps administratifs, les ingénieurs et techniciens supérieurs dans la maintenance des équipements, les ingénieurs et techniciens supérieurs pour le fonctionnement correct des différents laboratoires et bien d'autres personnels, que le comité d'experts aura à définir avec plus de précisions. L'objet de mon propos consiste seulement à dire, que la réalisation d'un centre hospitalo-universitaire dans ses dimensions infrastructurelles et équipements n'est pas une fin en soi. Cet effort de construction devrait s'engager de façon concomitante avec le plan formation de la ressource humaine. Comme il convient également, de songer dès à présent, à l'environnement et aux conditions d'accueil des différents personnels qui auront à exercer au sein de ce pôle, que nous souhaitons être, celui de l'excellence, de l'innovation, de la créativité, de la convivialité et du bien-être, dans l'intérêt des malades.

* Professeur en chirurgie générale Chef de service au CHU de Tlemcen