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![]() ![]() ![]() ![]() Pendant que les Allemands et autres Français
essaient de trouver des solutions à notre capacité de nuisance sur
l'environnement, les Chinois, encore eux, se voient confier la meilleure façon
de convertir nos eaux usées en eaux assainies et probablement réutilisables pour
notre agriculture.
On pourrait tout de suite conclure que nous sommes de bons producteurs d'ordures, un peuple qui ne sait même pas se servir d'une décharge publique et en tirer profit. On a bien trouvé la meilleure manière d'éradiquer le sachet noir en polyéthylène haute densité, par le sachet bleu de la même matière et les poches de saleté qui annoncent l'entrée de nos villes ont tout simplement changé de couleur. Puis, une autre trouvaille est apparue : les poubelles vertes à roues enlevées, qui virent au noir dégoulinant en quelques jours semées à travers toute l'Algérie. Certainement un gros marché confié à qui de droit de naissance ou d'appartenance communautaire, ou d'amitiés ou d'alliance. De même, des arbres plantés le long des trottoirs envahis dès les premières pluies d'herbes sauvages, qui leur rongent les racines asséchés et oubliés. Pourquoi l'Algérie se ressemble-t-elle tellement du nord au nord en passant d'ouest en est ? Un gros village où les particularités régionales ont disparu devant l'invasion de la culture fast-food et cette tendance à vouloir se reproduire à l'identique comme des robots. Même l'art culinaire a disparu sous les montagnes de frites-omelettes et de pizzas à l'italienne. C'est la faute à l'Etat central disent les uns. C'est la faute au peuple d'en bas qui manque d'exigences dès que les seuils des domiciles sont franchis. Pourtant nous nous sommes attribués une image héroïque et de grandeur à la limite de la rébellion, lorsqu'il s'agit d'injustices, ne pouvant accepter la « maquération » comme disait si bien notre défunt ami. C'est que l'Algérie est gouvernée de bas en haut et de droite à gauche de la même manière, avec les mêmes lois, les mêmes décrets, les mêmes notes de service. Le même modèle d'hommes produits par la même machine sans maintenance, sans changement de moteur, depuis le départ des colons. Une machine grippée qui présente depuis longtemps déjà les signes d'essoufflement propres aux matériels réformés qui a trop servi. Peut-on continuer ainsi ? Oui disent les chefs paroliers qui trouvent dans leur façon de faire les aspects positifs qu'ils sont seuls à voir, au point de se demander s'ils font partie de ce peuple, maintenant qu'ils se sont enfermés dans leurs croyances et leurs quartiers. Non disent les bidonvilles qui ceinturent indéfiniment les villes et villages, où loge le peuple et qui n'ont d'autres alternatives que de rechercher des stratégies de survie dans la confrontation quasi quotidienne avec les forces de l'ordre. Une habitude ancrée dans les mœurs démystifiant l'Etat central, lui renvoyant l'image qu'il refuse de voir par narcissisme. « Le citoyen arabe attend des actes et le public arabe en a marre des paroles et a entendu beaucoup de paroles et que les citoyens arabes attendent des dirigeants des actes et non des discours », avait lancé confusément Kadhafi à la face de ses collègues à Syrtre, même s'il n'est pas mieux placé que les autres pour le dire. Aussi, continuer à gérer l'Algérie ainsi sous prétexte de détenir le pouvoir de décision au nom de tous ne marche plus. C'est que l'Algérie est trop grande pour un Etat central mais le seul fait d'engager ce débat soulève une poussière tellement épaisse qu'elle peut geler toute parole. Ce débat trouvera toujours ses contradicteurs parmi les consommateurs privilégiés de la rente, qui ont intérêt à contrôler la manne pétrolière à partir d'un seul lieu, Alger. L'Etat continuera ainsi à fonctionner comme un enfant au stade anal, qui pense ne pas être vu en posant les mains sur les yeux. C'est ainsi qu'Oran, deuxième capitale du pays faut-il le rappeler, se maquille pour la tenue du GNL 16 attendu à grands coups de youyous. Les fleurs poussent en une seule nuit, les palmiers naissent à l'âge mûr, la chaussée est refaite une fois de plus, les trottoirs se rhabillent, l'eau arrive à grande pression dans les robinets, les façades se font repeindre sur les axes que traverseront les étrangers. Le tramway appelé métro par les autochtones avance comme il peut avec en arrière-pensée un projet algérois de même nom qui dure depuis des générations. Fait habituel des grandes manifestations, les mendiants, les clochards, les sans-abri sont pourchassés jusqu'à la fin du grand événement. L'échec de la République centrale ne doit pas être visible en omettant que les étrangers ont aussi des missions diplomatiques qui ont une certaine idée du quotidien d'ici sans perdre de vue les contrats à aspirer. Durant quelques jours les ordures seront ramassées régulièrement, les candélabres illumineront la ville, les sirènes annonceront le passage des cortèges, la sécurité sera assurée pour tous, une multitude de drapeaux hauts en couleur s'aligneront le long des boulevards principaux, puis vient la fin de la fête. Nous reprendrons notre calme habituel, les rats réapparaîtront en plein centre-ville, les chats leur disputeront les poubelles débordantes, les mendiants se replaceront à leurs coins, les clochards repeupleront les dessous de ponts. L'Etat central aura terminé sa mission civilisatrice de courte durée et reviendra à Alger pour nous voir de haut comme avant. Sonatrach reprendra du service en quête de nouveaux marchés à attribuer, à l'ombre de l'augmentation prévue du prix du gaz. Les magistrats ouvriront les dossiers de corruption pour en refermer quelques-uns et les partis politiques s'empresseront de faire la queue à El-Mouradia, pour vanter les mérites du grand timonier. Entre-temps, le bateau continuera sa descente en mer, les bidonvilles leurs émeutes, la chaîne des ministrables grossira à vue d'œil dans l'espoir d'un changement de gouvernement, l'Etat central affichera sa persistance à demeurer immobile et l'Algérie restera grande? en surface. * «Maquération» : terme inventé par un jeune Algérien sur une feuille d'examen, voulant dire actes de Mouncour, intraduisible en l'état. |
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