Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

La gomme arabique s'efface

par Abdelkrim Zerzouri

La gomme arabique, naguère peu connue par la masse, est propulsée sur le devant de la scène par la guerre au Soudan. Il s'agit d'un épanchement de la sève solidifié, produit naturellement ou à la suite d'une incision sur le tronc et au pied d'arbres du genre Acacia, dont l'utilisation touche à divers domaines de l'industrie agroalimentaire et pharmaceutique, ainsi qu'un usage dans le domaine de la production de cosmétiques et plusieurs autres produits de la peinture et jusqu'aux fameux cigares de la Havane. Il y a des choses que le grand public ignore à propos de cette gomme arabique, comme le fait qu'elle soit le seul produit épargné par les sanctions décidées, en 1997, par les Etats-Unis contre le Soudan, parce qu'elle entre dans la composition de la boisson Coca Cola. On imagine maintenant toute son importance. Qui pouvait croire que le conflit violent au Soudan pouvait influer d'une quelconque manière sur un quelconque produit local fortement demandé par le marché mondial, comme ce fut le cas avec la crise née de l'arrêt des exportations du blé, du maïs et des engrais suite à l'éclatement de la guerre en Ukraine ? On sait que l'agriculture est un secteur vital pour l'économie du Soudan, notamment la production du coton dans l'Etat d'Al Jazirah, qui renfloue les recettes en devises du pays, mais on ne soupçonnait pas qu'une rupture en approvisionnement d'un produit ou un autre, due aux violences en cours au Soudan, puisse provoquer une pression sur le marché mondial. Comme c'est le cas de le constater avec la gomme arabique. L'arrêt des exportations de la gomme arabique, provoqué par le départ des étrangers, acheteurs potentiels de ce produit, accentué par la paralysie du transport routier à cause de la destruction des camions et les morts de routiers qui bravaient les combats, est une catastrophe non seulement pour les producteurs soudanais et quelque cinq millions de personnes qui vivaient de cette sève durcie, mais aussi pour les industries agroalimentaire et pharmaceutique dans de nombreux pays, qui ne pourraient plus tourner sans la gomme arabique. La Fédération internationale de la promotion de la gomme (AIPG) qui rassemble producteurs, importateurs et fabricants tente d'apaiser les inquiétudes sur le marché mondial, affirmant que les «entreprises ont assez de réserves importées du Soudan et d'autres pays dans ses hangars pour absorber de possibles interruptions de l'approvisionnement». Laissant entendre que d'autres voies d'importation existent à partir du Tchad et du Nigeria notamment, qui peuvent «contribuer de façon significative» à l'approvisionnement mondial. Mais, à la longue, le manque d'exportations soudanaises, qui se chiffrent à 60.000 tonnes en 2022, selon Mostafa al-Sayyed Khalil, président du Conseil de la gomme arabique du Soudan, se fera certainement durement sentir par l'industrie agroalimentaire et pharmaceutique mondiale. Bien sûr, on espère que ce conflit sanglant s'arrête le plus tôt possible.