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La spéculation et le fait divers

par Abdou BENABBOU

Quelques âmes sensibles ont trouvé que les condamnations infligées à des spéculateurs à travers tout le territoire national n'ont aucune commune mesure avec les faits reprochés. Ils estiment que dix ans de prison est une condamnation hors norme par rapport aux délits prouvés et certains vont jusqu'à décortiquer le vieil adage de l'œuf et du bœuf. Les contradictoires commentaires vont bon train pour que soient avancées des comparaisons confuses entre les spéculateurs et les spectres des célébrités de la prison d'El Harrach.

Mais affamer la population n'est pas un simple fait divers et les condamnés ont le loisir de faire appel contre les sentences prononcées à leur encontre pour que soient réévaluées leurs punitions. Il est peu probable que la justice soit magnanime car au moment où l'humanité entière est en passe de crier famine et à l'heure où la majorité de la population algérienne tente de surmonter d'énormes soucis existentiels, se donner à la rétention de produits de première nécessité est un crime incontestable.

De fait, il ne s'agit sans doute pas de focaliser le regard sur le bout du nez. Cette importante affaire est le résultat d'un état d'esprit d'une inconscience débordante mettant en péril toute la nation et fait de l'Etat un pantin auquel on n'accorde aucune considération. La majorité des remarquables faits divers, avec les grands drames et les fortes émotions qu'ils engendrent parmi la population, sont le résultat d'une indiscipline collective qui s'est généralisée pour que des pans d'êtres soient assimilés à de véritables zombies. Il serait maintenant indiqué de ne plus continuer à se bercer de la puérile conviction qui veut que l'Algérien est une personne sanguine particulière solidement attachée à son profil d'électron outrageusement libre.

Cette liberté-là n'a aucun sens dans le vivre ensemble. N'en déplaise aux fervents de ceux qui triturent la démocratie à toutes les sauces, l'Etat a le devoir et l'obligation d'asseoir solidement sa présence pour que la vie communautaire et le juste partage de l'espace commun s'effectuent dans l'harmonie. Pour ce faire, le bras de fer d'une digne justice est imparable.