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Harrag avec une idée vague sur la liberté

par Abdou BENABBOU

Il n'est plus. Arraché à ses proches, ses amis, ses voisins en pleine mer et son corps a été rejeté sur une plage oranaise ce vendredi. Harrag dans l'âme et en bravant la Méditerranée, il a donné une juste définition à ce feu condensant qui consume aujourd'hui sa mère par tous les bouts. Deux de ses frères ont déjà osé narguer la mer dans la clandestinité sans se douter qu'ils allaient affronter les risques d'un autre naufrage existentiel, plus large, sans doute plus lourd sur une terre inconnue et pour n'avoir comme seul logis que celui des quais des métros de Lyon et de Paris.

Incompréhensible et terrifiant est cet appel à prendre le large dont le contenu n'a que la virtualité du mirifique et qui, peu à peu, permet à des passeurs assassins d'un nouveau calibre d'amasser des fortunes en vendant des cauchemars, souvent la mort.

Pourtant ailleurs la vie n'est pas rose. De l'autre côté de la mer, à d'infimes exceptions, les sociétés faussement riches sont presque à deux doigts de la famine. Affirmer que les poubelles des supermarchés se construisent un bel avenir n'est pas une exagération. Alors il faudra se pousser à se vouer à n'importe quel dernier saint venu pour comprendre la présente et gigantesque maldonne qui enivre une partie de la jeunesse algérienne. Elle n'est pas seule à se laisser entraîner par les chants des sirènes et des êtres au summum de leur maturité, auxquels ils ne manquent rien ou presque, se nourrissant d'une idée vague sur une liberté qui ne produira qu'une nostalgie dévastatrice.

La générosité des pouvoirs officiels et le don de soi du Trésor public n'ont pas manqué. Financièrement, le chômage dans sa globalité a été pris entièrement en charge. Les logements sont distribués à tire-larigot. L'aide à l'emploi et l'accompagnement de l'investissement des jeunes semblent friser l'outrance et n'ont pas de similitudes ailleurs. Mais pourtant une maldonne tenace et rigide est figée dans les esprits quelque part. Elle n'est pas une spécificité algérienne, loin s'en faut, et tend à s'universaliser pour que des niches humaines ici et là, en doutant des progrès et des bienfaits de la civilisation commencent à regretter jusqu'à la simplicité de l'âge de la pierre.