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«Never complain, never explain»

par Amine Bouali

Feu Elizabeth II, la défunte reine d'Angleterre qui vient de décéder le 9 septembre dernier et qui a été, d'après ses proches, une dame très affable et dotée d'un sens de l'humour décalé très british, avait néanmoins une devise qui peut sembler, de prime abord, davantage empreinte de sagesse et d'humilité dans sa première partie que dans la deuxième. Cette devise, c'est : «Never complain, never explain», qu'on peut traduire par «Ne jamais se plaindre, ne jamais expliquer (ou ne jamais se justifier)».

Être reine d'Angleterre n'est peut-être pas un job de tout repos, mais ce n'est pas non plus le pire métier du monde. Moins dans sa fonction de monarque que dans sa vie familiale, elle a eu parfois à affronter quelques déboires ainsi que les reproches de ses compatriotes (en fait, de ses sujets), mais par fidélité au premier terme de sa devise, elle s'est toujours gardée de s'en émouvoir, du moins publiquement. Elle a su, à chaque fois, s'entourer d'une sorte de discrétion stoïque et digne, et notamment dans les temps de grand malheur.

Mais si s'abstenir de se plaindre est le propre des êtres patients et pudiques et qui savent aussi que dans la vie il existe toujours des ennuis plus graves que les leurs, ne jamais expliquer (ou se justifier) est la marque, par contre, des individus qui ont une idée très élevée de leurs mérites (ou de leur rang) ou qui croient toujours avoir raison, même seuls contre tous. C'est, en particulier pour ceux qui détiennent un pouvoir ou occupent un poste de responsabilité, juger qu'ils n'ont pas à s'expliquer ni rendre des comptes devant personne.

Expliquer (se justifier), ce n'est pas forcément répondre à une attaque ou une critique ou faire aveu de faiblesse, c'est plutôt éclairer ou expliciter son acte, sa décision ou son choix dans un souci de pédagogie, c'est tenter de convaincre dans un but d'adhésion, c'est aussi avoir du respect pour son contradicteur. A moins de se soucier comme d'une guigne de l'opinion d'autrui et de penser, comme le professait ce bon vieux et néanmoins génial auteur britannique William Shakespeare, que «Mieux vaut mourir incompris que passer sa vie à s'expliquer.»