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La faim plus menaçante

par Abdelkrim Zerzouri

Les nouvelles sur le commerce alimentaire mondial ne sont pas des plus rassurantes, notamment pour les pays pauvres. Après le blé, l'orge, le colza et le maïs, qui ont subi les effets néfastes du climat et de la guerre en Ukraine, enregistrant une hausse fulgurante de leur prix sur le marché mondial, atteignant des cimes de 440 euros/tonne pour le blé dur, soit près de trois fois son prix d'il y a deux ans, ne voilà-t-il pas qu'à peine la situation commence à revenir à la normale, après les accords conclus en Turquie entre Moscou et Kiev pour la reprise des exportations ukrainiennes, c'est le riz qui fait parler de lui. Le prix du riz, qui constitue l'alimentation de base dans les pays où les populations souffrent de la faim, souvent acheminé vers ces contrées dans le cadre du Programme alimentaire mondial (PAM), première organisation humanitaire mondiale de lutte contre la faim, est appelé à connaître une flambée jamais vue. Et, ce n'est pas la guerre en Ukraine qui en est la cause.

La production de riz de l'Inde, qui est le deuxième plus grand producteur au monde, et qui contribue à 40% dans le commerce mondial du riz, a subi de graves dommages suite à la faible pluviométrie dans les principales régions productrices de riz, faisant craindre des freins aux exportations de ce pays. Le ministre indien de l'Agriculture a déclaré, le 13 août dernier, que la superficie rizicole était tombée à 30,98 millions d'hectares, au 12 août, contre 35,36 millions d'hectares il y a un an. Est-ce à dire que le géant du riz va limiter ou interdire carrément les exportations de riz en raison du sacro-saint argument de la sécurité alimentaire de l'Inde, qui a déjà poussé ce pays à interdire ces derniers mois l'exportation du blé après les pertes subies par une vague de chaleur record à travers plusieurs régions du pays, ainsi qu'une restriction des exportations de sucre pour assurer son approvisionnement alimentaire ? Des restrictions des exportations de riz seront certainement adoptées par le gouvernement indien, et même s'il ne le fait pas, il ne sera pas en mesure d'exporter les mêmes quantités que durant les années précédentes.

D'où la hausse quasi assurée du cours mondial du riz. Un directeur d'une société indienne d'exportation a, dans ce cadre, laissé entendre que les prix de certaines variétés avaient augmenté de plus de 10% dans des Etats rizicoles clés en Inde, qu'en sera-t-il alors pour les exportations vers l'étranger ? Selon le même directeur, les prix à l'exportation pourraient passer de 365 dollars/tonne (prix actuel) à 400 dollars en septembre, voire plus.

L'Algérie, qui importe presque tous ses besoins en riz de l'étranger, ne doit-elle pas anticiper des commandes pour constituer un stock de sécurité ? Pour d'autres pays qui n'ont pas les moyens d'acheter maintenant ou dans les prochains mois, ainsi que les organisations humanitaires de lutte contre la faim, ils doivent dès à présent penser à un produit de substitution. Décidément, le monde n'aura pas à craindre que les guerres, car il doit se préparer à l'épreuve suprême avec le dérèglement climatique et ses conséquences.