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Pragmatisme italien

par Abdelkrim Zerzouri

Deux évènements où l'Afrique occupe un centre d'intérêt se tiennent concurremment en France et en Italie. Le sommet France-Afrique d'une part, qui s'est tenu la semaine écoulée à Montpellier, et la réunion ministérielle Afrique-Italie, dont les travaux ont débuté vendredi à Rome, révèlent une course de deux anciens pays colonisateurs pour reprendre pied dans un continent très prometteur sur le plan économique. Mais dans ces deux rencontres, Français et Italiens y vont avec des approches ou des stratégies différentes. A la séance d'ouverture des travaux de la réunion Afrique-Italie, le président de la République italienne, Sergio Mattarella a affirmé que l'Afrique «est le continent de l'avenir et des opportunités», d'où la nécessité d'aplanir les obstacles en vue d'encourager l'investissement en Afrique particulièrement dans le domaine énergétique et de l'aider à faire face aux conséquences des changements climatiques. Il intervenait devant des délégations de près de 50 Etats africains et des représentants de l'Union africaine (UA) et d'autres organisations régionales ainsi que d'experts, d'académiciens et d'hommes d'affaires, qui ont pris part à la réunion de Rome.

A Montpellier, le président français Emmanuel Macron a mis en œuvre une approche inédite lors de ce dernier sommet France-Afrique. Le traditionnel face-à-face du président français avec plus d'une cinquantaine de chefs d'Etat africains a été remplacé par un débat entre le président français et des jeunes venus de pays africains et de la diaspora africaine. Cela montre bien combien le président français a la tête ailleurs que dans le continent africain. Préoccupé par sa réélection pour un second mandat, qui passe par la recherche de gains de voix électorales plus que toute autre considération de percée économique sur le continent africain, le président français joue son charme devant les jeunes, ces électeurs que peuvent détourner d'autres candidats à cause de ses relations avec les chefs d'Etat africains. Exactement ce qu'il a fait en sacrifiant les relations officielles avec l'Algérie pour, croit-il, gagner des voix.

Cela ressort clairement par la voix d'un jeune activiste et blogueur sénégalais qui a, lors du débat avec le président français, exhorté la France à « demander pardon au continent africain » pour les crimes de la colonisation, à « cessez de coopérer et collaborer avec des présidents dictateurs » et à « programmer un retrait progressif et définitif de ses bases militaires en Afrique ». D'une voix après l'autre, des responsables de pays africains s'offusquent de cette attitude du président français sortant, qui ne met plus ni l'art ni la manière pour se fendre en critiques acerbes à leur égard, et à la moindre occasion. L'Italie, plus pragmatique, n'a pas d'autres soucis que d'investir dans de nouveaux projets, énergétiques notamment, dans cette Afrique qui regorge de richesses souterraines et où la concurrence avec d'autres puissances, sans la France, déjà, n'est pas des moindres. Pour les Italiens, l'avenir se joue au présent, en discutant avec les responsables africains en place. La France, elle, s'enferme dans le piège des surenchères électoralistes, en ouvrant le débat avec les activistes africains.